Yokaido - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 14 Juin 2019

Voici déjà trois ans et demi qui Shigeru Mizuki nous a quittés, mais les éditions Cornélius, on peut les en remercier, continuent de nous faire découvrir son oeuvre, qui est loin de se limiter au strict registre du manga. Car avant d'être mangaka, Mizuki était sans doute plus encore un passionné des yokai, ces créatures anciennes du folklore nippon qu'il a largement contribué à repopulariser pendant toute l'après-guerre, et la diversité de l'artiste dans sa passion se retrouve parfaitement dans Yokaido, un artbook unique en son genre paru en France en novembre 2018.

En guise d'artbook, Mizuki propose ici une réinterprétation visuelle de l'une des oeuvres les plus emblématiques d'Utagawa Hiroshige: "Les cinquante-trois stations du Tôkaidô", une série de 55 estampes conçues en 1833-1834, que le maître de l'ukiyo-e a faites pour immortaliser les vues bien différentes de cette célèbre route qui, au début du 17e siècle, reliait Kyoto et Edo, les deux plus importantes villes du pays, à diverses fin: faciliter le commerce et les échanges, et permettre aux daimyo de parcourir les 500km séparant les deux cités. Une route historique qui offrait autant de beaux panoramas que de haltes. "Les cinquante-trois stations du Tokaidô" ont contribué à un important tournant de l'Art japonais, mais cela, l'excellente préface de Cornélius dans Yokaido l'explique très bien.

Yokaido propose une formule simple: à chaque page tournée, on trouve sur la gauche l'estampe originale d'Utagawa Hiroshige, et sur la droite sa réappropriation par Shigeru Mizuki, qui y distille avec malice et précisions des yôkai qui ne sont pas là par hasard. Le résultat est passionnant: en plus de nous faire découvrir ou redécouvrir toutes ses importantes estampes de Hiroshige, on observe avec admiration ce qu'en a fait Mizuki à chaque fois, d'autant plus que ce dernier a repris la même technique (à l'époque révolutionnaire) de gravure sur bois, pour rendre un hommage parfait à deux univers représentant tous deux un patrimoine japonais important mais faisant partie du passé: les estampes, et les yôkai. Et le résultat est donc superbe, que ce soit pour la fidélité globale, pour l'incursion des yôkai et d'autres éléments, pour la gestion des compositions et des couleurs... Chaque double-page est un régal visuel que l'on se plaît à comparer, à analyser, à observer dans les moindres détails. Et en cerise sur le gâteau, à la fin de l'artbook, un index des stations, où chaque station (et donc chaque estampe) se voit richement décortiquée, avec des explications sur le rôle de chacune, sa création, ses spécificités, son panorama... un long et riche index achevant de la meilleure manière possible le précieux ouvrage.

Yokaido est un artbook passionnant et somptueux, qui plus est servi dans une édition riche et exemplaire, jusque dans son papier bien épais, son impression impeccable, sa couverture bien rigide et son dos superbement toilé.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction