Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 07 Novembre 2016
Franchise cross-média rencontrant actuellement un succès mondial, Yo-Kai Watch est pourtant un phénomène né fin 2012 au Japon. La licence tire ses origines du studio japonais Level-5, aussi connu pour Inazuma Eleven, qui a cherché à développer sa propre série de softs de monstres façon Pokémon. Si l’anime a vu le jour en 2014, des mois après la parution du premier jeu au Japon, le manga signé Noriyuki Konishi est bien le premier produit Yo-Kai Watch à avoir vu le jour. Pré-publié depuis décembre 2012 dans le magazine Coro-coro, le même qui publie aussi la longue série Pokémon Special, la version papier est arrivée sept mois avant le jeu-vidéo, lui donnant alors une exclusivité amenant des différences par rapport au jeu lui-même, mais aussi la série télévisée.
En France, le plan marketing pour exploiter cette nouvelle poule aux œufs d’or est plus minutieusement calculé. Si le dessin animé est diffusé depuis cet été sur Gulli, l’ensemble des autres produits voit le jour en cet automne 2015. Hasbro édite ainsi différents jouets autour de la franchise, tandis que Kazé amène en grande pompe le premier DVD de l’anime ainsi que l’adaptation manga qui compte actuellement onze tomes au Japon. Point d’entrée idéale dans l’univers au même titre que le jeu ou l’anime, la version papier de Noriyuki Konishi ne manque pas d’atouts pour séduire les jeunes lecteurs… mais aussi les plus vieux !
Nathan Adams est un écolier ordinaire et sans aucune prétention, voué à ne connaître qu’une enfance banale. Son destin chance lorsqu’il aperçoit une ancienne machine à capsules qu’il tente de faire fonctionner. De son achat sort Whisper, un fantôme qui se décrit comme un Yo-kai, mais aussi le nouveau majordome de notre héros ! Plus impressionnant encore, il apprend à Nathan l’existence des Yo-kai dans le monde, des créatures diverses et variées, invisibles au regard du commun des mortels, mais pourtant responsable de bien des faits quotidiens qu’on ne saurait expliquer. Un énervement passager, une glissade soudaine par terre… un Yo-kai peut en être responsable ! En confiant à Nathan une montre capable de faire apparaître et matérialiser les Yo-kai sous forme de médaillons, Whisper donne à son jeune ami l’opportunité de redécouvrir le monde qui l’entoure, mais aussi d’accumuler les rencontres et les amis.
Adaptation du jeu-vidéo (et non de l’anime), le manga Yo-Kai Watch intègre la collection Kids de Kazé, une évidence quand on sait que la franchise est avant tout destinée à un jeune public avoisinant les 6-12 ans, la même cible que le phénomène Pokémon lorsque celui-ci a débuté en France au tout début des années 2000. L’adaptation papier phare a logiquement été confiée à quelqu’un d’habitué au registre Kodomo, Noriyuki Konishi semblait ainsi parfaitement apte à la tâche étant donné son œuvre conséquente de titres pour jeunes lecteurs. Et en effet, tous les ingrédients pour séduire les moins âgés sont là et ne démordent pas de tout le tome. L’esprit de ce premier tome est léger, le décor est vite planté et permet de vite entrer dans les péripéties quotidiennes de Nathan pour ainsi découvrir ses rencontres avec de nombreux Yo-kai. Chaque chapitre décrit une mésaventure, une situation liée à un Yo-kai à laquelle le héros se voit confronter. Schéma classique, évidemment, mais la sauce prend parfaitement grâce à la capacité qu’a l’auteur de renouveler ses intrigues tout en s’appuyant sur les différents chapitres scénaristiques du jeu-vidéo. Pour autant, le manga Yo-kai Watch n’en n’est pas qu’un simple copier-coller : il adapte les événements, les sélectionne, et les traite différemment lorsque besoin est. A ceci s’ajoute un ton moralisateur constant puisque chaque histoire permet de donner une leçon de vie destinée aux plus jeunes. Bien réviser après une journée d’école, ne pas mentir à son prochain pour éviter des complications… tant de messages simples, mais bien traités par les différentes intrigues, de quoi rendre la lecture convaincante aussi bien pour l’enfant que pour les parents.
Avec ce premier tome, nous découvrons aussi l’humour du mangaka, une touche omniprésente puisque les gags sont constants et reposent aussi bien sur un aspect visuel que par les échanges verbaux entre les personnages. Et c’est bien à ce titre que le manga Yo-Kai Watch peut très bien être apprécié par un lectorat plus mature, car si les plus jeunes s’amuseront du côté léger et des réactions de Jibanyan, il demeure une tonalité volontairement absurde à côté de laquelle un lecteur trop jeune pourrait passer. Pourtant, c’est bien cette inventivité du burlesque qui fait mouche ici, on se surprend alors à rire du comique de répétition, du côté graphique de l’auteur qui rappelle l’absurdité de l’humour de Dragon Ball lors de ses premiers arcs, une qualité soulevée par les différents chapitres qui renouvellent toujours leurs gags.
A la première vue du phénomène, on pourrait reprocher à Yo-Kai Watch d’être un ersatz de Pokémon. Il est vrai que la recette est similaire et projette un enfant dans un monde de créatures aussi mignonnes que bizarres, mais concernant cette adaptation manga, le ton se veut bien différent et les intentions de l’univers éloignées de celui des monstres de poche. Si Pokémon insiste sur la compétition, les combats et les grandes aventures dans ses jeux-vidéo et le manga « La Grande Aventure », Yo-Kai Watch opte pour la tranche de vie, l’humour constant et la légèreté.
Du côté de l’édition, Kazé livre un travail tout à fait honorable, appuyé par la très bonne adaptation de Jean-Benoît Silvestre qui adapte parfaitement le ton de l’œuvre en toutes circonstances. Notons que le tome est proposé en deux éditions : l’une classique, et la seconde offrant un médaillon de Jibanyan pour permettre aux plus jeunes de démarrer leur collection Yo-kai, un point qui soulève l’excellent plan marketing autour de la franchise. On notera un certain regret pour l’adaptation qui choisit de reprendre les noms occidentaux, dont celui de Nathan Adams, au détriment de Keita Amano. Si on comprend l’objectif commercial d’uniformiser les noms des différentes productions pour que le plus jeune des lecteurs soit en terrain connu, difficile de comprendre l’occidentalisation de noms japonais en 2016…
Drôle, rafraîchissant et ponctué de bonnes idées, ce premier tome de Yo-Kai Watch convainc entièrement. Suffisamment inventif, Noriyuki Konishi créé un divertissement aussi efficace chez les enfants par le côté léger pourvu d’une morale régulière, que chez les adultes qui apprécieront l’absurdité de l’humour qui se renouvelle habilement.