Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 22 Février 2023
Que l'on aime ou non Tokyo Revengers, force est de reconnaître que le titre de Ken Wakui a ouvert la voie au genre furyô, chez nous. L'histoire de Takemichi Inagaki n'est pourtant pas la première du genre à avoir atteint nos contrées, loin de là, mais les récits de jeunes voyous n'auront jamais été aussi présents et attendus qu'aujourd'hui. Racaille Blues (revenu sous son intitulé d'origine Rokudenashi Blues) n'était plus disponible, Worst n'avait jamais été porté jusqu'au bout par Panini... Aussi voir le genre s'installer comme il se doit dans nos librairies est une véritable victoire.
Après avoir relancé Rokudenashi Blues, l'un des piliers de furyô que l'on doit à Masanori Morita, Pika décide d'exploiter le genre avec plus de fraîcheur, autrement dit un récit dans l'air du temps. Lancé en 2021 sur la plateforme Magazine Pocket des éditions Kôdansha, Wind Breaker est l'œuvre de Satoru Nii, qui n'avait jusqu'alors qu'une série complète, assez courte, à son actif. Avec ses 10 volumes et un succès commercial au rendez-vous, le manga semble avoir de beaux jours devant lui.
Haruka Sakura aime la bagarre et se confronter à des adversaires de valeur. C'est dans cette optique qu'il intègre le lycée Fûrin, réputé pour abriter la graine de la délinquance du pays. Haruka n'a donc qu'un rêve : Faire parler ses poings, et devenir le numéro un du lycée ! Seulement, il avait omis un détail : Plus que d'être craints, les élèves de Fûrin sont traités en héros par les habitants du quartier. Loin de semer la terreur, ils font respecter l'ordre et la paix dans leur secteur, prenant même pour titre de bande héroïque les « Wind Breaker ». Haruka, qui ne peut s'empêcher de faire le bien autour de lui, va devoir accepter cette philosophie s'il espère se faire une place dans les rangs de Fûrin...
C'est sur un plot assez simple que débute Wind Breaker, récit de délinquant qui ne tarde pas à montrer une brillante idée pour orienter son récit. Si, dans des titres comme Rokudenashi Blues ou Shonan Junai Gumi, les jeunes racailles peuvent être montrées comme des marginaux, c'est presque une aura super-héroïque que choisit Satoru Nii pour traiter ses protagonistes. Les élèves du lycée Fûrin ne sont pas redoutés, mais adulés, une première surprise scénaristique qui vient étonner le protagoniste tout comme le lecteur qui ne se serait pas renseigné sur le synopsis de la série au préalable. L'idée est donc bonne sur le papier, surtout à une heure où des tentatives de faire du furyô pour un autre lectorat semblent être développées. Sans doute est-ce dans cette optique que les personnages, leurs designs de jolis minets comme leurs tempéraments très archétypaux, ont été pensé, de manière à trancher avec les voyous aux airs bourrus et aux airs vintage que les générations précédentes ont connus. Il faudra voir ce qu'il advient de cette proposition sur le long terme, mais force est de constater qu'il y a bel et bien une intention dans Wind Breaker.
Le style de Satoru Nii sert plutôt bien cette optique. Son trait est fin et précis, et sa narration particulièrement dynamique et moderne, peut-être plus efficace quand il s'agit de soulever les tempéraments des personnages dans leurs interactions, plus que pour rendre les bastons spectaculaires ou donner de l'allure aux jeunex voyous de la série. En ce sens, il y a un sens du gag lycéen très présent dans ce premier volume, un humour qui tourne essentiellement autour de ces caractères forts qui peinent à se fondre dans le moule. Le risque, c'est que Haruka devienne un héros rapidement lassant tant il fait office de protagoniste classique dans le rôle de l'adolescent tête de mule. À côté de lui, les figures secondaires sont souvent stéréotypées dans leurs rôles, aussi on ne demande qu'à voir les personnages se démarquer de ce classicisme un poil trop présent pour le moment.
Si le récit est largement perfectible, le début de Wind Breaker sait capter notre intérêt par sa bonne idée de départ, le style très fin de son auteur, et tout ce qu'il pourrait advenir des personnages par la suite. Une entrée en matière satisfaisante donc, mais on en attend plus de l'un des gros succès furyô de ces derniers temps. Ce n'est probablement pas pour rien que les éditions Pika ont publié les deux premiers opus en simultané, de quoi se laisser tenter immédiatement par la suite de l'œuvre.
Côté édition, on saluera la bonne copie offerte par Pika, les finitions de qualité de l'ouvrage, l'adaptation graphique solide de Nicolas Mortier, la très efficace maquette de couverture de Hervé Hauboldt, et la traduction de Frédéric Malet efficace pour soulever les caractères bien trempés des personnages, qui portent le récit.