Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 27 Octobre 2023
Depuis son grand relancement en 2019, Panini a entretenu une politique éditoriale cohérence, axée sur l'arrivée de nouvelles œuvres en parallèle au retour de ses récits antérieurs. Concernant certains mangas jugés "classiques", c'est sous un format Perfect que ces rééditions ont lieu, à base de grand format, deux volumes en un, traduction parfois revue, pages couleur et papier de meilleure facture. Après Banana Fish, Eden, 20th Century Boys, City Hunter, Mars et d'autres, c'est au tour de l'une des œuvres les plus emblématiques du catalogue de Panini qui a droit à cet écrin : Vampire Knight. Le choix est-il pertinent ? La question peut se poser quand on sait que le manga avait déjà eu droit à une version double (format poche) entre 2016 et 2018. Mais parce que le manga phare de Matsuhiro Hino est aujourd'hui culte et a fasciné toute une génération, il semble logique de la voir profiter de ce format Perfect. La remise au goût du jour est d'autant plus pertinente que la suite de la série de base, Vampire Knight Memories, est toujours en cours et demeure assez discrète en termes de notoriété.
C'est en 2005, dans le magazine LaLa des éditions Hakusensha, que Vampire Knight voit le jour. À cette époque, Matsuhiro Hino était active depuis quelques années seulement, et dessinait surtout des comédies fantastiques. Avec cette histoire de vampires, elle aborde un récit plus long, mais surtout plus dramatique et tragique. Une tentative qui a largement convaincu puisque la parution dura jusqu'à 2013, s'achevant au tome 19, pour reprendre via la suite qu'est "Memories" la même année, sans compter les romans, artbooks et ouvrages annexes parus en parallèle. Une success-story qui fut aussi cristallisée par la production d'une adaptation animée de 26 épisodes (divisés en deux saisons) par le studio Deen en 2008.
L'Académie Cross est atypique. Ses élèves sont divisés en deux dortoirs : la Day Class et la Night Class. Comme leurs noms l'indiquent, et aussi étonnant que ça puisse paraître, la première étudie le jour pour dormir la nuit, tandis que la seconde émerge au coucher du soleil. Mais l'académie cache un secret que seule une poignée dont seule une poignée d’individus est au courant : les élèves de la Night Class sont en réalité des vampires !
Yûki, fille adoptive du directeur de l'académie et chargée de discipline, est l'une des rares personnes au courant de cette vérité. Autrefois, elle fut sauvée des griffes d'un buveur de sang par Kaname, l'un des élèves de la Night Class. Aux côtés de Zero, camarade de la jeune fille qui exècre les vampires, elle veille au bon fonctionnement de l'école qui a pour but l'entente entre les deux espèces. Seulement, plusieurs événements vont délier plusieurs mystères qui subsistaient dans l'ombre...
Pour la première fois, c'est en grand format que nous pouvons lire ou relire Vampire Knight. Et force est de reconnaître que ces dimensions se prêtent bien à une telle œuvre : le trait de Matsuhiro Hino étant particulièrement raffilé et l'éditeur offrant pas moins de 7 pages couleurs (8 en comptant celle des crédits), l'écrin Perfect semble justifié. N'oublions pas non plus l'ancien Panini, celui des années 2000, qui offrait parfois des tomes trop rigides. Avec sa souplesse, la nouvelle édition apporte un confort de lecture sans doute jamais égalé pour Vampire Knight, à ce jour. Car quitte à avoir un format double, autant opter pour des dimensions plus grandes, pour un volume pour agréable à manipuler, d'autant plus que le vernis sélectif utilisé sur la jaquette confère au tome un bel effet.
C'est dans ces conditions que les fans peuvent se relancer dans l'histoire de la jeune Yûki Kurosu, tandis qu'une nouvelle frange du lectorat manga pourra être tentée par l'aventure, un récit majeur de la deuxième moitié des années 2000. Aujourd'hui, découvrir Vampire Knight peut poser certains blocages, notamment en ce qui concerne l'utilisation de plusieurs codes narratifs qui peuvent paraître datés en 2023. C'est tout particulièrement l'amorce et la présentation des profils principaux et des relations qui attestent l'âge de l'œuvre. Sur ses premiers chapitres, le manga de Matsuri Hino peut donner l'impression d'en faire trop dans son optique mélodramatique, d'autant plus que celle-ci se renforce au fil des premières révélations. Pourtant, ce sont bien ces surprises du récit qui apportent de la densité et qui placent quelques subtilités. Alors, toute l'esthétique sombre, digne de la bit-lit, évolue vers quelque chose de plus consistant, de manière à créer une vraie curiosité chez le lecteur : celle de découvrir les moult secrets que cache la société vampirique.
À l'époque, la mangaka s'est plu à réinventer le mythe du vampire, en l'intégrant à un cadre de tranche de vie lycéenne. Il en résulte une école où le clan des vampires, dont la nature est cachée aux élèves, apparaît comme un véritable groupe d'idoles. Aussi, il fallait sortir les personnages de cette case, et on sent une volonté de l'autrice d'imposer progressivement les psychologies et tempéraments des buveurs de sang. Mais difficile d'établir un tel équilibre quand Kaname crève l'écran (ou plutôt les pages) par son charisme, tandis que la figure de Zero vient créer une passerelle assez inattendue, mais touchante de mélancolie avec le monde vampirique.
Et si tout ce cadre n'interpelle peut-être pas chaque lecteur, ce sont les relations dans le trio principal qui donnent à Vampire Knight un intérêt, dès ces débuts. Tout n'est que secret dans l'intrigue, des mystères qui doivent être élucidés, apportant un attrait mystique dans l'union entre Yûki et Kaname, quand l'amitié entre l'héroïne et Zero passe dans une autre dimension passé un point charnière de ce premier tome. À ce stade, on peut se demander si Matsuri Hino compte rester penchée sur ces trois là, ou si le reste du casting prendra davantage d'ampleur à l'avenir. C'est aussi pour ces raisons qu'il y a de quoi être intrigué par la suite de Vampire Knight.
Alors, la réédition de la série dans l'écrin Perfect sonne comme une bonne initiative, d'autant plus que la fabrication de Panini donne un ouvrage souple, particulièrement pratique pour redécouvrir l'histoire de Matsuri Hino, tandis que le grand format aide à apprécier la finesse et le charme de son trait. Là où l'édition double poche posait ses limites, la redécouverte de l'œuvre se fait plus agréable avec ce nouveau format. Et que ce soit pour les fans aguerris, celles et ceux qui n'ont pas relu l'œuvre depuis longtemps ou les curieux qui souhaitent découvrir un morceau important du shôjo des années 2000, les raisons de se diriger vers cette nouvelle mouture sont nombreuses !