Touching your night : Critiques

Kimi no Yoru ni Fureru

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 01 Octobre 2024

A la toute fin du mois de juin dernier, le catalogue yaoi des éditions Taifu Comics a accueilli un nouveau one-shot: Touching your night. Toute première oeuvre de la carrière de Moyori Mori (qui, depuis,en a entamé une deuxième intitulée "Ignat no Hanayome" ), celle-ci a vu ses cinq chapitres être initialement prépubliés au Japon en 2021-2022 dans le magazine From Red des éditions ShuCream sous le titre "Kimi no Yoru ni Fureru" (dont le titre anglais/international de l'édition française est une traduction fidèle. Parla suite, ces chapitres ont été compilés en octobre 2022 en un unique volume broché agrémenté d'un petit épilogue inédit de 9 pages, pour un total d'un petit peu plus de 200 pages.

Ici, tout commence par une scène-choc: dans une ruelle sombre, le jeune Chinatsu, pour sa première mission en tant que tueur à gages, tien entre ses mains le corps sans vie de son grand frère adoré Fuyuki, mort lors de la mission, avant de se faire conspuer par leur père qui les a formés à ce travail sinistre. Cinq ans plus tard, Chinatsu peine toujours autant à oublier Fuyuki et à tuer avec des armes, au grand dam de l'horrible figure paternel quine cesse d'affirmer qu'il fait tout ça pour son bien et que c'est sa faute si son frère est mort. Dans ce climat cauchemardesque, Chinatsu garde pourtant aussi, de ce drame ayant eu lieu cinq années auparavant, le souvenir d'une rencontre qui fut brève mais précieuse: celle d'un jeune garçon dont les immenses pupilles vides l'ont fasciné et qui s'est inquiété pour lui. Le jeune assassin n'a jamais pu oublier cette apparition qui lui a quasiment semblé lumineuse... alors quand, en venant en aide à un jeune homme aveugle et frêle dans la rue et qu'il remarque qu'il s'agit là du garçon de son souvenir, une relation à part est sur le point de naître...

Pour la première histoire de sa carrière, l'autrice nous fait le coup classique du rapprochement entre deux êtres qu'absolument tout oppose, et elle l'exploite très bien, ne serait-ce que parce que les personnages principaux aveugles restent rares dans le paysage du manga, et que cette idée n'est pas là uniquement pour faire beau dans le récit: il sera bel et bien question d'aborder, même succinctement, certains aspects de la vie quotidienne du dénommé Kasumi en tant que non-voyant, entre l'utilisation du braille, la non-importance de la lumière pour lui, ou le quasi-isolement auquel sa famille l'a condamné (même si son frère a des regrets là-dessus). C'est de cet isolement que Chinatsu, irrésistiblement intéressé par ce garçon alors qu'il sait qu'il ferait mieux de l'éviter en tant que tueur), va petit à petit le sortir en lui faisait beaucoup de bien, lui qui se considère trop comme un poids, comme un être inutile. Et pourtant, Kasumi est tout sauf inutile puisque, tout comme Chinatsu le sauve de son isolement, li-même, de par sa candeur, sa pureté, son innocence, va très vite faire miroiter au tueur de tout autres horizons pour, peut-être, le sortir de la sinistre condition dans laquelle son père l'a enfermée... mais cette figure paternelle hautement toxique acceptera-t-elle ça si facilement ? On vous laisse le découvrir à la lecture, bien sûr.

En tout cas, ce que l'on peut affirmer avec certitude, c'est que malgré quelques rebondissements trop succincts, la mangaka parvient vraiment joliment et avant tout à jouer sur les côtés un peu clichés de ses deux héros (un tueur meurtri d'un côté, et de l'autre un aveugle frêle et si pur) pour mieux mettre en valeur ce qu'ils s'apportent mutuellement, pour un résultat d'autant plus touchant et juste que, sur le plan visuel et narratif, c'est assez impressionnant pour une toute première oeuvre. Non contente de proposer des designs assez profonds, des décors riches avec beaucoup de précision et de jeux d'ombre (mention spéciale au cadre traditionnel du ryokan) ainsi que des tenues très soignées (à l'image du kimono de Kasumi), Moyori Mori offre également un découpage enlevé, où la douceur contraste avec les quelques moments plus sombres, et où la pureté de certaines geste et de certaines situations séduit beaucoup, par exemple quand certains gestes de l'aveugle Kasumi en disent long, ou quand son regard vide croise malgré tout celui de Chinatsu comme pour voir directement dans son coeur. Enfin,la narration assez introspective ainsi que l'écriture plutôt fine nous immergent facilement auprès de ces deux âmes, tandis que la petite symbolique autour de l'histoire du serpent de mer et du dauphin amène une petite touche poétique.

Enfin, pour bien porter cette belle histoire, Taifu Comics livre une copie convaincante. On soulignera juste 2-3 coquilles textuelles qui pourront sûrement être corrigées lors d'éventuelles réimpressions, la plus évidente arrivant dès les premières pages lors de la première apparition du frère de Kasumi (sur une page il est appelé Satoru, et sur la page suivante Satoshi). A part ça, la traduction de Nicolas Pujol est très claire,le travail d'adaptation graphique et de lettrage de Jef.Mod est soigné, le papier est à la fois souple et opaque, l'impression est très honnête, et la jaquette reste très fidèle à l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs