Terrarium Vol.1 - Actualité manga
Terrarium Vol.1 - Manga

Terrarium Vol.1 : Critiques

Kagitsuki Terrarium

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 02 Juin 2021

Ce tout début de mois de juin voit arriver aux éditions Glénat une courte série de science-fiction en 4 tomes qui fut présentée comme un coup de coeur: Terrarium. Pas forcément très connue avant son arrivée dans notre langue, cette oeuvre a été prépubliée au Japon en 2019-2020 sous le titre Kagitsuki Terrarium (littéralement "Le Terrarium avec une clé") sur le site Comic Meteor de Flex Comic, un site que l'on connaît aussi dans notre pays pour avoir accueilli la série Les Fleurs de la mer Egée, publiée l'année dernière par Komikku. Elle a été scénarisée et dessinée par Yûna Hirasawa, une mangaka jusque-là inédite en France et encore en début de carrière: lauréate du 68e prix Chiba Tetsuya du magazine Morning de Kôdansha en 2015, elle a fait ses premières armes l'année suivante pour ce magazine avec la mini-série en un tome Boku ga Watashi ni Naru Tame ni, qui a pour spécificité d'être une autobiographique où l'autrice revient sur son voyage en Thaïlande pour subir une opération de changement de sexe, décrivant alors le processus de transition de l'homme à la femme. Et c'est la me^me année que pour terrarium, en 2019, qu'elle avait également entamé chez Kôdansha Shirayuri wa Shou ni Somaranai, une série qui a visiblement et malheureusement dû être abandonnée, et qui revenait sur les histoires personnelles et les exploits militaires des premières femmes pilotes de l'Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale.

Terrarium nous immisce dans un avenir lointain, où la civilisation humaine ne semble plus être que l'ombre d'elle-même depuis plusieurs siècles, du fait d'une guerre de grande ampleur. Il y a très longtemps, déjà avant cette guerre, les robots, qui étaient au départ des machines au fonctionnement simple, sont devenus, au fil des avancées technologiques, toujours plus perfectionnés, si bien que la frontière entre humains et robots est devenue de plus en plus floue. Alors, est apparu le travail des technologues, médecins capables de soigner autant les humains que les robots.

Dans ce monde en ruines et qui semble toujours plus courir à sa perte, la jeune Chico se présente elle-même comme une technologue d'investigation: suivant les traces de sa mère elle-même technologue, et accompagnée de son petit frère Pino qui a mystérieusement un physique de robot, elle parcourt les colonies de ce qui est appelée l'arcologie pour, dit-elle, l'avenir de l'humanité. Sa mission: récupérer les noyaux des robots rencontrés (ce qui signifie mettre fin à leur existence), car ces noyaux sont essentiels pour achever une "clé" laissée par leur mère, clé sans laquelle l'humanité n'aurait apparemment aucun avenir.

La manière dont la mangaka narre les choses s'avère aussi maligne qu'intrigante, dans la mesure où elle nous plonge d'abord dans ce monde sans trop d'explications, pour ensuite mieux distiller, au fil du tome, les premiers éléments de background. L'effet est redoutable: en plus d'une aura mystérieuse où l'on se balade en même temps que les deux personnages principaux dans des lieux dont ils ne comprennent pas forcément tous les tenants et aboutissants immédiatement, on ressent facilement une curiosité grandissante au fur et à mesure que certaines informations se dévoilent sur le passé de ce monde ainsi que sur la quête de Chino et de Pino. Informations qui, pourtant, n'empêchent pas certains autres mystères de s'accentuer. Par exemple, pourquoi Pino a-t-il une apparence de robot ? Qu'est devenue cette mère que nos deux héros recherchent en plus de poursuivre leur mission ? Qu'est-ce que la fameuse clé qu'ils doivent reconstituer pour apparemment offrir une chance de salut à l'humanité ? Quel est l'état exact du monde ?

Toutes ces découvertes et interrogations, on les vit donc au gré des pas des deux jeunes personnages qui au fil des chapitres, vont de découvertes de lieux à des rencontres étonnantes.
Il y a par exemple la découverte d'un vieux parc d'attraction, un type de divertissement qui n'a plus rien à faire à leur époque, qu'ils explorent en tâchant d'en comprendre le fonctionnement et la raison d'être, en permettant alors de faire interroger le lecteur sur ces éléments faisant notre civilisation et étant devenus désuets tant de siècles plus tard. Le type de regard qui, quelque part, se rapproche d'une oeuvre comme Girl's Last Tour de Tsukumizu, sublime série parue aux éditions Omaké.
Et il y a également ces rencontres intrigantes avec des robots: un robot-soigneur s'inquiétant toujrrus pour ses patients dont il n'a pas conscience qu'ils sont morts depuis bien longtemps, un énergique petit robot-facteur déterminé à accomplir sa tâche jusqu'au bout... Des êtres robotiques, certes, et qui pourtant émeuvent par les sentiments ambigus qu'on peut distinguer en eux, à l'image de ce robot-soigneur quand il réalise enfin qu'il ne peut plus sauver personne, ce qui était sa raison d'exister. Et cette part touchante, elle se ressent plus encore à travers le regard bourré d'empathie que notre héroïne pose dessus. Avec, à la clé, des questionnements qui viennent naturellement sur l'aspect humain de ces robots, sur le flou de la frontière humain/robot, sur la possible vacuité de la raison d'être de ces êtres à présent, et par extension sur ce qui fait l'humain et la vie.

Visuellement, Yûna Hirasawa séduit sans difficulté. Ses designs de personnages humains sont assez standards mais véhiculent facilement nombre d'émotions, surtout quand l'autrice se focalise sur certains visages et regards jetés par Chico. Les designs de robots sont tout aussi soignés, ne cherchent pas forcément l'accumulation de détails, mais s'avèrent crédibles et dégagent quand il faut l'émotion voulue, alors même que leur aspect robotique empêche toute vraie expressivité, la mangaka jouant alors surtout avec efficacité sur l'ambiance installée pour exposer leur ressenti. Côté décors, c'est très soigné avec des paysages plus ou moins futuristes souvent en ruines et où la nature reprend discrètement ses droits, avec à la clé certaines vues amples qui se veulent assez contemplatives. Enfin, le découpage est souvent très efficace, que ce soit quand il reste assez académique, ou quand les planches se veulent plus déstructurées pour faire ressortir un paysage, un regard, un personnage, une émotion en particulier.

Il s'agit, alors, d'un très beau début de série, porté par un univers assez contemplatif, mystérieux et quelque part envoûtant, que l'on ne demande qu'à voir se dévoiler toujours plus, ainsi que par des personnages facilement attachants et dont le parcours est propice à certaines thématiques plutôt classiques du genre mais ici fort bien menées.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs