Tandem : Critiques

Kano Miyamoto est une auteur maintenant bien connue, avec ses apparitions répétées dans le catalogue yaoi français. L’histoire est assez simple au premier abord. Kai est un jeune homosexuel qui parait naturel, extraverti et totalement libéré. Il tente de séduire son collègue Yoshioka, puisqu’ils travaillent dans la même compagnie d’assurance. Il parvient même à recevoir quelques traitements de faveurs : baisers, fellation qu’il peut faire à Yoshioka ... L’insouciance et l’insistance de Kai sont en effet des armes redoutables ! Mais sous son sourire et sa nonchalance, Kai n’arrive pas à dormir, mange à peine, se fait vomir et se trouve dans une réelle détresse psychique. Il suffirait peut être que l’amour le guérisse de ses blessures, et ça Yoshioka en prend conscience jour après jour, en se disant que, peut être, son cœur bat un peu trop fort pour son abruti de collègue ... Si la finesse des sentiments est toujours au rendez-vous, on commence à voir un schéma assez répétitif dans les œuvres de la mangaka. Un gay déprimé avec un lourd passé, qui veut mettre fin à ses jours, qui a du mal à se confier. Et en face, un hétéro qui veut le prendre sous son aile, se prend d’affection pour lui et finit par l’aimer avec passion et tendresse. On aurait aimé un peu de changement, pourquoi pas quelque chose de joyeux ? Soyons fous ...

En bref, on suit le parcours de nos deux héros bien tranquillement, jusqu’à ce que Kai règle le problème qui le hante, en en parlant à un ex qui ressurgit de son passé, là encore comme une figure emblématique du style de Miyamoto. Et c’est malheureusement là que tout dérape, notre intérêt avec. Au lieu de continuer à développer ce couple à la pertinence réelle et à l’histoire lourde de sens, l’auteur se tourne vers un chapitre bonus descendu de nulle part. Elle nous offre alors « Elemental », un chapitre qui ne contient aucune allusion yaoi, pas même un baiser, sur un homme hanté par un fantôme du passé, l’ombre d’une sirène venue réclamer son due. Le mariage, promesse depuis longtemps oubliée par l’homme en question. Si Haru n’avait pas été là pour comprendre la situation et l’en tirer, qui sait ce qui serait advenu ... Mais on s’en fiche un peu tant l’auteur ne prend pas le temps de développer ces personnages, pourtant intéressants mais totalement bâclés en un chapitre qui en plus parle d’un sujet complexe, l’ésotérisme ne se précipite pas ainsi. Et on finit le manga sur trois pages reprenant Kai et Yoshioka, comme ça, sur le tas, comme pour nous dire au revoir et nous faire regretter de ne pas les avoir suivi un peu plus pour réellement les comprendre.

Au niveau des graphismes, on se retrouve face à un dessin assez original dans le traité, avec beaucoup de traits brouillons qui font un ensemble à la fois soigné et désorganisé. Sous des dehors sages, les scènes érotiques sont plutôt bien représentées. Le reproche principal, c’est le manque de finesse parfois dans certaines situations, mais surtout le masque assez hermétique des protagonistes, qui empêche parfois de faire passer tout ce qu’il survient entre les deux amoureux. Des décors cependant assez conséquents, des personnages bien différenciés … Le tout reste agréable, malgré le petit défaut cité ci-dessus. On retrouve parfaitement la souffrance et la mélancolie constante de tous les personnages de l’auteur, mais c’est peut-être justement cela qui pèse parfois et rend la lecture un peu difficile. La joie se fait rare, les rires encore plus et il manque un peu de gaieté à ce titre, comme aux autres œuvres de l’auteur. Au niveau de l’édition de Taïfu, pas de grandes différences avec l’ordinaire : un travail plus que correct avec des pages suffisamment épaisses mais une adaptation seulement partielle des onomatopées. Loin d’être le meilleur travail de l’auteur, Tandem manque un peu d’approfondissement pour un sujet aussi grave, et l’on préférera se tourner vers ses autres œuvres, plus complètes.