Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 28 Avril 2023
Alors que son adaptation animée a démarré en début de mois et suit actuellement son cours en France en simulcast sur la plateforme Crunchyroll, les éditions Noeve Grafx ne pouvaient pas trouver meilleur timing pour lancer dans notre langue, en cette fin avril, le manga d'origine de Skip & Loafer. En cours au Japon depuis 2018 dans les pages du magazine Afternoon des éditions Kôdansha avec actuellement 8 tomes au compteur, cette oeuvre est la toute première publication française et la toute première série longue de Misaki Takamatsu, jeune mangaka née en mars 1992 qui, depuis ses débuts professionnels en 2013, a déjà eu l'occasion de s'essayer à différents genres (drame, romance, science-fiction...) au fil de plusieurs histoires courtes.
Ici, nous avons affaire à une pure tranche de vie nous plongeant auprès d'une adolescente rayonnante. Après avoir passé les 15 premières années de sa vie dans son petit village natal au bord de la mer du Japon et au bout de la pointe de la préfecture d'Ishikawa, Mitsumi Iwakura est ravie d'enfin s'apprêter à vivre son rêve: aller vivre à la capitale pour intégrer un prestigieux lycée tokyoïte, elle qui n'est jamais allée là-bas. Même si elle laisse derrière elle, avec regret, son amie d'enfance et meilleure amie Fumi (avec qui elle ne manquera jamais de rester en contact, bien sûr), la jeune fille part s'installer chez son oncle (et tuteur légal à Tôkyô) Nao avec des rêves plein la tête: elle s'est imaginée un plan de vie tout tracé et totalement idéalisé pour ses années lycéennes et pour l'après-lycée et elle y croit dur comme fer, d'autant plus qu'elle a fini major du concours et est donc représentante des élèves de seconde ! Néanmoins, le parcours bien lissé qu'elle s'était imaginé ne va sans doute pas se dérouler tout à fait comme prévu, car entre les activités et possibilités qu'offre la grande ville, les nouvelles amitiés naissantes et les gaffes que peut naturellement faire une candide campagnarde en étant jetée dans la survitaminée jungle urbaine, bien des choses attendant l'adolescente.
Le coup de l'ado campagnarde qui débarque dans la gigantesque capitale pour ses années lycée en ne connaissant rien de la ville, c'est très loin d'être nouveau. Et de même, les premiers éléments d'acclimatation de Mitsumi dans son nouveau cadre de vie suivent un déroulement assez habituel du genre, entre la cérémonie de début d'année où notre héroïne doit en plus donner un discours en tant que représentante des élèves de seconde, la présentation en classe, la prise de contact avec des camarades de classe qui deviendront peut-être ses amis, le possible choix d'un club, ou les premières activités comme le tout premier karaoké de sa vie ou une sortie au cinéma. Mais tout ceci, la mangaka nous le fait vivre d'une façon bien à elle, sur un ton résolument positif qui doit beaucoup à la personnalité de son héroïnes. Bien sûr, il y a en premier lieu ses gaffes, entre la façon dont elle se perd en chemin pour le lycée, son discours qui se finit sur un incident aux yeux de tous, ses blagues ratées et autres étourderies. Mais derrière cette façade de campagnarde débarquée en ville et maladroite, il y a quelque chose de résolument bienfaisant chez Mitsumi. Certes, elle se tape l'affiche parfois avec ses bévues. Et elle sent bien que la ville gigantesque, avec plein de monde et qui va à toute allure, pourrait vite la submerger. mais elle n'en fait presque jamais grand cas, car elle a pour elle un côté très volontaire pour tout (si bien qu'elle veut instinctivement devenir déléguée), reste naturelle et veut avoir de bons rapports avec tout le monde. Certains pourraient la trouver bien naïve, mais c'est précisément cette part d'elle-même qui, sans faux-semblants, a un don pour petit à petit mettre à l'aise les autres, ce qui permettra peut-être de mettre à nu chacun d'eux, puisqu'aucun de ses camarades ne semble forcément correspondre tout à fait à l'image cliché qu'elle aurait pu s'en faire au départ. Mitsumi ne juge personne à la hâte, et c'est tant mieux. Et si elle découvre des relations humaines plus compliquées que dans son village natal où il n'y avait que huit élèves en classe, pas de problème: vu qu'on ne peut pas savoir ce que renferme réellement le coeur des autres, il faut apprendre à les découvrir petit à petit.
Visuellement, le dessin de Takamatsu s'adapte particulièrement bien à une histoire de ce type: derrière un trait fin et un peu épuré et des décors qui sont simplement là quand il faut, la dessinatrice joue surtout sur ses personnages, sur leurs designs suffisamment différents et surtout sur leur expressivité bien équilibrée, où seule dénote un peu notre chère Mitsumi avec sa bouille plus marquée, parfaite pour véhiculer ses différentes émotions avec naturel.
Ce premier volume de Skip & Loafer constitue alors une très bonne et belle mise en place, qui nous emporte sans difficulté dans son petit univers. A l'image d'autres titres de leur beau catalogue comme Sweetness & Lightning, Mobuko no Koi ou même La Maison des Maiko, les éditions Noeve Grafx nous invitent à découvrir une tranche de vie qui a quelque chose de très feel good et positif, et que l'on retrouvera donc avec beaucoup de plaisir dans les tomes suivants.
En ce qui concerne l'édition française, comme à son habitude l'éditeur a soigné son objet-livre, dès la jaquette qui reste proche de l'originale japonaise, s'offre un logo-titre fin et doux, et bénéficie de jolis effets d'embossage et de vernis sélectif. Et à l'intérieur, on découvre un papier souple et opaque permettant une bonne impression, un lettrage très appliqué du Studio Charon, et une impeccable traduction de Gaëlle Ruel.