Rose Bertin, la couturière fatale Vol.1 - Actualité manga
Rose Bertin, la couturière fatale Vol.1 - Manga

Rose Bertin, la couturière fatale Vol.1 : Critiques

Keikoku no Shitateya Rose Bertin

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 02 Avril 2024

La collection Kazoku des éditions Michel Lafon a accueilli en mars sa toute première fiction historique: Rose Bertin - La Couturière Fatale, dont le titre laisse d'emblée très bien deviner qui en sera l'héroïne: Marie Jeanne Bertin dite Rose Bertin ou Mademoiselle Bertin, marchande de mode née en 1747 et morte en 1813, restée dans l'Histoire comme l'une des femmes ayant révolutionné la mode à une époque où celle-ci était surtout une affaire d'hommes, qui plus est en étant parvenue, malgré sa famille modeste, à se hisser dans les plus hautes sphère de Paris, jusqu'à même être réclamée dans l'Europe entière et devenir la conseillère vestimentaire et une proche de la reine Marie-Antoinette.

En cours au Japon depuis 2019 dans le magazine Comic Bunch des éditions Shinchosha sous le titre "Keikokuno Shitateya Rose Bertin" (littéralement "La Tailleuse de campagne Rose Bertin"), l'oeuvre est la première publication française mais la troisième série de la carrière de Jingetsu Isomi, une mangaka active depuis 2013 et ayant auparavant dessiné la série d'échecs "Chrono Monochrome" pour le magazine Shônen Sunday de Shôgakukan et le manga de baseball "Knuckle Down" pour le magazine Manga Action de Futabasha. Ayant eu la liberté d'aborder ce qu'elle voulait pour sa nouvelle oeuvre, elle a choisi de travailler sur le sujet de la destinée des femmes, et a jeté son dévolu sur cette marchande de mode française qui l'a fascinée pour la manière dont, en tant que femme à une époque où celles-ci travaillaient encore peu, elle est partie de rien pour tracer sa voie avec réussite.

Tout commence en 1766 à Abbeville, où la dénommée Marie-Jeanne Bertin est largement considérée comme la meilleure coiffeuse et couturière de la ville. Elle a beau susciter quelques médisances car elle est une femme, et on a beau la presser de se marier comme on le veut pour la gente féminine à cette époque, elle n'en fait rien, et est même passablement agacée de voir que l'on réduit toujours les femmes à ça, et que beaucoup d'entre elles semblent s'en contenter. Marie-Jeanne, elle, ne veut pas briller à travers ses charmes féminins, mais bel et bien par ses qualités en coiffure, en couture et tout simple en mode. Seulement, elle le sent de plus en plus: elle ressent un vide, comme si sa ville natale était devenue trop petite, trop étroite pour exprimer sa passion et son talent. Alors, après un certain événement, elle décide par elle-même d'aller tenter sa chance dans un lieu bien plus vaste et bien plus intense: Paris, la Ville Lumière et capitale du Royaume de France. Débutant modestement dans un petit atelier de fileuses, parviendra-t-elle à produire des créations attrayantes dans cette ville qui déborde déjà de talents et de nouveautés ?

Si l'Histoire nous fait déjà savoir que la réponse à cette question est oui, il n'en reste pas moins que l'on suit avec intérêt les premiers pas de Marie-Jeanne dans la grande cité parisienne, où dès ce premier tome elle a déjà l'occasion d'avancer à grands pas, en premier lieu en étant stimulée par deux rencontres historiques décisives: Léonard-Alexis Autié, jeune homme arrivé de Gascogne, autoproclamé meilleur coiffeur de la ville et qui deviendra plus tard le coiffeur de Marie-Antoinette, et surtout Marie-Jeanne Bécu, autre marchande de mode largement réputée à l'époque, qui restera également dans l'Histoire en tant que favorite du roi Louis XV sous le nom de Madame du Barry, et qui est ici présentée en quelque sorte comme une rivale de notre héroïne, à la fois parce qu'elle exerce le même travaille qu'elle mais qu'elle en a une approche différente, la Bécu n'hésitant pas à jouer de ses charmes pour attirer ses clients et gravir les échelons.

"Notre bonheur ne dépend plus seulement de nos charmes."

Dans un cadre parisien d'époque assez soigneusement retranscrit visuellement et même ponctué de quelques anecdotes diverses, le début de parcours de Marie-Jeanne Bertin se révèle très facilement prenant voire passionnant, en particulier grâce au caractère qu'affiche cette héroïne. L'époque a beau lui rappeler régulièrement qu'il est encore rare que les femmes travaillent sans faire valoir leurs atouts proprement féminins (on la presse de se marier et de ne pas négliger sa féminité, la jeune Lara à Abbeville affirme qu'une femme n'a besoin de rien d'autre que d'être jolie et de faire des enfants, ses collègues féminines de l'atelier à Paris sont moins occupées par le travail que par leur désir de se montrer attirantes...), notre héroïne en fait fi (non sans balancer régulièrement des remarques ou pensées assez bien senties sur tout ça), trace sa route avec détermination et en ne se dégonflant, et c'est sans doute en cela qu'elle est la plus séduisante de toutes, en ayant quelque chose d'assez inspirant dans la manière dont la mangaka l'aborde. Reste désormais à voir comment Jingetsu Isomi compte continuer d'aborder le parcours de cette femme qui, au fil des années, à connu bien des rencontres et événements importants. Dès la fin de ce premier tome, l'autrice nous fait bien sentir qu'elle compte faire de sa future relation avec Marie-Antoinette un élément central, mais on a très bonne espoir que son récit ne se limite pas à ça.

Visuellement, si l'on a déjà souligné l'efficacité des décors parisiens d'époque (sans être parmi les plus riches et précis qu'on ait pu voir, ils sont tout à fait immersifs), évoquons aussi le soin accordé à tout ce qui touche au travail de la mode: les gestes pour coiffer ou coudre ainsi que le rendu des vêtements sont autant d'éléments qui n'ont aucune difficulté à convaincre. Enfin, malgré quelques détails anatomiques pas toujours convaincants (certaines postures de bras, entre autres), Jiingetsu Isomi insuffle à chaque personnage un design immédiatement reconnaissable et qui lui est propre, à commencer par une Bertin vraiment plaisante avec son visage et son regard toujours assez acérés.

Nous voici, alors, face à un premier volume très encourageant, tant la mangaka parvient à nous faire oublier les quelques petites lacunes graphiques pour faire de son début de fiction historique une lecture assez inspirante, à travers une héroïne faisant fi des diktats de son époque pour se hisser aux sommets de son travail et de sa passion. Autant dire que l'on lira la suite avec beaucoup d'intérêt, en espérant qu'elle confirmera ces bonnes premières impressions !

Côté édition française, si l'on excepte le sous-titre "La Couturière Fatale" qui semble un peu à côté de la plaque au vu du contenu, elle est tout à fait satisfaisante. Sobre, la jaquette reprend fidèlement l'illustration de la version originale japonaise, tout en se parant d'un élégant logo-titre un poil trop envahissant mais soigneusement imaginé. Et à l'intérieur, on trouve quatre belles premières pages en couleurs sur papier glacé, un papier souple et suffisamment opaque, une bonne qualité d'impression, un lettrage très propre signé Florent Faguet, et une traduction très convaincante de la part de Virgile Macré.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction