Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 13 Février 2025
Mangaka que l'on connaît déjà en France pour la plutôt sympathique et touchante série Le chat aux sept vies (éditions Glénat), Gin Shirakawa pose désormais ses bagages aux éditions Akata avec sa dernière série en date: Remember Me - La magie de l'amour, où elle adapte un light novel inédit en France à ce jour, achevé en trois tomes, écrit par Eiko Mutsuhana et illustré par Yugiri Aika. De son nom original (retenez votre souffle) "Shi ni Modori no Mahou Gakkou Seikatsu wo, Moto Koibito to Prologue Kara (※Tadashi, Koukando wa Zero)", cette série de romans a fait décoller la carrière de son écrivaine au Japon grâce à son succès, et cette popularité ne se dément pas à travers la version manga qui, depuis son lancement en 2022 sur le site Flos Comic de Kadokawa, a vu ses tomes apparaître à plusieurs reprises dans le top des ventes.
Cette histoire nous plonge dans un monde fictif empreint de magie, et plus précisément auprès d'Oriana Elsha, 17 ans, en cinquième et dernière année à l'académie de magie de Lagen, un établissement qui fait la fierté du pays d'Amanecer et qui est placé sous la protection de grandes familles représentées chacune par un dragon. C'est précisément avec l'héritier de l'une de ces familles, Vincent Tanzane, que la jeune fille sort, en vivant une idylle parfaite et un amour profond... sans pouvoir se douter que son existence est sur le point de connaître un bouleversement tragique et invraisemblable.
En effet, un jour où elle doit se rendre à une réunion en vue de l'obtention de son diplôme, Riana voit Vincent insister pour qu'elle reste avec lui, comme s'il avait quelque chose d'important à lui dire. Mais quand elle le retrouve dans la salle commune, après la réunion, c'est pour découvrir avec effroi son corps sans vie, pourtant sans la moindre blessure apparente... et juste avant d'elle-même succomber dans des circonstances floues. Pourtant, au lieu de mourir, Oriana se réveille avec stupeur dans son lit de la demeure familiale, et sous ses traits d'enfant, comme si toutes ces dernières années n'avaient jamais existé. Le temps d'encaisser le choc et de comprendre que toutes ces années et son histoire d'amour avec Vincent n'étaient pas un rêve, et la voici alors avec un objectif ferme en tête: revivre les années à venir le plus fidèlement possible à sa "boucle temporelle" précédente, enfin retrouver son bien-aimé lors de son arrivée à l'académie, et se préparer consciencieusement à toutes les possibilités pour le sauver le jour où il est voué à mourir. Mais ce que la jeune fille n'avait pas prévu ou n'avait pas envie d'imaginer, c'est qu'elle est la seule à avoir gardé sa mémoire de sa précédente vie: Vincent a tout oublié d'elle et de leur relation, et pour le protéger il va d'abord falloir réussir à à nouveau se rapprocher de lui, ce qui n'est pas gagné...
Récit de fantasy dont l'univers s'expose et s'agrandit subtilement, au fil des pages, dans une grande clarté, Remember Me frappe fort dès ses premières pages mortelles qui donnent le ton, avant de séduire en premier lieu pour une chose: l'indéniable attachement que l'on ressent vite pour Oriana. Car derrière son petit gabarit, ses maladresses et sa passion parfois rigolote pour Vincent (envers qui elle reste très expressive et tactile, même s'il ne se souvient pas d'elle), cette jeune fille affiche une incroyable force de caractère dans son genre: malgré les traumatismes liés à sa précédente vie (que les autrices exploiteront très bien par moments, notamment sa peur absolue des orages qui lui rappellent le moment fatidique de la mort de son bien-aimé) et l'obligation de revivre plusieurs années de sa vie avant de retrouver Vincent, elle ne lâche rien, se prépare au mieux sur tous les plans (elle étudie à fond pour réintégrer la classe spéciale de l'académie, se renseigne sur les possibles causes de la mort de Vincent et sur les moyens d'essayer de le protéger...), et fait constamment preuve d'une grande abnégation pour tenter de se rapprocher à nouveau de celui qu'elle aime plus que tout, quand bien même celui-ci a tout oublié d'elle. Ajoutons à ça sa personnalité assez enjouée avec juste la pointe de candeur qu'il faut, et il semble difficile de ne pas lui souhaiter de parvenir à reconquérir celui qu'elle aime pour le protéger et le pousser à s'ouvrir... Et sur ce dernier point aussi, les autrices font déjà de bonnes choses, tant on voit bien Vincent s'adoucir et se confier petit à petit, en laissant déjà entrevoir aussi un certain background sur lui, notamment sur sa vie a priori toute tracée en tant qu'héritier d'une des grandes familles.
C'est ainsi qu'Eiko Mutsuhana parvient à développer un début d'intrigue captivant, à la fois pour son univers magique, pour les enjeux internes et pour la part de romance, de dangers et de mystère qui est omniprésente. Et comme si ça ne suffisait pas, il faut avouer que les planches de Gin Shirakawa apportent à cette histoire une réelle plus-value, tant elle travaille soigneusement chaque aspect: les designs des personnages et de leurs vêtements sont riches et précis, les décors et créatures sont tout aussi soignés... et, surtout, la mangaka s'applique constamment dans ses découpages et dans ses cadrages pour offrir une certaine atmosphère hypnotique et poétique, dans une douceur de ton qui n'est pas sans rappeler un peu orange d'Ichigo Takano.
En somme, tous les ingrédients sont là pour faire de ce volume d'introduction une belle réussite dans son genre. Portée par un travail d'adaptation narrative et visuelle aux petits oignons, cette histoire sait déjà beaucoup nous emballer et nous intriguer, tandis que l'on ne peut souhaiter que le meilleur à Oriana et Vincent !
Enfin, côté édition, c'est du tout bon pour Akata: la superbe jaquette est soigneusement adaptée de l'originale japonaise, le logo-titre imaginé par Lucie Archambault est bien dans le ton de l'oeuvre, la première page en couleurs sur papier glacé est appréciable, le papier assez épais et opaque permet une très bonne qualité d'impression, le lettrage effectué par Adween est très propre, et la traduction assurée par Lucie Ternisien est très claire.