Petite fille aux allumettes (la) Vol.1 - Actualité manga
Petite fille aux allumettes (la) Vol.1 - Manga

Petite fille aux allumettes (la) Vol.1 : Critiques

Macchi Shoujo

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 06 Avril 2017

Quand les humains sont en plein tourment parce qu'ils n'atteignent pas leurs désirs, elle apparaît pour leur proposer ses boîtes d'allumettes chimériques, en échange d'un an de vie. Elle, c'est Rin, une bien étrange et mystérieuse petite fille, qui semble pouvoir apporter du bonheur, ou au moins des illusions de bonheur, aux personnes qui croisent sa route... Mais est-ce bien le cas ? Et à quel prix est-ce ?

Officiant depuis 2007 sur des oeuvres souvent liées au surnaturel, au fantastique ou à l'horreur, la mangaka Sanami Suzuki n'est pas tout à fait inconnue en France, puisque nous lui devons le manga Black Rock Shooter - Innocent Soul, sorti chez Panini. Cette fois-ci, elle revient aux éditions Komikku avec un titre au format épisodique, où chaque chapitre propose donc un récit différent où la petite fille aux allumettes offre ses bâtonnets chimériques à des personnes qui, plutôt que de trouver le bonheur grâce à elle, vont sombrer peu à peu, ce qui est à chaque fois l'occasion pour l'artiste d'explorer des tréfonds sombres de l'âme humaine.
Ce type de récit n'est pas nouveau, y compris dans le registre du manga où il est difficile ici de ne pas se rappeler de la Fille des Enfers (et de son animé à succès), titre qui fonctionnait exactement sur le même procédé, la divinité infernale Enma Ai apparaissant sous les traits d'une belle jeune fille pour exaucer les voeux de vengeance des âmes meurtries, en échange de leur précipitation en Enfer une fois leur mort arrivée. Ici toutefois, pas de voeux de vengeance, mais des chimères, et pas de plongée en enfer, mais plutôt dans le désespoir, et cela fait toute la différence.

En effet, le récit tire une sacrée bonne idée de ce que propose Rin aux personnes tourmentées : non pas d'exaucer leurs voeux ou leurs rêves, mais bien de donner forme à leurs chimères, c'est-à-dire à ce qu'elles pensent au moment d'allumer les bâtonnets. Les pensées faites sur le coup peuvent être différentes de désirs plus profonds et plus travaillés, et l'oeuvre peut dès lors mettre en avant toute l'impermanence de l'esprit humain, avec ce que cela implique de faiblesses. Ainsi, Sanami Suzuki semble avoir une vision assez pessimiste de l'âme humaine, et ne va pas arrêter de le démontrer à chacun de ses récits, où les personnages vont prendre de mauvaises décisions, sombrer toujours plus, se désespérer, se lancer dans un bonheur illusoire, s'éloigner de ce qu'ils voulaient au lieu de s'en rapprocher.

Les différents récits explorent différentes facettes : l'amour, le désir, la popularité, l'ambition, la vieillesse et le souhait de redevenir jeune (via ce qui est sûrement le plus beau récit du tome)... et le fond s'avère ainsi assez varié sur ce seul tome 1. Qui plus est, le format épisodique installe très rapidement un style propre, où chaque histoire propose son début, son déroulement, son petit climax et sa fin. Cela peut demander au départ un petit temps d'adaptation, car il n'y a pas d'introduction à cet univers, mais c'est particulièrement efficace pour faire ressortir le symbolisme du personnage de Rin, qui à chaque fois n'est que la figure à l'origine de tout (puisqu'elle donne les allumettes) avant d'ensuite être surtout une observatrice à travers laquelle le lecteur a le loisir de suivre les personnages. Par ailleurs, Rin est une figure assez plaisante pour le moment de par son mélange de neutralité, de pointe moralisatrice et de cynisme. Sa manière d'observer sans prendre vraiment parti apporte des ambiances assez variées, le lecteur pouvant ressentir tantôt un côté tragique, tantôt une bonne dose d'humour noir.

Ce format épisodique est pourtant à double tranchant pour l'instant, car il révèle aussi un défaut parfois très gênant : la sensation que tout va trop vite. Certaines évolutions sont un peu rushées, certains récits donnent même l'impression de se boucler un peu trop en queue de poisson, et l'on se dit que quelques pages de plus par chapitre n'auraient pas été de trop. En cela, on sent que la mangaka tâtonne encore un peu sur la gestion de son concept sur ce premier tome.
Il y a également le risque de voir rapidement la série s'essouffler si elle conserve toujours ce schéma épisodique, mais pour cela on tend à être rassuré par certains éléments que Suzuki instaure et qui laissent deviner la mise en place d'une sorte de fil conducteur.

Visuellement, l'artiste pose un style qui sied plutôt bien à son sujet.
Dans le design des personnages, on a quelque chose qui est souvent assez classique chez les "héros d'un chapitre", mais l'artiste joue de temps à autre sur des expressions faciales et des mouvements que ne renierait pas Atsushi Ohkubo sur Soul Eater (notamment les pupilles en rond, ou certains mouvements de jambe accentués par les perspectives). Dans tout cela, Rin ressort très bien avec sa petite taille qui contraste avec sa tête un peu disproportionnée, et avec son visage neutre marqué par de grands yeux étranges.
Les décors, eux sont présents quand il le faut.
Suzuki semble aimer varier très souvent son découpage des cases, ainsi qu'offrir de petits angles de vue bien trouvés même si pas toujours utilisés sur les scènes les plus adéquates. Ces variations peuvent toutefois être parfois à double tranchant en rendant certains moments un brin confus.
Enfin, il y a chez Suzuki un goût pour accentuer régulièrement les perspectives, ce qui donne lieu à des planches parfois très stylisées. Il y a fort à parier que l'artiste a pu peaufiner cela sur Black Rock Shooter - Innocent Soul, la saga BRS étant assez spécialiste de ce genre de vues.

Au final, on tient en ce premier tome une lecture intrigante, pour l'instant perfectible dans l'exploitation de ses sujets, mais prometteuse et installant efficacement son concept.

Rien à redire concernant l'édition de Komikku, comme toujours portée par un papier bien épais et souple et une impression excellente chez Aubin. Les quatre premières pages en couleurs sont un joli plus, les choix de police sont convaincants, et la traduction de Yohan Leclerc sait coller à l'ambiance, notamment via les quelques phrases récurrentes de Rin.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs