Perce Neige (le) Vol.1 - Manga

Perce Neige (le) Vol.1 : Critiques

Misu Misô

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 20 Juin 2019

En peu de temps, Rensuke Oshikiri est devenu un auteur très présent en France. Figure de proue du catalogue d'Omaké Manga, nous l'avons d'abord connu avec le nostalgique mais néanmoins cynique et délicieux Bip-Bip Boy. Et tandis que l'adaptation animée de Hi-Score Girl est disponible sur Netflix, tandis que le manga arrivera en juillet mais cette fois chez Mana Books, Omaké propose un autre titre de l'auteur, très différent mais aussi percutant : Le Perce Neige.

Manga en trois tomes initialement paru sous le titre Misu Misô entre 2007 et 2009 aux éditions Bunkasha, il a été réédité en deux épais tomes en mars 2013. Le titre a su se faire remarquer, si bien qu'il est adapté en film live en 2018. C'est la deuxième version du manga que nous propose Omaké, lançant la série avec un premier opus de plus de 300 pages.

Haruka Nozaki a déménagé dans un petit village reculé, de plus en plus déserté, à cause du travail de son père. Un changement dans la vie de la jeune fille, mais qui ne semblait pas si dérangeant puisque, après tout, elle restait avec son père, sa mère, mais aussi sa petite sœur. Mais le nouveau quotidien de Haruka n'a rien de particulièrement joyeux... Elle est désormais devenue la tête de turc de ses camarades, exception faite d'Aiba, un joli garçon assez populaire passionné de photographie. Tandis que chaque jour est synonyme de brimades humiliantes, Haruka trouvera un certain réconfort auprès du garçon... jusqu'au jour où la persécution dont elle est victime ira beaucoup trop loin. Pourtant paisible, la jeune fille pourrait bien se retourner contre ses bourreaux de la manière la plus violente qui soit.

Le harcèlement scolaire est un malheureux phénomène de société qui frappe bien des pays, aussi bien la France que le Japon. Mais là-bas, la pratique est si particulière qu'elle porte un nom : l'ijime. Nombre de mangas ont déjà abordé le harcèlement scolaire, GTO par exemple, mais aussi Life de Keiko Suenobu. D'une manière générale, ces récits condamnent le harcèlement à travers un cheminement moral classique. Ils montrent les actes des harceleurs pour ensuite développer une justice légitime, et véhiculer un message à propos de l'absurdité de tels comportements qui n'ont pour justifiation que la haine et la bêtise.
Le parti-pris de Rensuke Oshikiri est quelque peu différent avec ce tome de Misu Misô. Pourtant, l'amorce du récit est similaire aux autres mangas développant le sujet : l'auteur nous faire comprendre que l'attachante Haruka est victime de brimade par la quasi-totalité de sa classe, créant un affect particulier envers l'héroïne, ce de manière simple et logique. Puis, tout dérape, pour le pire et pour... le pire.

Sans trop en dire, c'est l'idée de la vengeance qui va caractériser la suite du récit, mais pas une vengeance classique. Si certains apprécieront peut-être le titre pour sa surenchère de violence, le processus de Rensuke Oshikiri se veut bien plus complexe dans ce premier opus. Ce dernier démontre l'absurdité du harcèlement scolaire en le poussant à des extrémités inimaginables, enclenchant un cercle vicieux de haine et de sang. Certes, les séquences de contre-attaque de Haruka ont un petit côté jouissif, d'une part parce qu'on est tenté de se dire que les bourreaux l'ont bien mérité, mais aussi parce que le mangaka joue à merveille avec des tortures aussi physiques que psychologiques, autrement dit des violences qui collent des sueurs froides et des frissons rien qu'en lisant le titre. Il y a donc un sadisme réellement malin dans ce début d’œuvre, un sadisme qui nous renvoie justement à nos propres faiblesses. Car apprécier le spectacle, c'est jouer le jeu macabre de l'auteur qui, subtilement, ne fait que dénoncer l'horreur de tels comportements. On finit la lecture, l'air un peu bête et le malaise dans la peau, tant la surenchère sanguinolente proposée nous paraît insensée. Il y a certes un petit côté humour noir dans le récit, mais son intention première est surtout de pointer du doigts la bestialité du harcèlement, injustifiable et débile, qui ne peut en aucun cas être justifié.

Car l'auteur mène parfois les choses plus loin en présentant les doubles facettes des bourreaux. Le camarade le plus méchant et sadique de Haruka pourra être un petit ange face à ses parents, et pourra même tenter de justifier sérieusement ses actes. A ceci s'ajoute le personnage du professeur, aussi détestable que fascinant tant il symbolise à lui seul le cercle de la haine derrière le harcèlement. Il soulève un véritable problème de société, à savoir un manque de franchise par rapport à ces événements, et une tendance à se cacher derrière un masque social pour nier la dure réalité des victimes. En ce sons, Le Perce Neige va particulièrement loin et nous chamboule comme il nous surprend par ses multiples messages forts, cachés derrière des personnages détestables mais complexes, et une écriture particulièrement habile.

En résulte alors une atmosphère assez éprouvante, digne d'un film d'horreur social. Il faut dire que le trait de Rensuke Oshikiri y contribue beaucoup. Celui-ci se montre aussi adapté à la noirceur du Perce Neige qu'au délire de Bip-Bip Boy, peut-être parce que le point commun entre les deux séries est de cacher un certain cynisme. Reste que l'inquiétude et l'horreur sont parfaitement retranscrites par le coup de crayon de l'artiste, et que l'atmosphère générée joue un rôle majeur dans le malaise du lecteur.

Du côté de l'édition, Omaké Manga livre une très bonne côte : un papier épais et de qualité, et une traduction de Florent Gorges parfaitement adapté au climat social de l'histoire. Peut-être aurions-nous pu espérer un papier mât pour la couverture, ce qui aurait donné encore plus de relief à l'ouvrage, une remarque qui n'est néanmoins que du pinaillage.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs