No Control - Perfect Edition - Actualité manga
No Control - Perfect Edition - Manga

No Control - Perfect Edition : Critiques

Kimi ha Midara na Boku no Jooh

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 28 Mai 2021

La date du 19 mai était placée sous le signe de Lynn Okamoto chez Delcourt/Tonkam: en plus de la publication des deux derniers volumes de Brynhildr in the Darkness après une très longue attente indigne d'une grosse maison d'édition (enfin, au moins, l'oeuvre ne fait pas partie des séries de l'éditeur tout bonnement laissées à l'abandon sans la moindre nouvelle), on a eu droit au lancement, avec 15 ans de retard, d'Elfen Lied, le tout premier manga de l'auteur, surtout popularisé à l'international par son adaptation animée qui a joui et jouit encore d'une réputation assez solide (et non-méritée, à mes yeux, mais c'est une tout autre histoire qui n'a rien à faire ici). Mais l'éditeur, histoire de surfer jusqu'au bout sur cette actualité, a également décidé de rééditer en un gros pavé de 440 pages une autre oeuvre du mangaka, qui était passée plutôt inaperçue lors de sa publication initiale en 2018 dans ses deux volumes d'origine: No Control!.

Prépubliée au Japon à rythme lent, pendant presque 5 ans, entre 2012 et 2017 dans les magazines Miracle Jump, Young Jump et Young Jump Gold de Shûeisha, l'oeuvre ne devait être, à l'origine, qu'une histoire courte, avant de devenir une série à part entière le temps de 11 chapitres (plus 2 chapitres bonus). Notons qu'Okamoto n'y est que scénariste, la partie visuelle ayant été confiée à Mengo Yokoyari, une mangaka auparavant inédite en France mais qui officie au Japon depuis 2009, et qui a acquis une belle réputation avec son principal succès Scum's Wish (Kuzu no Honkai), qui reste étrangement inédit dans nos contrées tandis que son adaptation animée, elle, nous est parvenue via Amazon Prime Vidéo.

Pour cette nouvelle édition, Delcourt/Tonkam ose apposer la qualification de "Perfect Edition", ce qui est évidemment une blague du même acabit que les soi-disant édition "perfect" de Fruits Basket ou de Maison Ikkoku. On n'a rien de plus qu'une édition double/intégrale ponctuée de 4 pages en couleurs, avec certes un vernis sélectif et un effet légèrement métallisé sur la jaquette, mais en format seinen classique, avec une qualité de papier et d'impression standard, et sans plus-value par rapport à la première édition. Un signe qui ne trompe pas: l'édition d'Elfen Lied est exactement dans les mêmes critères, mais ne possède aucune mention "perfect edition", elle, ce qui est plus logique et plus honnête. Et qui plus est, le machin est quand même vendu 15€, ce qui est presque du vol pour une édition de ce type de réédition double censée être un peu moins onéreuse. En guise de comparaison, un éditeur indépendant et bien plus modeste comme naBan propose son édition double d'Old Boy à 12€, dans un type d'édition quasiment similaire (format, nombre de pages...) à cette intégrale de No Control!. Et quand on constate qu'en terme de vraie Perfect Edition, pour seulement 1€ de plus et là aussi en édition double, on a droit chez Panini à une perfect de 20th Century Boys en grand format et avec une vraie plus-value (planches retravaillées, magnifiques effets sur les jaquettes, etc)... Bref, la fausse "Perfect Edition" de "No Control!", c'est un peu du vol, en plus d'une appellation mensongère à mes yeux.

Mais passons désormais à l'oeuvre en elle-même, qui nous immisce auprès de Saito, un lycéen de condition très modeste qui, après de très nombreux efforts au fil de sa scolarité, atteint son rêve: obtenir une bourse pour intégrer un lycée particulièrement huppé, qui n'accueille normalement que des enfants de (très) bonne famille et donc les frais sont considérables. La principale motivation de l'adolescent pour atteindre cet objectif: eh bien, son amour indéfectible pour Subaru, qui était son amie d'enfance un peu garçon manqué quand ils étaient tout petits, avant que tous deux ne soient séparés à leur entrée en primaire. Ca aurait pu n'être qu'un petit amour de toute tendre jeunesse, mais le fait est que Saito n'a jamais pu oublier Subaru, et qu'elle a dicté son parcours jusque-là. Hélas, en entrant au lycée, Saito a retrouvé une Subaru qui a bien changé. Certes, elles est devenue magnifique, est la fille la plus belle de l'établissement en plus d'être la plus brillante, et elle est si adorable avec tout le monde qu'aucun garçon de ce lycée de fils à papa n'ose lui demander de sortir avec elle, afin de ne pas la souiller. Mais envers Saito et uniquement lui, la jeune fille montre sans cesse un comportement froid, hautain et exécrable... Et si ce comportement cachait en réalité tout autre chose ? C'est ce que Saito va apprendre le jour où il décide d'essayer une formule magique légendaire: en faisant le souhait de voir sa chambre de dortoir se connecter avec celle de Subaru, le jeune garçon a la surprise de voir son voeu se réaliser, car étonnamment la jeune fille a fait exactement le même voeu que lui peu de temps avant ! Mais le dieu de la contrepartie, qui a exaucé leur souhait, est capricieux: comme son nom l'indique, il lui faut une contrepartie, elle celle-ci réside en Subaru qui est la première à avoir fait le voeu: une heure par jour et jusqu'à ce que la jauge du dieu soit remplie, elle perdra totalement le contrôle d'elle-même, et donc arrêtera de se mentir et de se retenir dans ses envies, dira la vérité et agira sans chichis. Et quand les apparences se briseront, Saito découvrira que la vraie Subaru est une adolescente ne pensant non seulement qu'à lui, qu'elle aime en secret depuis toujours, mais qu'en plus elle ne pense qu'à toutes les choses sexuelles qu'elle pourrait faire avec lui. Subaru est une fille avide de sexe et de "son" Saito, et c'est une chose que notre héros aura tout le loisir d'expérimenter, pour le meilleur comme pour le pire...

Ce pitch improbable le laisse bien deviner: si No Control! a intégré la collection Borderline de Delcourt/Tonkam, ce n'est pas pour rien, essentiellement parce que l'oeuvre aborde sous un jour aussi direct que "WTF" la question du sexe et de l'amour à l'époque charnière de l'adolescence. De ce fait, l'oeuvre, sans montrer les parties génitales, se veut quand même très explicite dans son érotisme où les pratiques sexuelles sont présentes à chaque chapitre, en imprégnant bien souvent ceux-ci de façon marquée. On est donc bel et bien dans un manga à forte tendance érotique, avec une forte représentation de la nudité, des sécrétions dues à l'acte et d'autres joyeusetés, qui plus est ponctué de dialogues se voulant très crus dès lors que Subaru perd le contrôle. Et dans les faits, apprécier ou non le rendu sera vraiment à mettre à l'appréciation de chacun.
Certains trouveront sans aucun doute nombre de passages totalement gratuits et potentiellement gerbants ou malaisants, d'autant plus que le scénario imaginé par Okamoto a la volonté d'aller assez loin dans l'érotisme, et que certaines scènes pourront choquer, que celles-ci soient dégradantes (certains angles offrent un côté très soumis à l'héroïne parfois, sans compter des moments comme celui où elle se pisse dessus) ou plutôt limites (comme quand la petite soeur collégienne de l'héroïne se prend une giclée de sperme sur le visage sans réelle conséquence derrière, un "humour" qui peut très mal passer).
D'autres, au contraire, pourront passer un très bon moment car, au-delà de son côté forcément voyeuriste, cet érotisme fonctionne souvent assez bien sur le créneau du grotesque et de l'exagération. Le pitch de base étant lui-même assez loufoque avec cette histoire de voeu, on comprend bien qu'il y a une volonté de second degré dans toutes les exagérations autour des scènes et du comportement de Subaru quand elle perd le contrôle. Et côté exagérations, la jeune fille, dans ces moments, a vraiment tous les vices d'obsédée sexuelle, ne pensant qu'à l'organe de Saito et à ses sécrétions, à son odeur, collectionnant ses caleçons sales et ses mouchoirs usagés qu'elle lèche/suce, et parlant toujours de façon très, très crue. Un dernier point où la traductrice Anne-Sophie Thévenon s'est beaucoup lâchée avec des textes parfois dignes d'un hentai, pour un résultat efficace, en adéquation avec l'oeuvre. On peut tout simplement sourire à force de voir s'enchaîner des discussions et des situations chaudes exagérées voire improbables, tout comme on peut s'amuser de voir les rôles s'inverser, puis qu'on a plus souvent l'habitude de voir des hommes en guise d'obsédés sexuels.

Mais No Control! ne s'arrête pas tout à fait à la simple comédie érotique: les oeuvres de Lynn Okamoto sont assez souvent ponctuées de thématiques intéressantes en arrière plan, et cette oeuvre ne fait pas exception, essentiellement pour tout ce qu'elle peut véhiculer concernant les apparences et le masque que l'on se met en société. Avant de perdre le contrôle, Subaru n'est tout simplement pas honnête avec elle-même, en camouflant totalement ses véritables sentiments ainsi que ce qu'elle est, notamment car il va sans dire que si son entourage, la classe, la société la découvrait comme une obsédée, ça ruinerait sa vie, surtout pour elle qui est la fille d'un grand patron d'entreprise hyper strict. Et justement, le cas du père est un autre aspect important du récit, dans la mesure où il est l'un de ces chefs de famille riches et très patriarcaux qui a déjà tout décidé pour la vie de sa fille, et qui semblerait préférer la voir se suicide plutôt que de salir son image. En conséquence, cela amènera aussi la question d'un mariage arrangé avec un jeune patron certes riche mais qui n'est aucunement un type bien (vraiment, vraiment aucunement). Autant de problématiques que nos deux héros, à leur manière, pourraient bien apprendre à surmonter, au fur et à mesure que leur amour profond se voit testé par les épreuves, et que la jeune fille apprend à s'affirmer par l'intermédiaire de ses pertes de contrôle. Loin de n'être qu'un prétexte au sexe, les heures quotidiennes où la jeune fille se lâchent lui apportent réellement des choses dans son émancipation.
Mais malheureusement, si Lynn Okamoto est un auteur qui utilise bien souvent un côté très borderline pour évoquer des sujets intéressants, les cas d'Elfen Lied et de Brynhildr nous ont déjà montré auparavant son incapacité à aller réellement plus en profondeur dans ses sujets et à tenir constamment la route dans ses développements, et malheureusement No Control! ne fait que le confirmer malgré sa courte durée. Si les pistes de réflexions sont particulièrement intéressantes dans le second plan de l'intrigue pendant la première moitié de l'oeuvre, elles se diluent beaucoup par la suite, jusqu'à être laissées en plan dans une fin qui, si elle conclut les grandes lignes de l'histoire, est expéditive. On peut imaginer que le rythme de publication erratique (11 chapitres en presque 5 ans...) n'a pas aidé le scénariste à se concentrer sur toute la logique scénaristique de son histoire, et différents petits détails plus mineurs tendent à le confirmer. Par exemple, dans un chapitre, il est expliqué avec une certaine intelligence que Subaru n'est pas une "nympho" puisqu'il n'y a qu'avec son Saito adoré qu'elle veut faire en permanence des trucs cochons, et au chapitre suivant Saito est le premier à la présenter comme une nympho...

Au vu du pitch de base en particulier et du rendu visuel et textuel souvent assez explicites, on pourrait vite juger No Control! comme un truc érotique random un peu extrême, mais le fait est que le récit entrouvre également différents débuts de réflexions, ne serait-ce que sur l'apparence et le masque, jusqu'à même parvenir à rendre assez attachant son couple-vedette, dont l'amour sincère transparaît en permanence au-delà des frasques cochonnes de Subaru. C'est un tout qu'il sera possible d'assez aimer ou de totalement détester, mais dans tous les cas il est dommage qu'une nouvelle fois, Lynn Okamoto perde le fil de ses pistes de réflexion en cours de route pour aboutir à un final très lambda.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
11 20
Note de la rédaction