My Dear Neighbor - Actualité manga

My Dear Neighbor : Critiques

My Fair Neighbor

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 18 Juin 2020

Mangaka qui nous avait beaucoup séduits en 2017-2018 avec le magnifique, doux et intelligent Good Morning, Little Briar-Rose, Megumi Morino a fait son retour aux éditions Akata la semaine dernière avec une double actualité: tout en lançant A tes côtés, la dernière série en date de l'autrice, l'éditeur propose de découvrir la toute première série de sa carrière, My dear Neighbor. Attaché à ses auteurices, Akata propose même, pour marquer cette sortie, un joli bonus évidemment limité aux stocks disponibles, à savoir un joli set de 6 illustration offert en librairies pour l'achat de 2 volumes de Morino. En somme, une occasion idéale de découvrir cette mangaka, si ce n'est pas déjà fait !

De son nom original My Fair Neighbor, My dear Neighbor est une oeuvre dont les cinq chapitres initiaux ont d'abord été prépubliés en 2013-2014 au Japon dans le magazine Dessert des éditions Kôdansha (le magazine de Good Morning, Little Briar-Rose, A tes côtés, Daisy - Lycéennes à Fukushima, La maison du soleil, Le garçon d'à côté...) avant de paraître en tome relié en février 2014. Cinq années plus tard, il a connu une nouvelle édition dans son pays en mars 2019, avec une nouvelle jaquette et surtout un chapitre bonus de 17 pages offrant un véritable épilogue abouti, et c'est évidemment sur cette nouvelle édition qu'Akata s'est basé pour la version française.

Les cheveux décolorés, le visage ponctué de piercings mais aussi de pansements, Yukinari Sakura était un lycéen aux allures de racaille. Passant beaucoup de temps sur le balcon de l'appartement où il vivait avec son père, il avait sympathisé avec Momoko Hagiwara, la fillette voisine, souvent envoyée sur le balcon par sa mère en guise de punition. Mais ce lien d'amitié entre un adolescent et une toute petite fille a fini par prendre un certain tournant le jour où Momo, chutant du balcon depuis le 2e étage, a été sauvée par Yuki qui s'est jeté dans le vide pour amortir sa chute. L'accident passé, la famille de Momo a choisi de déménager pour tirer un trait sur cet accident, et les années ont passé... A présent, plus de dix ans plus tard, Yuki a bien changé: âgé de 28 ans, il s'est assagi même s'il garde souvent son regard sévère face aux autres, travaille sous contrat dans un restaurant en attendant de devenir pleinement employé, et vit toujours dans l'appartement de son adolescence, même s'il est désormais seul. Du moins, seul, il l'est jusqu'au jour où il a la surprise de voir que sa nouvelle voisine n'est autre que Momo. Désormais lycéenne, la jeune fille est venue vivre seule dans l'appartement de son enfance, et se met immédiatement en tête d'être aux petits soins avec ce jeune adulte solitaire, notamment en lui préparant quotidiennement des bentos tout en suivant ses cours au lycée. Bien que trouvant attachante et adorable cette adolescente qu'il a tant côtoyé dix ans auparavant, Yuki est un peu gêné, d'autant que les vrais sentiments de Momo sont parfaitement visibles...

Si l'on devait s'arrêter à ces quelques lignes de résumé, My dear Neighbor n'est pas forcément un titre qui attirerait l'attention, avec ses promesses d'avoir juste une romance "classique" entre un jeune adulte et une lycéenne. Pire, de par cette différence d'âge entre les deux protagonistes, l'oeuvre pourrait même rebuter certain(e)s. Mais penser ça, c'est mal connaître Megumi Morino: la mangaka a déjà démontré toute sa finesse de ton dans Good Morning, Little Briar-Rose, et c'est quelque chose qu'on retrouve déjà largement dans sa première oeuvre.

En premier lieu, parce que d'histoire d'amour classique, il n'y aura pas, ou au moins pas avant longtemps (on n'en dit pas plus, on vous laisse découvrir ça à la fin). Devenu un adulte responsable, Yuki ne voit aucunement cette jeune lycéenne comme un possible amour, quand bien même Momo lui montre clairement ses sentiments, en permanence. Il a évidemment un fort attachement pour elle, car pour certaines raisons elle a eu une importance capitale dans sa vie quand il était un lycéen complètement paumé, et cet attachement se développe encore devant toute la bonté de la jeune fille et sa manière d'être à fond dans tout ce qu'elle fait (ce qui lui jouera parfois des tours, d'autant qu'elle est un peu maladroite et qu'à seulement 16 ans elle n'a pas encore l'habitude de vivre seule). Mais il s'agit de l'attachement qu'aurait une sorte de tuteur pour une jeune fille sur laquelle il doit veiller, et il tâche toujours de conserver cette frontière, espérant même que Momo finira par tomber amoureuse d'un autre. Pourquoi pas d'Igawa, très pur et sincère camarade de classe et adolescent du quartier, dont les sentiments pour elle sont évidents ?

Le récit tire ainsi beaucoup de la bienveillance adulte que Yuki pose sur l'adolescente, mais aussi de toute la générosité et l'amour sincère que montre Momo. Leur relation est belle et franche, est nourrie de beaucoup d'attentions... mais s'ils ont un fort attachement l'un pour l'autre, c'est aussi pour ce qu'ils s'apportent, et ce qu'ils s'étaient déjà apportés dix ans avant. Et c'est probablement sur ce point-là que le récit frappe le plus juste, car chacun des deux a des blessures passées ou présentes, que l'on vous laisse découvrir mais qui abordent avec beaucoup de finesse un sujet que Morino a ensuite très bien abordé aussi dans Briar-Rose: la fissure familiale, entre une situation familiale désastreuse et violente pour le Yuki de l'époque du lycée (c'est aussi en partie ce qui a conditionné son allure de loubard), et une Momo qui depuis toute petit n'a jamais pu supporter le poids de la sévérité de sa mère. Mais parfois, il suffit de parvenir à se parler pour commencer à résoudre certaines choses. Que cache la sévérité de la mère de Momo ? Momo a-t-elle raison de la craindre au point de ne jamais se rebeller ou réclamer quoi que ce soit ? Qu'est-ce devenu le père de Yuki à présent ? On aura les réponses à toutes ces questions, dans des tournures très belles et nuancées, où l'on appréciera aussi certaines idées importantes (par exemple, le fait que la mère de Momo sache d'emblée reconnaître la valeur de Yuki, qui a bien changé depuis l'époque où il était violent). Et ce sont plus généralement l'aspect relationnel des personnages qui est finement interrogé. Par exemple, les raisons faisant que les deux protagonistes sont si importants l'un pour l'autre, les petites interrogations que Momo est poussé par Yuki à se poser (fuit-elle ses craintes en se réfugiant dans le passé et donc dans la figure rassurante du Yuki qu'elle a connu dix ans avant même si elle n'en a pas beaucoup de souvenirs ?)... Au bout du compte, au fil de leurs interrogations et de ce qu'ils vivent ensemble au gré des saisons (l'histoire se déroule sur un an, et chaque chapitre correspond à une saison), on ressent surtout à quel point ils se sentent apaisés l'un au contact de l'autre, pour aller de l'avant de plus belle.

Visuellement, même si son trait est légèrement moins fin, on reconnaît déjà facilement la très belle patte de Morino, avec des traits doux, une mise en scène assez posée et travaillés, et des expressions faciales nuancées et véhiculant facilement les choses, quand ce ne sont pas les petits non-dits qui prennent le relais. C'est vraiment très beau, très propre, avec parfois une pointe de poésie dans les souvenirs qui amène une douceur supplémentaire.

Ajoutons à tout ceci l'épilogue-bonus vraiment abouti, et on obtient un one-shot qui, pour une première oeuvre, impressionne de par son intelligence, sa subtilité et son ambiance assez douce porteuse de très jolies choses. Pas étonnant que Kôdansha ait décidé de rééditer ce titre dans une version enrichie 5 ans plus tard au Japon, et qu'Akata ait décidé de poursuivre sur cette artiste décidément très prometteuse.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique non-corrigée fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
    

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs