Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 18 Décembre 2023
Qui était exactement Kan'ichirô Yoshimura, bretteur du Shinsen Gumi qui fut tour à tour considéré comme l'un des meilleurs combattants du groupe, puis comme un félon et un lâche jusqu'à s'être attiré les foudres des siens et avoir été quasiment oublié des livres d'Histoire ? C'est pour essayer de répondre à cette question qu'un enquêteur, au début du XXe siècle, a commencé à investiguer afin de recueillir des témoignages de personnes qui ont côtoyé Yoshimura et qui sont, bien sûr, toujours vivantes. Pour l'homme désireux de percer l'énigme Yoshimura, les choses commencent par la rencontre avec le tenancier du kadoya, un homme qui, dans ses jeunes années, fut lui aussi membre du Shinsen-Gumi...
Au gré de plusieurs anecdotes successives, le témoignage du tenancier occupe l'intégralité de ce deuxième volume, en n'apparaissant jamais lassant ou rébarbatif, et cela grâce à plusieurs choses, à commencer par la narration maligne qui joue efficacement entre les époques, avec d'un côté le début de XXe siècle où l'enquêteur mène ses investigations, et de l'autre côté différents moments des années 1860 qui permettent à la fois de suivre quelques grandes lignes de l'évolution historique de l'époque et de découvrir des faits sur Yoshimura à différents moments de ces années-là.
Ensuite, il y a l'énorme travail visuel de Takumi Nagayasu qui, avec son dessin riche et réaliste, nous plonge vraiment, du mieux possible, dans l'atmosphère de cette période charnière de l'Histoire du Japon, entre les cadres d'époque soigneusement reconstitués (bâtisses, festivités, nature...) et les élans de violence sans concession de ces années chaotiques, pour un résultat tout à fait immersif.
Et enfin il y a, bien sûr, le plus important, à savoir ce que l'on entrevoit au sujet de Yoshimura. Dès les premières pages du volume, l'homme apparaît sans pitié au vu de l'exécution d'Ishikawa. Pourtant, plus tard, lors d'une autre anecdote, ce qu'il montre à l'égard du déserteur Hyôgo Sakai est d'un tout autre acabit, en suscitant de plus belle les interrogations sur cet homme. Si bien que finalement, à chaque étape découverte ici, seules deux choses semblent sûres: d'un côté l'intransigeance du Shinsen-Gumi qui ne pardonne rien quitte à commettre des exécutions quelque part presque absurdes, et de l'autre côté l'appât du gain de Yoshimura qui, toujours, semble surtout chercher l'enrichissement. Alors, pourquoi cet attachement à l'argent ? Et cela est-il seulement compatible avec les valeurs du Shinsen-Gumi ? Alors que des éléments de réponse se dessinent bel et bien, les auteurs glissent toujours des détails supplémentaires qui laissent une part d'incertitudes sur le cas Yoshimura, pour toujours mieux en affiner le portrait sur la longueur, sans aucun doute.
Après un premier tome passionnant, ce deuxième volume confirme bien les qualités de Mibu Gishi Den. Dans un contexte historique riche, immersif et superbement rendu par le travail graphique rigoureux de Nagayasu, on se prend beaucoup d'intérêt pour le parcours, les contradictions et la complexité de Kan'ichirô Yoshimura.