Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 24 Février 2022
Après le sympathique Roméo et Juliette en janvier 2015 et le très moyen Hamlet en février 2020, la collection des Classiques en Manga des éditions nobi nobi! a accueilli, en ce mois de février 2022, une troisième adaptation d'une pièce de théâtre de William Shakespeare: Macbeth. Pour ce manga sorti au Japon en 2018 dans la collection "Manga Classic" de l'éditeur Udon (auquel on doit déjà un certain nombre des titres des la collection de nobi nobi!), on retrouve un duo d'auteurs déjà connu chez nous pour les adaptations de Hamlet et du Livre de la Jungle, à savoir Crystal S. Chan à l'adaptation et Julien Choy au dessin.
Initialement publiée en Angleterre en 1623 (mais sa date de rédaction exacte reste inconnue), Macbeth est une tragédie dont le pitch de base peut aujourd'hui apparaître très classique, et pour cause: l'oeuvre a pu, ces derniers siècles, influencer ensuite pas mal d'auteurs, au point de connaître encore, de nos jours, pas mal d'adaptation sur différents supports, l'une des plus connues récemment étant le film de 2015 avec Michael Fassbender et Marion Cotillard. Le dramaturge britannique y reprend à sa sauce (c'est-à-dire sans volonté historique) le figure de Macbeth, un roi écossais ayant réellement existé à l'époque médiévale, pour le placer au centre d'un coup d'Etat où il s'empare du trône avec son épouse. Mais le meurtre du roi appelle toujours plus morts, entre la crainte du coule Macbeth d'être démasqué, leur désir d'asseoir leur pouvoir au point de trahir les plus proches frères d'armes, et les désirs de vengeance qui en découleront...
Cette tragédie médiévale en 5 actes est la plus courte pièce de Shakespeare, et les auteurs du manga l'adaptent ici sur une durée, assez longue pour un titre de cette collection, d'environ 315 pages, ce qui nous laisse bien comprendre une chose: Crystal S. Chan et Julien Choy ont préféré ne faire aucune coupure, rester très proches du texte d'origine, adapter l'intégralité de la pièce, ce qui est tout à l'heure honneur en pouvant permettre à un jeune public d'avoir un aperçu complet de l'oeuvre, et d'y entrevoir toutes ses grandes thématiques allant de la soif insatiable de pouvoir à la culpabilité, en passant par la confrontation au destin (un grand classique chez Shakespeare) et même la folie. Et cette part de folie, on la ressent surtout à travers un aspect qui a fait la légende de cette pièce, jusqu'à en faire une pièce "maudite" en Angleterre: les personnages font des rencontres presque infernales (les trois sorcières du début faisant leurs prédiction à Macbeth et son compagnon, Hécate) qui contribuent beaucoup à les plonger dans leurs torts, dans leurs méfaits, puis dans leurs illusions (Macbeth et son épouse, en particulier, finissent par être hantés par des hallucinations sur leurs vils actes), et finalement dans leur folie.
On retrouve donc ici toutes les spécificités de la pièce de théâtre d'origine... mais cela ne peut suffire à faire une très bonne adaptation, car un manga implique aussi un travail narratif et visuel adéquats, et de ce côté-là le duo se montre malheureusement presque aussi limité que dans Hamlet et Le Livre de la Jungle. Le dessinateur a au moins le mérite de s'essayer à quelques petites métaphores visuelles pour coller à la part plus folle et funeste de l'oeuvre, mais son dessin en lui-même reste vraiment inégal et pauvre, avec des designs allant du classique au laid, un manque de nuances dans les visages et les expressions, des trames et encrages très simples, et pas mal de postures et mouvements anatomiquement discutables.
Il faut alors prendre cette version manga pour ce qu'elle est: une adaptation complète et suffisamment soignée de l'histoire originelle en elle-même (ce qui peut en faire un bon outil de découverte pour des enfants), mais n'offrant aucune réelle plus-value aux niveaux narratif et visuel. Reste une chose qui mettra tout le monde d'accord: la qualité éditoriale, toujours au rendez-vous pour cette collection, avec une charte graphique claire et typique de la collection, un côté "beau-livre" dû à la reliure et au signet marque-page, une première page en couleurs, une qualité de papier et d'impression tout à fait honorable, et une postface correcte de Tomoko Seigneurgens pour resituer l'auteur et son oeuvre. La traduction de François Guizot, elle, provient directement de la pièce de théâtre.
Initialement publiée en Angleterre en 1623 (mais sa date de rédaction exacte reste inconnue), Macbeth est une tragédie dont le pitch de base peut aujourd'hui apparaître très classique, et pour cause: l'oeuvre a pu, ces derniers siècles, influencer ensuite pas mal d'auteurs, au point de connaître encore, de nos jours, pas mal d'adaptation sur différents supports, l'une des plus connues récemment étant le film de 2015 avec Michael Fassbender et Marion Cotillard. Le dramaturge britannique y reprend à sa sauce (c'est-à-dire sans volonté historique) le figure de Macbeth, un roi écossais ayant réellement existé à l'époque médiévale, pour le placer au centre d'un coup d'Etat où il s'empare du trône avec son épouse. Mais le meurtre du roi appelle toujours plus morts, entre la crainte du coule Macbeth d'être démasqué, leur désir d'asseoir leur pouvoir au point de trahir les plus proches frères d'armes, et les désirs de vengeance qui en découleront...
Cette tragédie médiévale en 5 actes est la plus courte pièce de Shakespeare, et les auteurs du manga l'adaptent ici sur une durée, assez longue pour un titre de cette collection, d'environ 315 pages, ce qui nous laisse bien comprendre une chose: Crystal S. Chan et Julien Choy ont préféré ne faire aucune coupure, rester très proches du texte d'origine, adapter l'intégralité de la pièce, ce qui est tout à l'heure honneur en pouvant permettre à un jeune public d'avoir un aperçu complet de l'oeuvre, et d'y entrevoir toutes ses grandes thématiques allant de la soif insatiable de pouvoir à la culpabilité, en passant par la confrontation au destin (un grand classique chez Shakespeare) et même la folie. Et cette part de folie, on la ressent surtout à travers un aspect qui a fait la légende de cette pièce, jusqu'à en faire une pièce "maudite" en Angleterre: les personnages font des rencontres presque infernales (les trois sorcières du début faisant leurs prédiction à Macbeth et son compagnon, Hécate) qui contribuent beaucoup à les plonger dans leurs torts, dans leurs méfaits, puis dans leurs illusions (Macbeth et son épouse, en particulier, finissent par être hantés par des hallucinations sur leurs vils actes), et finalement dans leur folie.
On retrouve donc ici toutes les spécificités de la pièce de théâtre d'origine... mais cela ne peut suffire à faire une très bonne adaptation, car un manga implique aussi un travail narratif et visuel adéquats, et de ce côté-là le duo se montre malheureusement presque aussi limité que dans Hamlet et Le Livre de la Jungle. Le dessinateur a au moins le mérite de s'essayer à quelques petites métaphores visuelles pour coller à la part plus folle et funeste de l'oeuvre, mais son dessin en lui-même reste vraiment inégal et pauvre, avec des designs allant du classique au laid, un manque de nuances dans les visages et les expressions, des trames et encrages très simples, et pas mal de postures et mouvements anatomiquement discutables.
Il faut alors prendre cette version manga pour ce qu'elle est: une adaptation complète et suffisamment soignée de l'histoire originelle en elle-même (ce qui peut en faire un bon outil de découverte pour des enfants), mais n'offrant aucune réelle plus-value aux niveaux narratif et visuel. Reste une chose qui mettra tout le monde d'accord: la qualité éditoriale, toujours au rendez-vous pour cette collection, avec une charte graphique claire et typique de la collection, un côté "beau-livre" dû à la reliure et au signet marque-page, une première page en couleurs, une qualité de papier et d'impression tout à fait honorable, et une postface correcte de Tomoko Seigneurgens pour resituer l'auteur et son oeuvre. La traduction de François Guizot, elle, provient directement de la pièce de théâtre.