No longer allowed in another world Vol.1 - Actualité manga
No longer allowed in another world Vol.1 - Manga

No longer allowed in another world Vol.1 : Critiques

Isekai Shikkaku

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 21 Mars 2024

Kana est un éditeur qui reste très peu porté sur les isekai malgré l'explosion de ceux-ci depuis déjà plusieurs années. Alors quand un représentant du genre arrive dans son catalogue, il y a de quoi être assez intrigué et espérer un isekai sortant du lot ! Est-ce que ce sera bel et bien le cas avec No Longer Allowed in Another World ?

De son nom original "Isekai Shikkaku" (littéralement "Disqualifié dans un autre monde"), ce manga, toujours en cours au Japon depuis 2019 dans le magazine en ligne Yawaraka Spirits des éditions Shôgakukan, devrait faire pas mal parler de lui dans les mois à venir puisque son adaptation animée est prévue à partir du mois de juillet. L'oeuvre est scénarisée par Hiroshi Noda qui s'est un peu spécialisé dans les récits un brin décalés, tandis qu'au dessin on retrouve Takahiro Wakamatsu, déjà connu en France chez Kana pour la courte série d'échecs A l'Assaut du Roi. Notons que les deux auteurs n'en sont pas à leur première collaboration: au Japon ils ont également planché ensemble sur les mangas "Ningyohime no Gomen ne Gohan" et "Koi wa Sekai Seifuku no Ato de", ce dernier étant connu en France via son adaptation animée qui fut diffusée sur Crunchyroll en 2022 sous son titre international "Love After World Domination".

Ici, tout commence le 13 juin 1948, alors qu'un écrivain dépressif et suicidaire s'apprête à commettre un double-suicide avec sa compagne Sacchan à l'aqueduc de Tamagawa. Mais en guise de mort, ils se retrouvent finalement fauchés par un camion fou sorti de nulle part, avant que notre homme, surnommé Sensei, se retrouve propulsé dans un autre monde teinté de fantasy. Sur place, le voici accueilli par Annette, jeune femme aux oreilles pointues qui est en charge de guider les transférés comme lui, et qui lui explique qu'il a été appelé ici pour devenir un héros au sein de Sauberberg, un continent plongé dans les ténèbres et où sévit le roi du mal. Normalement doté d'un pouvoir nommé Cadeau Divin, il va donc pouvoir entamer sa mission de lutte contre le mal... ou pas. parce que lui, tout ce qu'il souhaite, c'est retrouver Sacchan qui a peut-être été transférée en même temps que lui, et enfin mourir comme le bon écrivain dépressif et suicidaire qu'il est.

Le premier constat à faire, c'est que pour apprécier ce début de série, il faut avoir bien conscience que l'on est dans une pure parodie d'isekai à la tonalité toutefois assez posée, et qu'il vaut mieux connaître un minimum les gimmicks habituels du genre pour en profiter au mieux: l'énorme poncif de l'accident de camion cache en réalité tout un service de transfert pour les personnes malheureuses (un vrai business ! ), Annette est au départ tout sauf joviale dans son accueil d'un nouveau héros tant elle est blasée par ce travail qu'elle fait depuis des années, les premières compagnes d'aventure sont de vrais clichés ambulants à l'extrême (une fille-chat énergique sauvée d'une situation embarrassante vue 1000 fois dans tout isekai random, une jeune princesse devant choisir entre deux prétendants imposés par son père le roi)... Rien que sur ces éléments, la lecture peut peiner à convaincre si l'on n'est pas réceptif à cet humour parodique.

Mais bien sûr, pour appuyer réellement le côté décalé, ce début de série peut compter sur son personnage principal directement inspiré du célèbre écrivain Osamu Dazai, réellement mort lors d'un double-suicide le 13 juin 1948 à l'aqueduc de Tamagawa, et réputé pour son pessimisme ainsi que pour son obsession pour le suicide. D'ailleurs, les fans les plus pointilleux noteront quelques autres clins d'oeil à Dazai: le titre "Isekai Shikakku"du manga fait référence à son plus célèbre roman "Ningen Shikkaku" ("La Déchéance d'un homme"en français), Sensei nomme un familier Méros qui est une référence à sa nouvelle "Cours, Mélos"... A partir de son idée de faire de son simili-Dazai un transfuge dans un autre monde, Hiroshi Noda a alors tout le loisir d'exploiter sa dépression, son goût pour le suicide et son désintérêt pour ce qui l'entoure à des fins humoristiques: il se fiche que le mal plane sur le continent, il n'a aucun réel intérêt pour les compagnes d'aventure venant se greffer à sa quête sans lui demander son avis (histoire de détourner le poncif habituel du harem) et se contente de les utiliser pour qu'elles transportent le cercueil dans lequel il loge, il considère comme un mal de crâne insupportable l'inévitable petite voix dans sa tête qui lui indique ses gains d'expérience, il n'hésite pas à être cash face à certains comportement idiots que l'on voit parfois dans ce genre d'oeuvre (à l'image de sa façon de traiter de raté ce roi qui fait confiance au premier venu pour le choix du futur époux de sa fille)...

C'est alors, dans l'ensemble, plutôt efficace, même s'il faut avouer que pour le moment ça ne va pas beaucoup plus loin. En effet, pour l'instant l'intrigue, en se contentant de jouer sur les clichés du genre sur un ton parodique, n'offre rien de spécialement palpitant qui justifierait que la série dure longtemps (sachant qu'elle compte déjà 10 tomes au japon, à l'heure où ces lignes sont écrites). Cependant, les dernières pages esquissent déjà des choses un peu plus prometteuses, qui pourraient tout à faire accentuer un intérêt et des enjeux pour la suite. Quant au rendu visuel, il se veut avant tout fonctionnel: hormis pour le design de dépressif de Sensei qui dénote par rapport à tout le reste, on est sur quelque chose de très propre, de très clair, d'agréable, mais ne dégageant pas de personnalité particulière, jusque dans les designs vus et revus des premières figures féminines. Mais après tout, peut-être est-ce voulu, pour accentuer encore le jeu sur les poncifs du genre.

Ce premier volume accomplit donc assez bien son rôle dans l'ensemble. Même si l'on attend clairement plus de la suite, on a droit à un jeu assez efficace sur les poncifs de l'isekai à des fins parodiques, le tout devant beaucoup à son personnage principal "à la Osamu Dazai", forcément décalé dans ce genre d'univers.

Quant à l'édition française, elle s'avère très correcte: la traduction de Rodolphe Gicquel ne montre aucun couac et est assez claire, le lettrage est soigné, le papier souple et peu transparent permet une honnête qualité d'impression, et la jaquette reprend fidèlement l'illustration de la version japonaise, tout en se parant d'un logo-titre soigné avec ses effets de stylo-plume et d'encre qui font écho au statut d'écrivain du personnage principal.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction