Fleurs se maquillent aussi (Les) Vol.1 : Critiques

Hanamonogatari

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 10 Novembre 2025

Ne perdant rien, au fil des années, de leur désir d'explorer le manga féminin sous toutes les coutures, les éditions Akata nous font le plaisir de lancer, en ce mois de novembre, une oeuvre dotée d'une jolie petite réputation dans sa catégorie: Hanamonogatari, rebaptisé sous le poétique nom "Les fleurs se maquillent aussi".

L'oeuvre a été prépubliée au Japon en 2022-2023 dans le magazine Comic Flapper de l'éditeur Media Factory, un magazine très souvent à destination d'un public masculin plutôt adulte (c'est de celui-ci que proviennent notamment The Rising of the Shield Hero, Mushoku Tensei, Dance in the Vampire Bund, Séki mon voisin de classe...) mais qui sait se faire plus éclectique en accueillant de temps à autre des titres orientés vers d'autres style... ce qui est totalement le cas dans le cas présent puisqu'on suivra une romance saphique en trois tomes mettant en scène des femmes âgées sur fond de maquillage. La série est la toute première publication française de schwinn, mangaka officiant depuis quelques années et spécialiste des romances homosexuelles entre hommes ou femmes.

L'oeuvre nous immisce auprès de Hanayo Nishida, une femme dans le milieu de la soixantaine qui a, jusque-là, eu une vie somme toute bien rangée: elle s'est mariée avec un homme plus âge qu'elle d'une douzaine d'année, est devenue mère puis grand-mère, a toujours gentiment servi sa famille quitte à aussi traverser sans réagir les remarque de son époux qui n'était certes pas un mauvais bougre mais qui était quelque peu étouffant et castrateur... Mais maintenant que celui-ci est récemment décédé et que les funérailles sont passées,celle qui est à présent veuve se sent un peu vide, s'ennuie, ne sait pas quoi faire de son temps libre. Ce sont alors certaines publicités et, surtout, sa petite-fille Riko, étudiante en stylisme très ouverte, qui lui suggèrent d'enfin vivre pour elle-même, de se trouver un hobby et une nouvelle raison de vivre... et pour cela, quoi de mieux que de renouer avec sa vieille passion pour les cosmétiques, chose qu'elle avait laissée tomber suite aux remarques souvent désobligeantes de son époux, comme quoi ça ne servirait à rien qu'une femme de son âge se maquille, se parfume et se pomponne ? C'est en sentant revenir en elle cette passion intacte que Hanayo, en observant un petit magasin de cosmétiques, y remarque la propriétaire, Yoshiko Dôjima, une femme qui, bien qu'elle ait à peu près le même âge qu'elle, apparaît si magnifique, gracieuse et solaire. Invitée par celle-ci à essayer certains produits alors qu'elle n'osait pas entrer dans le magasin, notre héroïne va alors commencer à se reconnecter à sa passion et, surtout, à elle-même...

A l'image des excellentes séries Ocean Rush et BL Métamorphose, Les fleurs se maquillent aussi nous plonge auprès d'une héroïne à l'âge avancé, récemment devenue veuve et qui, loin de se laisser dépérir et d'attendre de voir passer la suite et fin de son existence, va connaître une véritable deuxième vie... qui plus est une vie où elle pourra enfin penser à elle-même et reconnecter avec qui elle est réellement, après une première vie passée à étouffer son "moi" profond pour le bien de son entourage. Cette fois-ci, cela s'opère en premier lieu à travers les cosmétiques, schwinn n'étant alors pas avare en petits détails sur le maquillage, le parfum, les produits d'entretien de la peau et autres éléments pouvant rendre une personne plus belle, plus en adéquation avec elle-même. Face au regard que la société peut parfois poser sur les femmes qui ne sont plus jugées jeunes (notamment ici via les remarques que le défunt mari de Hanayo pouvait lui faire sur son hobby), c'est dans une atmosphère bienveillante et lumineuse que la mangaka montre qu'il n'y a pas d'âge pour se faire belle… ni pour tomber amoureuse.

Derrière le cadre des cosmétiques, le message d'émancipation proposé par schwinn se veut aussi nuancé que réfléchit, et passant par plusieurs autres points forts dont le premier résulte d'une volonté de Hanayo: s'il est désormais question pour elle de vivre une deuxième vie plus en adéquation avec elle-même, il n'est pas pour autant question de renier sa première vie et de cracher dessus, et sur ce point il y a une belle symbolique à retirer de son âge avancé: bien qu'aimant les cosmétiques, son désir n'est aucunement de dissimuler ses rides, car celles-ci racontent toute son histoire. Mieux encore, la mangaka utilise très intelligemment la jeune Riko, la petite-fille étant la première à pousser sa grand-mère dans sa nouvelle vie et à la soutenir. Mais plus encore, l'âge avancé des héroïnes est intelligemment exploité par l'autrice pour offrir, au travers d'une narration fine jouant sur quelques souvenirs et flashbacks, un certain regard sur la manière dont la société a pu évoluer, au fil de plusieurs décennies vécues par Hanayo, dans la place accordée aux femmes. Ainsi, sans être volontairement méchant, le défunt époux de Hanayo était un exemple parfait de figure masculine à l'ancienne, réduisant sa femme aux tâches ménagères, lui reprochant ses sorties et ses passions au point d'étouffer celles-ci... Ainsi, après avoir vécu pendant des décennies en pensant n'avoir pas d'autre choix de vie, il y a une grand plaisir attentionné à voir Hanayo revivre, apprendre à être sincère envers elle-même, et même assumer désormais son attrait pour les femmes qu'elle a toujours contenu car inconsciemment elle le pensait impossible à vivre. A terme, la libre Yoshiko, qui l'attire incontestablement, devrait alors chambouler toujours plus sa vie, dans un contexte où suit aussi avec intérêt leur lente découverte mutuelle, leur background et leur passé qui s'enrichit, ainsi que leur entourage qui ne manque jamais d'être inspirant (on a déjà parlé de Riko, mais on peut aussi donner une mention spéciale à madame Nishikawa qui semble s'éclater à la batterie).

Difficile, alors, de résister à ce premier volume qui voit l'autrice aborder des sujets variés, beaux et forts avec beaucoup de nuances et de réalisme, mais aussi avec une infinie douceur et une ambiance lumineuse que le dessin rend très bien: les designs dégagent une élégance et une légèreté sans pour autant que schwinn néglige les rides de ses héroïnes, les cadrages amènent un rythme posé délectable, les nombreuses expressions faciales de Hanayo sont autant de témoins de la façon dont elle revit...

Et pour parfaire la tableau, l'édition française est impeccable, entre un jaquette fidèle à l'originale japonaise, un logo-titre bien pensé par Kevin Druelle d'Oshino Studio, un lettrage soignée de Raf, une traduction tout en clarté et en douceur de la part de Blanche Delaborde, la présence de quatre jolies premières pages en couleurs sur papier glacé, un papier assez épais, souple et opaque, et une impression de bonne qualité.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction