Fleuristes du coin de la rue (les) - Actualité manga
Fleuristes du coin de la rue (les) - Manga

Fleuristes du coin de la rue (les) : Critiques

Machikado Hana da Yori

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 25 Août 2023

Cela faisait bien trop longtemps, depuis la parution du deuxième et dernier volume de Dans un recoin de ce monde en novembre 2013 (et exception faite d'un coffret ayant regroupé les deux tomes de cette série en septembre 2017), que nous n'avions plus rien eu de la part de l'excellente Fumiyo Kouno en France, cela ayant été dû en grande partie au changement d'éditeur de l'autrice au Japon: celle-ci s'est en effet séparée de son éditeur historique Futabasha il y a quelques années pour rejoindre les éditions Coamix, ce qui a mis fin à tous les contrats et empêché la réimpression de ses titres en France. Mais cette triste situation a ouvert la voie à de nouvelles opportunités et a permis à la mangaka de repenser la charte graphique de ses rééditions, en apportant des améliorations à chaque nouveau tome via l'ajout de plusieurs suppléments inédits qui n'étaient pas présents dans les anciennes éditions. Ainsi, c'est en grandes pompes que cette artiste essentielle fait enfin son retour dans notre pays en cette fin août, toujours au sein de la collection Made In des éditions Kana, avec d'un côté une nouvelle édition enrichie de l'un de ses mangas les plus réputés, Le Pays des Cerisiers (qui fut la toute première publication française de Kouno en 2006), et de l'autre côté l'ouvrage d'environ 170 pages qui nous intéresse ici: Les Fleuristes du coin de la rue, un titre jusque-là inédit dans notre pays. Et si, pour notre plus grande joie, Kana annonce d'ores et déjà que plusieurs autres mangas de Fumiyo Kouno suivront en France prochainement, marquer son retour par la publication des Fleuristes du coin de la rue semble particulièrement logique puisque cette oeuvre, lancée au Japon en 1995, fut la toute première série professionnelle de la mangaka.

Sorti pour la première fois au Japon en volume broché en mars 2007 sous le nom Machikado Hana da Yori, Les Fleuristes du coin de la rue se présente en réalité plus comme un recueil d'histoires diverses, dont celle qui donne son nom à l'ouvrage se divise elle-même en deux grandes parties qui ont été dessinées par la mangaka à huit années d'intervalle, la première du livre (la version Hiwa) étant en réalité la plus récente des deux tandis que la deuxième (la version Akashi) est la plus ancienne (et est donc le vrai tout premier manga professionnelle de Kouno). Dans chacune des deux, on y découvre une jeune femme différente qui, pour une certaine raison, en vient à travailler dans la boutique d'une fleuriste de quartier, Urara. Rin Shimizu s'est retrouvée licenciée de son travail d'employée de bureau sur un malentendu, tandis que Rin Kiyokawa a quitté son job après avoir eu une relation adultère avec son supérieur. leurs histoires ont beau être séparées de quelques années et elles ont beau être deux femmes différentes, quelque part elles sont donc, en quelque sorte, unies par leur travail auprès d'Urara, dont le nom de famille est donc Hiwa dans une version et Akashi dans l'autre. Mais quelles que soient ces petites différences, dans l'esprit de Fumiyo Kouno ces version suivent une même idée claire, où chaque petit chapitre offre un nouvel instant du quotidien de ce magasin de fleurs où, petit à petit, on se laisse conquérir par Urara en même temps que ses employées. Véritable passionnée voire dingue des fleurs (au point de considérer un vieil arbre élégant comme son confident), cette fleuriste pourrait régulièrement passer pour une hurluberlue, mais c'est sans compter tout ce qu'elle dégage au fil des pages en la rendant indéniablement attachante et apaisante: un authentique amour simple pour son travail, qu'elle effectue au jour le jour toujours avec un doux sourire et un entrain presque candides, ce qui fait un bien fou. On retrouve déjà ici, alors, l'une des marques de fabrique de l'autrice, avec son goût pour croquer des personnages principaux ayant quelque chose d'infiniment doux, tout en simplicité. Et cette douceur était, déjà à ses débuts de carrière, parfaitement souligné par un dessin rond, lui aussi tout en douceur, qui a très peu changé au fil des années et qui reste indémodable, plus encore quand s'y ajoutent nombre de décors "faits main" vraiment ravissants. Mais derrière ces instants du quotidien que Kouno aime tant croquer depuis toujours dans sa carrière, la mangaka n'oublie pas de souligner bien d'autres choses. Ainsi, ce travail au jour le jour, au gré des clients, permet de voir Urara s'immiscer, grâce à ses fleurs, dans la vie de nombre de clients, discrètement mais en apportant souvent du bonheur, que ce soit pour de grandes occasions (mariage, Noël...), pour des moments heureux plus anodins (le simple plaisir d'offrir des fleurs à la personne qu'on aime en passant devant la boutique) ou pour réconforter des coeurs (en cas de maladie d'un proche par exemple). Par certains aspects, ce sont aussi les trois héroïnes qui se dévoilent par petites touches à force de se côtoyer). Et bien sûr, Kouno n'oublie pas de mettre en valeur nombre d'espèces de fleurs en elles-mêmes, en évoquant leurs vertus ou leur symbolique dans le langage des fleurs.

Entre les deux parties toutes douces des Fleuristes du coin de la rue s'en trouve une troisième, n'ayant aucun rapport avec l'oeuvre principale du recueil. Cette partie-là se compose d'une poignée d'histoires courtes voire très courtes, avec deux brefs chapitres quasiment muets (et où tout coule pourtant de source dans leur compréhension) ayant servi de pilotes au manga Une longue route (paru en France en 2011, et qui sera probablement réédité ultérieurement), deux autres récits initialement sortis en auto-publication au Japon, et enfin deux dernières histoires courtes conçues par Kouno pendant ses premières années de carrière professionnelle. On y retiendra notamment "Moi, Bibi!", mignonne histoire d'un libraire souvent dans ses pensées qui aimerait trouver un moyen de se rapprocher d'une belle cliente qui l'intéresse (jusqu'à devenir, soudainement, un de ces héros du quotidien que l'autrice adore), "Tout ce que je souhaite" où une chienne voit son voeu de devenir humaine exaucé la nuit de Noël (avec à la clé quelques situations comiques et une belle mise en avant de l'amour du chien pour son maître et vice versa), et "Nono" où une employée réputée pour toujours rester neutre apprend à sourire au fil d'une amourette, quand bien même celle-ci est vouée à ne pas durer.

De par le format de ce recueil, il va de soi que tout n'est pas égal. Néanmoins, découvrir tous ces récits, souvent issus des premières années de carrière de Kouno, a de quoi charmer, que ce soit simplement pour la douceur de la mangaka et son talent pour mettre en lumière des moments de vie simples avec juste une petite pointe de fantaisie, ou pour découvrir les premiers travaux d'une artiste qui posait alors déjà avec beauté les marques de fabrique de son style. Qui plus est, une assez longue postface écrite par la mangaka en février 2007 vient pas mal enrichir la lecture, et l'édition française est tout à fait correcte avec son grand format, son papier certes un peu transparent mais assez souple, son impression de bonne qualité, et sa traduction suffisamment soignée de la part de Misato Raillard malgré quelques tournures de phrase peu naturelles.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs