En proie au silence Vol.8 - Actualité manga
En proie au silence Vol.8 - Manga

En proie au silence Vol.8 : Critiques

Sensei no Shiroi Uso

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 28 Octobre 2021

Chronique 2 :

Comme chaque jour, Misuzu part pour le lycée afin de donner ses cours. Mais dans sa classe, tandis qu'elle énonce oralement un texte comme à l'accoutumée, il y a quelque chose d'un peu différent: des messes-basses qui commencent à courir sur elle. Et pour cause: Misakana a fini par publier la photo qu'elle a prise et affichant l'enseignante dans un café, en train de tenir les mains de son élève Niizuma. Et la direction de l'établissement scolaire a beau décider de passer sous silence l'affaire, les deux principaux concernés devront forcément se frotter malgré tout au problème, de front, quitte à enfin parler franchement.

Dans un début de volume qui est donc marqué par cette affaire de la photo, Akane Torikai évite fort heureusement de tomber dans les pièges classiques à base de sensationnalisme trop prégnant: la mangaka veut conserver un ton réaliste voir assez pudique dans sa démarche, et cela passe beaucoup par des choix narratifs jouant entre présent et passé proche, afin de mieux sonder le fond de ses trois personnages concernés, à savoir celle qui a dévoilé la photo et les deux personnes qu'on y voit. Ainsi, même si Misakana est peut-être le seul personnage sur qui il manque un petit quelque chose à l'issue de la lecture (son contexte familial, finalement, n'a été qu'entraperçu dans l'un des tomes précédents, mais n'a pas d'impact ici alors qu'il semblait peu idéal), sa confrontation passée sur le toit avec Niizuma nous permet de voir une adolescente qui sait qu'elle a déconné sur base de son amour, tandis que les instants dans le présent nous laissent voir une jeune fille un peu plus directe et qui, à l'arrivée, sera l'une de celles qui poussera Misuzu à être enfin franche. Quant à Misuzu et Niizuma eux-mêmes, leur parcours, leurs doutes vis-à-vis de ce qu'ils ont traversé en s'étant tous deux fait "voler" leur corps, trouvent un véritable point culminant abouti dans le discours sincère que la jeune femme osera enfin effectuer lors de la cérémonie de fin de trimestre en répondant aux rumeurs que l'école voulait passer sous silence... Mais de silence, il n'y aura plus pour notre héroïne: elle s'est tue bien trop longtemps pour les raisons que l'on sait suite aux volumes précédents qui ont bien sondé son état d'esprit, mais sait désormais que le silence n'est jamais la bonne solution face à des actes comme ceux de Hayafuji, et qu'il faut oser parer, élever la voix même si la douleur psychologique et physique est là.

Et Hayafuji, justement, que devient-il ? Eh bien, l'odieux personnage est désormais au plus mal. Alors même que sa fiancée Minako approche du terme de son accouchement à l'hôpital, lui se laisse dépérir, est devenu amorphe, ne va plus travailler, et semble même très proche de commettre l'irréparable... Akane Torikai nous étonnerait alors presque en offrant un petit flashback sur son adolescence et sur sa première fois avec une fille, flashback qui semble surtout cristalliser rapidement les origines de ses dérives: un certain égoïsme, un incapacité malheureusement très contemporaine à s'intéresser à autrui, une vision des femmes altérée par le porno ou par les remarques des potes... bref, autant de petits problèmes de société que l'autrice évoque intelligemment. Et finalement, tandis que Hayafuji sombre, c'est bien Minako qui, de son côté, brille à l'approche de son accouchement. La jeune femme apparaît forte comme jamais, affirme ses choix/décisions y compris face à sa mère (et même si ses choix pourront être sujets à débats, l'important est qu'elle les a faits elle-même), impose toute sa vision des choses comme un véritable exutoire face à Hayafuji dans un moment à la mise en scène impeccable (la faiblesse et le côté pathétique de Hayafuji transparaissant dans les vues en plongée sur lui, tandis que la force de Minako est mise en valeur par les contreplongées sur elle).

Achever une série telle qu'En proie au silence n'était pas forcément chose évidente, mais Akane Torikai s'en tire très, très bien, jusque dans son final réaliste et bourré de sens, entre les nouveaux choix d'avenir importants de Misuzu pour désormais parler toujours plus de choses aussi essentielles que le corps et le sexe, et le besoin de reconstruction qui se poursuit pour les personnages avec une ouverture clairement optimiste. La mangaka a assurément livré ici une oeuvre importante, et on a déjà hâte de la retrouver prochainement chez Akata, l'éditeur annonçant d'ores et déjà, à la toute fin de ce tome, l'acquisition de sa dernière série en date, Saturn Return.


Chronique 1 :

Au lycée, les élèves ne parlent plus que d'une chose : De la photo présentant Niizuma et Misuzu, main dans la main dans un café, partagée massivement par Kana. Les ragots vont bon train, et le personnel de l'établissement veut absolument passer l'affaire sous silence. De leur côté, Niizuma et Misuzu ne pourront éternellement détourner les yeux de cette affaire. Quant à Minako, dont la grossesse approche de la fin, elle décide de prendre les choses en mains vis à vis de son abject compagnon, Hayafuji.

Conclure une série telle que En Proie au Silence est chose délicate. Par une intrigue comptant une belle poignée de personnages, tous garni de remords, doutes, colères et autres émotions fortes, Akane Torikai a brassé bon nombre de sujets, qu'ils soient sociétaux ou tout simplement humains. Les rapports hommes/femmes sont au centre de la série depuis le début, le récit dénonçant les violences sexuelles, mais l'ensemble a pris une complexité autre par ses rapports entre des personnages solides, emplis de contradiction, et dont les comportements et/ou erreurs ont abouti à la fin du précédent volume.

Pourtant, Akane Torikai ne traite pas le fameux événement, celui de la fuite de la photo du couple entre la professeure et son élève, avec de grands élans dramatiques. La tournure est beaucoup plus pudique dans son traitement, puisque ce sont surtout les trois figures concernées qui se confrontent ou qui font face au regard d'autrui. Par des jeux de narration et de mise en scène, la mangaka pousse peu à peu cette intrigue vers son point culminant, via un message simple, celui de l'Amour. La série peut-elle se conclure sur une idée aussi élémentaire ?

Pas vraiment, puisque c'est peu à peu que ce dernier tome va amener une fin particulièrement complète, en ce recentrant sur ses figures principales. On pense à Misuzu et Niizuma dont la relation est portée à terme, l'autrice évitant alors des écueils moralement répréhensibles, mais aussi à Minako et l'odieux Hayafuji. L'artiste nous piègera même par un nouveau développement de l'antagoniste à la vision totalement distordue de la société et de la réalité, mais finalisera cet aspect par une séquence forte, symbole de véritable catharsis tant pour les personnages que pour le lectorat. Une tournure inévitable mais qui permet de mettre en relief les derniers messages de la mangaka concernant les violences sexuelles. Hayafuji ne sera pas pardonné, en aucun cas, la punition l'attendant tandis que les victimes peuvent parler et se reconstruire. Chacun sera juge concernant certaines destinées, dont celle de Minako qui pourra être sujet à débat, mais c'est bien une finalité positive pour les personnages qui nous est offerte. Ce dont ils avaient besoin, le lecteur aussi, et probablement les personnes ayant vécu des drames similaires.

Et par l'aspect reconstruction, En Proie au Silence se permet un épilogue posé et tourné vers l'avenir. Un avenir non pas radieux et utopique, mais juste et qui donne l'opportunité à ses personnages de vivre et de sortir de leurs tourments. La conclusion est à l'image de la couverture, écho à celle du second tome, mais présentant cette fois une Misuzu plus sereine et ouverte. On espère en tous cas que les éditions Akata ne s'arrêteront pas en si bon chemin, et nous proposeront les autres œuvres de cette autrice qui a des messages forts à exprimer, et des intrigues humaines à narrer.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.75 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs