Chateau solitaire dans le miroir (le) Vol.1 : Critiques

Kagami no Kojô

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 05 Septembre 2023

Depuis le mois de mai dernier, les éditions nobi nobi! nous proposent de découvrir en langue française le manga Le château solitaire dans le miroi. A l'origine de celui-ci, on trouve un roman écrit par Mizuki Tsujimura et publié par Poplar Publishing en mai 2017 sous le titre "Kagami no kojô". Ce dernier deviendra rapidement un véritable best-seller avec plus d’un million d’exemplaires vendus, remportant au passage plusieurs distinctions, dont le prestigieux Japan Bookseller’s Award. Et en France, il est édité par Milan depuis septembre 2022. Ce roman a donc ensuite fait l'objet de deux adaptations, la première en un manga illustré par Tomo Taketomi qui fut prépublié au Japon entre 2019 et 2022 dans le magazine Ultra Jump des éditions Shûeisha pour un total de 5 tomes, et la deuxième en un film d'animation réalisé par l'illustre Keiichi Hara, produit par le studio A-1 Pictures en décembre 2022 et sortant dans les salles française cette semaine.

Cette oeuvre nous immisce auprès de Kokoro Anzai, une collégienne qui se décrit elle-même comme n'ayant rien de spécial, n'étant particulièrement sportive ni intelligente. Mais de collégienne, la jeune fille n'en a que le nom, car voici un long moment qu'elle est incapable de mettre le moindre pied dans son établissement scolaire, ayant systématiquement mal au ventre le matin en songeant à s'y rendre, au grand dam de sa mère qui tâche de ne pas la blâmer pour ça et qui l'a alors inscrite dans un institut de soutien éducatif pour mineurs, car l'éducation reste une obligation. Le fait est que la jeune fille ne se sent aucunement à sa place là-bas, ce qui suscite un peu l'incompréhension de l'entourage puisqu'elle ne se livre pas là-dessus. Mais un matin, alors qu’elle s’apprête à passer une énième journée enfermée dans sa chambre, de la lumière émane de son miroir. En le traversant, elle découvre de l’autre côté un mystérieux château où se trouvent aussi six autres collégiens qui ont tous été conviés là par une étrange hôte, "Mademoiselle Loup". Dans ses règles, ce château ressemble un peu au collège: ses horaires d'ouverture vont de 9h du matin à 17h, et il fermera ses portes le 31 mars comme le ferait un collège japonais à la fin de l'année scolaire. Ces 7 collégiens ont donc un peu de temps pour résoudre un énigmatique jeu: trouver une clé qui permettra à son possesseur de réaliser son souhait...

Assez vite dans ce récit aux atours surnaturels, on est certes amené à suivre les premiers pas de Kokoro dans ce cadre à la rencontre des 6 autres adolescents, mais on comprend surtout que le récit décortiquera un sujet bien délicat, à savoir celui de la phobie scolaire. Evidemment, à l'image de Kokoro, on se demande pourquoi ces collégiens sont dans ce château au lieu d'être dans leur établissement scolaire, ce qui devrait petit à petit amener tout un propos sur leurs raisons de fuir l'école, car il est certain que chacun a ses propres raisons et donc sa propre histoire. Et tandis que chacun de ces jeunes intrigue assez facilement et dévoile une personnalité propre, la première que l'on découvre en profondeur n'est autre que notre héroïne, dont le parcours difficile au collège amène déjà des sujets très sérieux entre les castes de popularité, la façon dont le troupeau peut suivre la personne la plus populaire, et le harcèlement qui peut en découler. Mais ce qui ressort aussi de cela, à travers la pauvre Kokoro, c'est la difficulté de sortir du silence pour se confier, encore plus quand on a le sentiment que notre entourage ne cherche pas à vraiment comprendre. La jeune fille saura-t-elle, alors, faire le premier pas pour parler de sa profonde détresse ?

En réponse à cette question, le quotidien au château va évidemment avoir un rôle important, dans la mesure où ce lieu, bien qu'il réponde à certains critères identiques à ceux d'une école, permet à Kokoro de rencontrer des adolescents que l'on devine dans la même situation qu'elle. Au départ, elle voit ce château comme un endroit angoissant où elle doit aller par obligation, à l'image du collège et de l'institut. Mais en essayant de bien s'entendre avec les autres filles entre autres, peut-être que les choses pourront commencer à changer pour elle...

"Je ne peux pas aller au collège. Et je ne me sens plus en sécurité chez moi. Je n'ai que ce château."

Pour porter le fond pertinent de cette histoire, on peut assurément compter sur le travail visuel de Tomo Taketomi, une mangaka qui nous avait justement bluffés pour sa grande sensibilité à fleur de peau dans l'excellent Evil Heart, manga paru en France aux éditions Kana entre 2006 et 2011. Derrière des décors assez classiques mais soignés (même si l'on aurait imaginé un peu plus de folie dans le rendu du château), la dessinatrice joue surtout sur une mise en scène assez épurée, sans trop de fioritures, permettant de mettre en valeur toute l'expressivité et la sensibilité de ses personnages, ce qui colle impeccablement à l'histoire.

Avec, en prime, une très bonne qualité d'édition (jaquette proche de l'originale nippone et doté d'éléments avec vernis sélectif, papier souple et assez épais permettant une bonne impression, traduction bien dans le ton de Claire Olivier, et lettrage soigné), ce premier volume interpelle facilement grâce à son idée d'utiliser une petite part de fantastique pour mieux approfondir la dure réalité de la phobie scolaire.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction