Après la pluie Vol.1 - Actualité manga
Après la pluie Vol.1 - Manga

Après la pluie Vol.1 : Critiques

Koi ha ameagari no youni

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 26 Juillet 2017

Critique 1

Lycéenne de 18 ans dans un établissement de Yokohama, Akira Tachibana travaille après les cours dans un restaurant familial faisant partie d'une chaine. Rien de très original, hormis une chose : secrètement, elle est amoureuse du gérant du restaurant, Masami Kondô, qui a 27 ans de plus qu'elle. Au jour le jour, entre les cours et son job, elle gère cette attirance en restant introvertie... mais combien de temps encore pourra-t-elle garder cela pour elle ? Et d'abord, pour quelle raison s'est-elle entichée de cet homme de 45 ans, qui en apparence n'a pas grand-chose pour lui ?

De son nom original Koi wa Ameagari no You ni, Après la pluie est la nouvelle tranche de vie des éditions Kana. Première série longue de Jun Mayuzuki, cette oeuvre a commencé en 2014 dans le magazine Big Comic Spirits de Shogakukan avant de passer dans le Gekkan! Spirits, et est toujours en cours. Cette avec une réputation très flatteuse qu'elle arrive en France : 2ème au Comic Natalie Award 2015, 4ème du classement "Kono manga ga sugoi ! 2016" catégorie masculin, 4ème dans le sondage "Manga recommandé par les libraires en 2016" réalisé par la Nippan, et 7ème au prix Manga Taisho 2016, la série connaît au Japon un joli plébiscite critique et public, au point d'être prévue en anime à partir de janvier 2018, et l'on comprend aisément pourquoi à la lecture.

Alors que l'un des éventuels pièges, au vu du pitch de base, était de mal exploiter le sujet délicat de la différence d'âge, Mayuzuki évite totalement les poncifs en nous invitant avant tout à découvrir petit à petit ses personnages, au gré de leur quotidien qui en dit de plus en plus sur eux. Et avec quelle maîtrise ! En effet, le récit se veut très subtil, en esquissant petit à petit la personnalité de ses deux figures principales.
D'un côté, il y a Akira, demoiselle qui s'apprête à peine à sortir de l'adolescence. Grande et jolie, on aurait pu trouver en elle une totale figure d'une jeunesse fraîche, mais la réalité est un peu plus complexe. Plutôt introvertie, elle est souvent maladroite côté sociabilité, impression d'autant plus renforcée que son regard profond et perçant effraie parfois parce qu'elle semble en colère. Mais elle est surtout décalée par rapport aux jeunes de son âge : elle n'utilise pas les logiciels de téléphone à la mode, n'a aucun intérêt pour les garçons populaires de son école, ne capte même pas que l'un d'eux n'arrête pas de lui tourner autour, a des goûts que ses amies trouvent parfois bizarres...et s'est donc secrètement éprise d'un homme d'âge mûr, Masami Kondô. Ce dernier est un quarantenaire tout ce qu'il y a de plus banal : n'ayant pas de grosses ambitions dans son travail où il finira sûrement sans promotion, enchainant platement les excuses auprès des clients, d'apparence négligée... Alors, pourquoi donc Akira s'est-elle mise à ressentir ça pour lui ?

L'une des grandes subtilités du volume est sûrement de souvent dévoiler peu à peu les personnages par des "moyens détournés" : pas par eux directement, mais plutôt par des petits événements (comme un petit sprint d'Akira nous permettant ensuite de mieux cerner une blessure à la cheville qui a fait basculer sa vie), les remarques de l'entourage (par exemple, les employés permettent d'apprendre que Kondô est divorcé), et surtout les différentes observations que tous deux font l'un de l'autre. Akira observe un début de calvitie chez celui qui occupe ses pensées, ou encore une tendance à mal fermer sa braguette. De son côté, Kondô observe aussi cette étrange fille au regard déstabilisant, qui sourit rarement en sa présence, qu'il découvre prévoyante, mais aussi difficile à cerner. Cette façon de faire permet de plonger à merveille aux côtés de ces personnages, et surtout d'Akira, pour les comprendre petit à petit, et pour finir par cerner que les sentiments de la jeune fille ont de bonnes raisons d'exister.

"Ton charme... Je suis la seule à le voir."

A la subtilité narrative se joint la finesse visuelle.
On appréciera en premier lieu la manière très soignée dont Mayuzuki gère sa mise en scène et son découpage des cases. L'artiste semble adorer "découper les mouvements" dans de nombreuses petites scènes où elle garde un même cadre de fond (un arrêt de bus, la salle de classe... dont l'angle de vue ne change pas pendant quelques cases), mais où les choses bougent à leur rythme : un bus qui passe pendant qu'Akira arrive à l'arrêt, un sandwich à croquer, une tête qui se tourne, la classe qui se vide pendant que notre héroïne reste assise... ou sa silhouette qui approche peu à peu de Kondô puis repart dans les impeccables dernières pages du chapitre 7. L'artiste soigne également beaucoup ses angles de vue, variés et souvent bien trouvés pour nous laisser comprendre les choses (comme en page 11, avec la vue de dessus d'Akira qui nous fait comprendre qu'elle regarde Masami, ce dernier étant hors champ).
Dans ses visuels fins, Mayuzuki sait particulièrement mettre en avant ses personnages pour nous plonger au plus près d'eux. Par des gestes, des regards, les dessins expriment à merveille ce qu'Akira ressent et qu'elle contient, et cela passe notamment par une grande importance accordée à ses yeux, qui dégagent beaucoup de choses alors qu'ils sont pourtant souvent délicats à cerner.
Il y a aussi une bonne utilisation des onomatopées, qui font bien ressentir la puissance des sons : par exemple, petites quand un téléphone se contente de vibrer, plus envahissantes quand c'est le réveil de Masami qui sonne...
Tout cela contribue à ancrer le récit dans une atmosphère de tranche de vie réaliste et quelque part assez paisible, où se meuvent des personnages crédibles.

Enfin, les personnages secondaires sont truculents : Yoshizawa le camarade de classe positif, mais malchanceux qui en pince pour Akira, Kubô, une autre employée ronchonne envers Masami, Yui la jeune collègue pimpante, etc. Mayuzuki instaure autour d'Akira et de Masami tout un panel de visages qui animent bien les choses et qui apportent régulièrement une bonne note d'humour.

Au final, c'est une excellente entrée en matière, subtile et délicate, que nous offre Jun Mayuzuki, l'artiste abordant les choses sous le meilleur angle possible. Difficile de ne pas avoir envie de découvrir comment vont évoluer les choses, et ce premier tome étant proposé à un prix de lancement réduit de 5,95€ jusque fin 2017, il y a toutes les bonnes raisons de s'y essayer.

Concernant l'édition française, on note un petit changement d'habitude chez Kana, qui a fait appel à Grafica Veneta pour l'impression. Le papier apparaît fin, mais est en même temps bien souple et très peu transparent, et la qualité d'impression reste correcte et sans encre qui bave. En revanche, la couverture un peu plus rigide altère légèrement la prise en mains. La traduction de Thibaud Desbief est impeccable de finesse, les choix de lettrage sont convaincants, et le sous-titrage des onomatopées s'applique à bien rester fidèle à l'ambiance que celles-ci apportent.


Critique 2

La jeune Akira Tachibana semble figurer parmi les coqueluches du lycée. Gracieuse, réfléchie et sportive, elle n’a rien d’une de ces tristes bimbos écervelées. Alors que les garçons de son âge lui courent après, elle a la tête ailleurs. Masami Kondô, lui, la quarantaine bien trempée, et père de famille célibataire, se veut un gérant de restaurant presque modèle. Un homme mature lambda. Sauf que, et cela fera ici la différence, la lycéenne Tachibana en est énamourée ; même que depuis quelque temps elle travaille pour lui.

Mais que ferait une demoiselle de cet ordre – et pour laquelle les princes et les rois devraient n’être que ses esclaves – aux côtés de cet homme sans envergure ? Voilà une des interrogations qui pourra occuper les méninges du lecteur. Une question qui, certes, défiera toute logique, mais ne pourra parfois être que constaté dans nos sociétés actuelles, et pour raisons diverses plus ou moins convenables, voire contestables. En l’espèce, il y aura vingt-huit années d’âge d’écart : est-ce trop ? Manifestement, c’est beaucoup. Néanmoins, et à la vérité, l’auteur fait tant de merveilles que le jeu opère parfois davantage qu’il n’aurait pu y être cru.

La clef de voute de l’édifice ne sera autre que la muse Akira Tachibana : charme éthéré ; silhouette élancée ; regards d’abîme ; chevelure portée par les vents. Froide et d’apparence inaccessible, elle s’abandonne régulièrement à ses songes. Et, lorsqu’elle s’en vient à penser à ce ou à celui qui requière son attention, un sourire orne parfois son minois de félin intelligent. Un personnage d’une grande beauté porté à son climax par le trait d’un auteur plus que probant : découpage des planches et angles de vue résolument superbes ; mise en scène à l’envolée ; estampes particulièrement évocatrices : un ballet poétique parfois surprenant.

Personne n’est dupe de cette fameuse lubie nipponne, mais il est touché à un des dons du manga, celui de gommer certaines disgrâces. Page après page, ce père de famille – un brin déconnecté des soubresauts du quotidien – interpelle par sa bienveillance paternaliste, ses réactions maladroites et sa gentillesse naturelle. Ses regards d’enfant ébouriffé sont fort drôles. La vision et la considération qu’il peut avoir de lui-même sont à la fois déconcertantes et inénarrables. Un personnage étonnement ridicule mais au combien attachant : le contraste est souvent saisissant. Jun Mayuzuki excelle à dépeindre ces protagonistes plus vrais que nature.

L’édition de la branche « Big » de chez Kana livre une copie d’une facture sobre, très agréable en main. Aucune page couleur. Format assez idéal. La traduction et le lettrage ajoutent à la fluidité du titre. L’ancrage et le papier sont à la fois corrects et trop minimalistes. Une édition standard qui bénéficie d’un prix de lancement pour son premier tome. « Après la pluie » se veut comme la première œuvre de Jun Mayuzuki, laquelle, forte d’un certain succès sur l’archipel, devrait profiter dans peu de temps d’une adaptation animée. A soulever que, et à ce stade, l’édition française propose des couvertures distinctes de l’originale : en lieu et place d’une Tachibana en égérie, cette dernière sera accompagnée de Monsieur Kondo… Les estampes originales sont désormais situées en quatrième de couverture. Ce changement semble peu judicieux d’un point de vue esthétique et sur analyse comparative des trocs opérés ; un zeste dommage…

Ainsi, et dès son premier ouvrage, « Après la pluie » se présenta d’ores-et-déjà comme un seinen romancé des plus brillants. S’il sera pointé du doigt un postulat de base assez discutable, il en sera tout autant difficile de ne point accorder à l’auteur une haute maîtrise de la prestation. Un moment de lecture enchanteur, lequel excellera dans son genre pour n’en devenir que trop rare.

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs