Erased - Actualité anime

Critique de l'anime : Erased

Publiée le Lundi, 04 Avril 2016

La popularité du thriller fantastique de Kei Sanbe n’a cessé d’augmenter ces derniers mois et le manga arrivent à son terme fin 2015, il était presque évident qu’un anime voit le jour. Sans grande surprise, on retrouve le studio A-1 Pictures derrière le projet, célèbre groupe spécialisé dans les adaptations d’anime conçues sur un nombre précis d’épisodes (à quelques rares exceptions près) et s’attaquant régulièrement à de grands titres, Fairy Tail et Blue Exorcist pour ne citer qu’eux. Mais cette fois, l’audace du studio d’animation est forte et comme cela a été le cas sur Your Lie in April début 2015, il s’agissait aussi de condenser l’intégralité de l’histoire imaginée par Kei Sanbe en respectant la fin du manga qui n’avait pas encore été publiée lorsque le premier épisode a été diffusé.


Évidemment, la prépublication de la version papier est arrivée à son terme juste avant la conclusion de l’anime, lui laissant l’exclusivité de l’épilogue, mais la monture audiovisuelle est bel et bien achevée avant parution du premier volume. Toutefois, comment retranscrire une série à la narration et l’ambiance si particulière qu’Erased ? De plus, adapter huit tomes en seulement douze épisodes tout en restant fidèle apparaît comme un pari risqué. Et si la première moitié de l’anime est impeccable à ce sujet, c’est bien les derniers moments de l’adaptation qui, en prenant le parti d’être plus originaux, perdent toute la saveur du manga…



En l’an 2006, Fujinuma Satoru rêve de devenir mangaka mais peine dans l’accomplissement de son projet. Afin de subvenir à ses besoins, il occupe un poste de livreur de pizza et côtoie la jolie Airi, plus jeune que lui mais avec laquelle il lui arrive d’être complice. Vivant son quotidien sans réelle illusion et bercé par la monotonie de son existence, Fujinuma est pourtant doté d’un pouvoir extraordinaire : lorsqu’un accident est sur le point de se produire autour de lui, le temps se « rembobine » et ce autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que le héros puisse corriger le drame à venir.


Après avoir empêché un enfant de se faire renverser par un camion grâce à son pouvoir, Satoru atterrit à l’hôpital, occasion pour sa mère de lui rendre une petite visite. A sa sortie, le pouvoir du héros se remet en marche mais sans raison apparente, alors que le fils et la mère sortent d’un supermarché… Ceci n’est que les prémices d’évènements bien plus importants car le passé de Fujinuma, voire de l’ensemble de sa ville natale, resurgit en même temps qu’une affaire de meurtres. Faire face à son passé, regagner le temps perdu, obtenir et offrir un avenir meilleur… La succession d’évènements graves autour de Satoru vont lui permettre de renouer avec une période perdue et de corriger ce qui a fait de lui un être si désabusé.



Il est difficile de parler des véritables enjeux d’Erased sans spoiler intégralement le premier épisode et la surprise qui attend le spectateur lors de son dénouement. Néanmoins, nous pouvons très bien évoquer les qualités de l’anime tout en laissant la surprise intacte. L’œuvre de Kei Sanbe et son adaptation s’ancrent dans la catégorie du thriller fantastique. Sommairement, on pourrait résumer la série à comment Satoru va déjouer les projets d’un meurtrier en série ciblant les enfants, mais le scénario va évidemment bien au-delà de ce simple pitch. Dans Erased, il est question d’enquête, de bonds dans le temps, et surtout de vie. Plus que l’enquête menée par Satoru, bien que passionnante par son évolution et les répercussions tout le long de la série, c’est le développements d’une flopée de personnage que le titre nous permet de suivre. L’idée, telle qu’elle est contée dans le synopsis, est de rattraper le temps perdu et ce de différentes manières. Pour le héros, il s’agit de mettre un terme à des meurtres qui ont eu un impact indirect sur sa vie et ainsi croquer cette existence à pleine dents, ne pas être l’être vide tel que nous le voyons dans le tout premier épisode. Il y a aussi une dimension sociale dans la série, ceci grâce aux liens noués par le héros et ses camarades scolaires. Ce n’est d’ailleurs pas que Satoru qui progresse grâce à l’importance des amitiés nouées, mais bien plusieurs figures dont l’attachante Kayo, enfant solitaire au début de l’œuvre mais qui s’attire à chaque fois un peu plus la sympathie du spectateur grâce (ou à cause de) sa situation familiale et la manière dont elle percevra le bonheur.


L’enquête elle-même n’est pas narrée comme une histoire policière peut l’être. Nous ne voyons jamais le coupable jusqu’au dernier acte de la série et l’investigation menée par Satoru prend des allures de jeu entre enfant. Une double vision de l’histoire est alors apportée et à ce titre, la narration est originale en plus d’être bien menée. Difficile d’en dire plus pour ne pas trop révéler l’intrigue, mais ce sont bien deux Satoru que nous suivons, deux personnalités qui, bien qu’il s’agisse de la même personne, représentent deux héros différents : l’un à l’existence vide, observant presque celui qui cherche à réparer ses erreurs et trouver un sens à sa vie. Le titre original d’Erased est « Boku Dake ga Inai Machi », littéralement « la ville d’où j’ai disparu ». Le nom japonais de l’œuvre lui donne alors tout son sens car c’est bien de cet instant qu’autrefois, Satoru a disparu pour devenir un être transparent, et c’est ici que ses regrets pourraient aussi disparaître.


L’anime est l’adaptation du manga en huit tomes de Kei Sanbe, encore en cours dans l’hexagone au moment où ces lignes sont écrites. Ainsi, nous n’avons pas encore une vision globale de la série dans sa qualité d’œuvre adaptée, mais nous en savons déjà assez pour nourrir une réflexion sur les choix faits par Taku Kishimoto, le scénariste de la série que nous connaissons pour son travail sur Silver Spoon et sa remarquable écriture des épisodes de Haikyû !!. Et au terme de notre visionnage, on a l’amère impression que ce dernier a cherché à être trop proche du support d’origine sur les premiers épisodes et, rattrapé par le peu de temps qui lui restait, a dû aller à l’essentiel sur les derniers moments de l’histoire, un peu trop même. Ainsi, la fidélité est très présente au départ, et ce malgré quelques modifications qui entraînent rapidement les doutes du spectateur quant à l’identité du meurtrier. Mais hormis cela, l’anime reste proche du manga, jusqu’à l’épisode 8 environ où les événements s’accélèrent, beaucoup très vite à partir de l’épisode 10, moment où la série commence à passer du coq à l’âne, évinçant de nombreux passages du manga. Et malheureusement, ce sont des séquences clefs qui y passent, des instants forts autour de certains personnages, l’un d’entre eux expliquant tout simplement le passé et la psychologie de l’assassin, rien que ça. Cela se répercute forcément sur la conclusion qui, bien qu’excellente et belle, manque d’approfondissement et de consistance en plus d’éclipser complètement un personnage très important pour Satoru, véritable symbole de sa volonté. Plus qu’une vision, Taku Kishimoto n’a simplement pas fait les bons choix pour donner aux derniers moments de l’œuvre sa profondeur, et c’est forcément sur le format papier qu’on souhaite que le scénario se rattrape.



Mais alors, Erased est-il un pétard mouillé, une histoire passionnante et bien construite au premier abord qui n’a pas su maîtriser sa fin dans le format animé, au point de devenir une œuvre médiocre ? Loin de là car heureusement, et ce même dans le dernier épisode, les qualités techniques de la série associées au talent du réalisateur Tomohiko Ito font des merveilles. Ce dernier a pour mérite de savoir présenter la double narration de la série, véritable point fort et de nous conter Erased comme un film nostalgie, sentiment dominant chez Satoru. Les choix d’adaptation ne dépendent pas de lui mais sa mise en scène sait se montrer efficace, ne cherchant pas systématiquement à copier/coller le manga mais projetant bien de le retranscrire sur le plan audiovisuel. Et pour comprendre et retranscrire toute cette atmosphère, qui est autant celle du réalisateur que du manga, comment ne pas faire appel à une artiste habituée aux belles mélodies ? Yuki Kajiura, bien connu pour les musiques de la saga .hack, Sword Art Online et Noir pour ne citer que ces séries, dépeint à merveille cette ambiance de mélancolie qui teinte les cœurs de Satoru, de Kayo, et de bien d’autres personnages. « Regretter le passé », voilà une simple idée qu’on ressent de manière vive à l’écoute des mélodies, ces dernières résonnent alors avec de grands moments, souvent émouvants, que peuvent proposer l’anime. Rares sont les bandes originales qui permettent à une série de briller autant, celle d’Erased est l’une d’elles.


Il est d’ailleurs tout à fait intéressant de noter que l’anime adaptant l’œuvre de Kei Sanbe n’a peut-être pas dit son dernier mot, mais tout ça reste de l’ordre de l’hypothèse. Entre les moments du manga non retranscrits en anime et les deux spin-off qui s’apprêtent à naître autour de la saga, on peut penser que de nouveaux segments de l’anime sont aussi à l’ordre du jour. Ce serait d’ailleurs une aubaine pour celui-ci afin de combler ses lacunes, donner de l’épaisseur du récit quand celui-ci s’est montré trop précipité, et rendre honneur à des personnages bien mieux mis en avant et décortiqués dans le manga.



Erased est l’un de ces anime saisonniers qui a jouit d’une importante popularité et le simulcast de Wakanim en a peut-être fait l’une des séries d’animation les plus suivies de l’hiver 2016. A juste titre d’ailleurs car sur ses débuts, l’adaptation a su enthousiasmer autant les fervents adeptes du manga de Kei Sanbe que ceux qui découvraient l’histoire. Malheureusement, douze épisodes est un format beaucoup trop court pour un manga si riche dont chaque chapitre apporte sa pierre à l’édifice pour un récit développé, s’appuyant sur des personnages complexes. L’anime Erased aurait pu être bien plus que ça, c’est pourquoi les derniers épisodes mitigent au plus haut point. Fort heureusement, il se défend grâce à ses qualités techniques et sa superbe bande-originale. La série demeure alors tout à fait divertissante et de bonne facture, mais il lui manque bien des éléments pour être irréprochable.
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato

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