Beastars - Saison 1 - Actualité anime
Beastars - Saison 1 - Anime

Beastars - Saison 1 : Critiques

Critique de l'anime : Beastars - Saison 1

Publiée le Mercredi, 21 Juillet 2021

Chronique 2 :

Beastars est une œuvre dont la montée fut croissante. Lors de sa parution au Japon, le titre de Paru Itagaki suscita bien des intérêts, au point de remporter certains titres comme la meilleure nouveauté au Prix culturel Osamu Tezuka de 2018, ou le Manga Taisho Award de la même année. De notre côté, il était difficile de ne pas développer une fascination pour ce titre présentant une monde d'animaux anthropomorphes. L'arrivée du manga chez nous, début 2019, se fit en grandes pompes, avec présence de la mangaka au Festival International de la Bande-Dessinée d'Angoulême, tandis que les premiers volumes n'ont pas mis longtemps à convaincre.

Beastars, le manga, était un succès à grande échelle, si bien qu'une adaptation animée était envisageable, et ce bien que l'œuvre de Paru Itagaki affichent une esthétique et un parti pris originaux. L'idée fut concrétisée à l'automne 2019 avec une première saison de 12 épisodes produite par le studio Orange. Ce dernier avait déjà contribué à bon nombre de projets et montra son utilisation de la 3D avec l'anime L'Ere des Cristaux, et c'est ce choix qui est réitéré pour transposer le manga animalier. Une décision qui pouvait surprendre, mais le résultat a su se montrer convaincant en terme de choix d'adaptation purs, comme nous le verrons plus tard.


Le staff est assez intéressant à décortiquer. La série est réalisée par Shinichi Matsumi, un artiste au CV pas forcément étendu mais qui a l'expérience de la variété. Il a œuvré aussi bien sur des séries que sur des longs-métrages, notamment avec le studio Ghibli, ce qui pourrait justifier la dimension très cinématographique de la réalisation (on y reviendra, là aussi). La composition scénaristique est assurée par Nanami Higuchi, dont il s'agit du travail le plus ambitieux à l'heure actuelle. Avant ça, elle est passé sur quelques projets dont une ONA de la licence The Idolm@ster Cinderella Girls, Kill La Kill ou encore Little Witch Academia. On retiendra aussi le character-design de Nao Ootsu, artiste passé sur des postes différents pour les anime Yo-Kai Watch, Gambling School ou L’Ère des Cristaux, ce dernier ayant dû opérer les choix juste pour une modélisation en CGI. Enfin, soulignons la présence de Satoru Kôsaki à la composition musicale. Ce dernier a composé pour plusieurs séries à succès dont la saga « Monogatari », Nisekoi, Monster Strike ainsi que Lucky Star. Un beau casting en ce qui concerne les figures essentielles, dont on note la polyvalence de chacun.

Au Japon, cette première saison de Beastars fut diffusée entre le 10 octobre et le 26 décembre 2019. De notre côté, c'est le 13 mars 2020 que cette première partie de l'anime a débarqué, sur Netflix. Un créneau idéal puisque c'est à cet instant qu'a débuté la crise sanitaire du Covid-19, et par conséquent le premier confinement stricte en France. Pour certains spectateurs, peut-être que la série animée résonnera avec cette période particulière.


Une société animale, un meurtre, une histoire d'amour

A l'instar du manga, Beastars a pour particularité de nous plonger dans une société habitée par des animaux anthropomorphes uniquement. Ce monde est essentiellement scindé en deux catégories : Les carnivores d'un côté, et les herbivores de l'autre. Seulement, un tabou existe : L'interdit de la consommation de viande. Les "carnis" sont ainsi interdits de manger de la chair, ce qui n'empêche pas les "herbis" de les craindre.

Des tensions existent alors dans cette société, et seront renforcées par le tragique événement qui marquera l'institut Cherryton. Tem, un alpaga, est retrouvé mort dans l'enceinte du lycée, ce dernier ayant été dévoré. Il n'en faut pas plus pour placer l'établissement en état d'alerte, et renforcer la scission entre carnivores et herbivores. Grand loup gris, Legoshi est forcément craint des mangeurs de plantes et de légumes. Pourtant, il n'y a pas plus docile que lui. Certes grand, il reste un adolescent timide et un poil introverti. Ce membre du club de théâtre ne ferait pas de mal à une mouche, d'autant plus que Tem était son ami. C'est d'ailleurs pour honorer sa mémoire qu'il approche une autre alpaga pour lui confier les sentiments que Tem éprouvait pour elle.


Pourtant, l'instinct de prédateur de Legoshi le rattrape un jour, quand il croise la route d'une petite lapine en pleine nuit : Haru. A deux doigts de recevoir un coup de croc, elle parvient toutefois à fuir, avant que le loup reprenne ses esprits. Plus tard, Legoshi se retrouve face à face avec Haru, et ne pourra plus la congédier de son esprit. Serait-il possible que le loup soit tombé amoureux de celle qu'il a manqué de croquer ? Une étonnante amitié est sur le point de débuter, tandis que le club de théâtre auquel appartient Legoshi sera sans cesse frappé par les tensions entre les deux types d'animaux.

Une fable sociale, et une tranche de vie sentimentale

Beastars a de quoi interpeller d'entrée de jeu, par son esthétique. Voir une série d'animation japonaise moderne présentant un casting uniquement formé d'animaux humanisés est chose rare, et voir une œuvre assumé à 100% ce parti-pris en terme de construction d'univers l'est encore plus. Né de l'imaginaire de la talentueuse Paru Itagaki, Beastars affirme ses codes d'entrée de jeu, plantant ses dilemmes et les us et coutumes de ce monde anthropomorphe qui intrigue dès les premières minutes. Une amorce envoutante donc et qui prendra totalement le non lecteur du manga par surprise : Car si Beastars débute par un événement macabre, c'est plus globalement la poésie de cet univers, marqué par les relations entre personnages souvent conflictuelles, qui construira l'ADN de cette première saison.

Le meurtre de Tem dans le premier épisode lance des hostilités, mais le grand intérêt de cette première partie de l'histoire vient surtout du parcours de trois personnages distincts : Legoshi, le cerf Louis, et Haru. Trois portraits uniques qui viendront former un triangle amoureux qui confirme qu'au-delà du récit de société, Beastars est aussi une tranche de vie sentimentale adolescente, gravitant autour de personnages jeunes et qui se cherchent. D'une manière globale, ce premier segment de l'intrigue peut être appréhendé de bien des manières. Le caractère social ressortira de manière évident aux yeux de certains, tant il y a de parallèles à faire avec notre propre réalité, malheureusement toujours marquée par la crainte de l'autre et de la différence. Mais à côté, d'autres seront davantage émus par les propositions relationnelles de ces douze premiers épisodes, qu'il s'agisse de l'histoire d'amour entre Legoshi et Haru, ou la rivalité si dense qui marquera le protagoniste et le fier Louis, un personnage on ne peut plus charismatique mais certainement pas infaillible.


Beastars évolue donc sur plusieurs plans, et parvient toujours à tomber juste. L'univers créé par Paru Itagaki, mis en image par les animateurs du studio Orange, trouve sans cesse une forme de légitimité, les concepts de l'univers se répondant sans arrêt et parvenant à marquer les personnages dans chaque situation. L'ensemble se lie avec une solidité indéniable, et c'est ce qui donne une force à la série, que ce soit en terme de scénario ou d'univers. Dans cet ordre d'idées, le récit parvient à justifier les quelques instants de tension sexuelle entre les personnages pour ne pas donner dans le furry. Certes, ce sont des animaux qui échangent entre eux, mais ces figures sont avant tout des jeunes gens en proie à des sentiments et des émotions, avec pour fil rouge l'ode à l'acceptation de l'autre, tout en assumant ses différences. Une idée qui, d'ailleurs, sera sublimée dans l'un des arcs à venir qui fera certainement l'objet de la troisième saison, fraîchement annoncée à l'heure où ces lignes sont écrites.

Du papier à l'écran : Une 3D pertinente et des choix de réalisation audacieux

Le manga Beastars est une expérience scénaristique, mais aussi graphique. Le trait de Paru Itagaki est extrêmement expressif, tandis que la mangaka détaille son casting d'animaux visuellement, par son coup de crayon. Les bêtes qui forment la société dépeinte dans ce manga ne paraissent jamais lisses, notamment parce que le dessin permet d'entrevoir les textures des pelages, les crinières des personnages, voire leurs plumes, leurs peaux ou leurs écailles, selon l'origine de la créature en question. En ce sens, le choix de la CGI pouvait surprendre. Les bandes-annonces montraient un rendu très différent de celui du manga, plus lissé, tandis que les personnages ne présentent pas cette énergie cartoonesque propre au manga de Paru Itagaki. Voilà un véritable choix artistique, une décision d'adaptation qui pouvait faire tiquer les fans. Pour autant, cette première saison de Beastars est justement une excellente adaptation, qui choisit de prendre à contrepied un aspect de l’œuvre d'origine pour narrer cette histoire en exploitant au maximum les techniques sélectionnées.

Shinichi Matsumi est un artiste qui fut assistant réalisateur sur Pompoko et Porco Rosso. Dans sa carrière, il a ainsi pu développer une patte cinématographique qu'on retrouve pleinement dans Beastars, anime dont il détient les rennes. La CGI lui permet d'opter pour des angles de caméra qui retranscrivent souvent la grandeur de cette société animale dans laquelle Legoshi peut faire office de figure au dessus des autres, de par sa qualité de grand loup gris. La forte présence du club de théâtre dans cette première saison permet aussi à l'équipe autour de la série de travailler une théâtralité, ce qui n'a rien d'anodin puisque Beastars est une histoire qui met au cœur les tourments d'adolescents en proie à leurs conditions animales respectives. On pourrait dire que le scénario de Beastars a un côté shakespearien, comme l'atteste l'histoire d'amour entre Legoshi et Haru, celle d'un loup et d'un lapin qui n'a a priori pas lieu d'être. La vision ambitieuse de Shinichi Matsumi est donc raccorde avec le scénario raconté par Paru Itagaki. La CGI permet au staff de croquer l'ambiance confirme au manga d'origine et d'exploiter différemment certaines idées, via des jeux de mises en scène particulièrement bien trouvés. Les exemples sont nombreux, avec en tête un Legoshi dont la bestialité ponctuelle est mise en exergue par des jeux de rouge. La narration se fait parfois moins littéraire, jouant d'effets techniques pour raconter son histoire ou sublimer ses enjeux, une chose difficile à établir sur le support papier.


En ce sens, Beastars est ce qui se rapproche le plus d'une adaptation au sens propre du terme : Loin de vouloir simplement transposer l'œuvre de Paru Itagaki, Shinichi Matsumi en apporte une vision différente en se servant de moyens techniques de manière originale. Il condense parfois le récit mais lui reste fidèle dans la trame, dans les événements et dans l'écriture des personnages, pour en apporter une version audiovisuelle utilisant la technique et la narration comme outils pour narrer différemment cette histoire. Le parti pris de l'anime est audacieux, mais surtout assumé et maitrisé avec maestria.

Pour finir sur les petites prouesses techniques, difficile de ne pas évoquer l'opening marqué par son originalité. Sur l'entrainante chanson Wild Side du groupe ALI, on savoure une chorégraphie aux nuances aussi nombreuses que celle de la série, mettant en scène Haru et Legoshi passant de la relation proie/prédateur à cette amitié teintée d'amour, développée dans la première partie de la série. Le tout non pas animé, mais en stop-motion à l'aide de marionnettes conçues pour l'occasion. L'idée est audacieuse, et aboutit à l'un des génériques les plus frais et dansant de ces dernières années.

Une VF aussi théâtrale que son intrigue

Quand bien même les distributions exclusives via Netflix puissent faire tiquer, il est fréquent que les doublages français aient une certaine qualité, au moins en ce qui concerne la variété de leurs castings. C'est le cas pour cette première saison de Beastars qui propose une panoplie de comédiens fournie, avec quelques têtes peu fréquentes sur l'animation japonaise, ce qui donne à cette adaptation vocale une certaine fraîcheur.

Et en ce qui concerne le qualité des comédiens, il n'y a pas de réelle fausse note à soulever dans ces douze premiers épisodes. Le casting en soi est bon, chaque voix s'accordant très bien au personnage cible, du côté des principaux comme des secondaires.
Concernant le trio phare, c'est Jim Redler qui est appelé sur Legoshi. Le fils du regretté Thierry Redler (qui fut la première voix de Son Gokû adulte) se saisit comme il se doit de ce loupe de base introverti, mais qui se découvrira la bestialité des sentiments. A côté de lui, Diane Kristanek incarne la pétillante Haru, cette petite lapine aussi étonnante que caractérielle. Entendue sur Quand Takagi me taquine (Hojo) et tout récemment sur Jojo's Bizarre Adventure : Golden Wind (Trish Una), la comédienne retranscrit toute la polyvalence du personnage... ce qui est aussi le cas de Stéphane Fourreau sur Louis. Surtout entendu pour le cinéma et les séries télévisées, l'acteur a bien compris les nuances derrière ce fier cerf sont les failles se feront visibles au fil des épisodes. Il lui confère son charisme mais aussi ses faiblesses, preuves de son humanité.


Ce constat pourrait, d'une manière globale, s'étendre aux rôles secondaires qui sonnent globalement juste. Citons alors Franck Sportis sur le bourru Gohin, Alexia Papineschi sur la confiante Juno, ou encore Benjamin Bollen sur le si attachant Jack. Un casting assez varié donc, pas systématique sur l'animation japonaise, et qui se prête très bien à l'exercice de Beastars tant chacun a su croquer l'essence de l'univers de Paru Itagaki. Et parce qu'une VF ne serait pas ce qu'elle est sans un directeur artistique, on saluera les bonnes trouvailles et la direction d'Isabelle LePrince, dont les implications dans l'animation japonaise restaient limitées jusqu'à aujourd'hui.

Vers une deuxième saison aussi séduisante ?

La première partie de Beastars, sur 12 épisodes, vient traiter comme il se doit les relations entre personnages et mener le triangle amoureux de base vers une sorte d'aboutissement. Seulement, le dernier épisode nous laisse aussi sur certaines zones d'ombre, notamment en ce qui concerne Louis, d'autant plus que le meurtre de Tem n'a toujours pas été résolu. Voilà qui laisse le champ libre à un beau programme qui sera traité dans la saison 2, diffusée récemment au Japon, et qui est disponible chez nous sur Netflix depuis quelques jours au moment où nous revenons sur cette première fournée d'épisodes. Alors, pourquoi ne pas reprendre une bouchée de l'univers de Paru Itagaki ?



Chronique 1 :

Lancé en 2016 dans le magazine Shônen Champion des éditions Akita Shôten, aux côtés d'autres shônen assez mûrs et sombres comme Prisonnier Riku ou Magical Girl of the End, Beastars est un manga dont la popularité ne cesse de grimper, chose qui est amplement méritée. Ayant rapidement rencontré un beau succès critique et public dans son pays d'origine, l'oeuvre a été particulièrement auréolée depuis 2017-2018 en se distinguant successivement dans plusieurs récompenses : lauréate du Manga Taishô Award, prix culturel Osamu Tezuka de la meilleure nouveauté, révélation du Japan media Arts Festival, prix Kôdansha du meilleur shônen... Une succession de prouesses qui n'a fait que renforcer la curiosité de nombre de lecteurs hors du Japon, et particulièrement en France où les éditions Ki-oon se sont emparées du titre dès début 2019 en le portant haut et fort, avec pas mal de publicité et la venue de l'autrice Paru Itagaki au FIBD d'Angoulême. Un peu plus d'un an plus tard, le constat est sans appel: en France également, le manga d'Itagaki a acquis une belle notoriété, en remportant ici aussi quelques récompenses, dont notre Tournoi Shônen 2019 il y a quelques semaines.

  

Succès dans plusieurs pays, l'oeuvre ne pouvait donc que connaître, un jour, une adaptation en série animée, et celle-ci a été annoncé dès février 2019, pour une diffusion japonaise du 10 octobre au 26 décembre 2019 dans la case +Ultra de la chaîne Fuji TV ainsi que sur la plateforme Netflix, cette dernière étant ensuite vouée à la proposer à l'international. Produite en CGI par le studio Orange à qui l'on doit aussi, entre autres, les animes Dimension W et L’Ère des Cristaux, la série a été réalisée par Shinichi Matsumi, dont ce fut la première réalisation de série, mais qui avait déjà été réalisateur assistant sur Porco Rosso et Pompoko, et réalisateur d'épisodes sur plusieurs séries comme Kenshin ou Rage of Bahamut: Genesis. L'écriture a été confiée à Nanami Higuchi, un nom que l'on a pu voir au scénario de certains épisodes de Ninja Slayer, ou à la mise en scène de quelques épisodes de Little Witch Academia. Nao Ootsu a tenu ici son tout premier rôle de character designer, mais on a déjà pu le voir au design d'armes à feu dans Tanya the Evil, entre autres. Les musiques ont été composées par Satoru Kôsaki, un artiste prolifique que l'on a pu entendre aux musiques de nombreuses oeuvres dont toute la saga Monogatari ou encore La Mélancolie de Haruhi Suzumiya. Enfin, l'animation CG a été supervisée par Eiji Inomoto, un spécialiste du genre qui a notamment officié sur plusieurs volets de la saga Ghost in the Shell. Comme souvent avec les productions vouées à être proposées à l'international par Netflix, la série est arrivée chez nous, en vostf mais aussi en vf, quelques mois après sa diffusion nippone, à savoir le 13 mars 2020, donc il y a un petit mois au moment où ces lignes sont écrites.

  

Beastars nous plonge dans un univers où ne cohabitent que des animaux anthropomorphes, et plus précisément au sein de l'école Cherryton, un établissement scolaire qui s'applique à faire cohabiter carnivores et herbivores dans une harmonie bien huilée. En effet, la consommation de viande est interdite chez les carnivores, ceux-ci ayant pris l'habitude de trouver leurs besoin énergétiques et alimentaires ailleurs que dans la chair fraîche, une règle qui d'ailleurs s'étire au-delà des murs de l'école. Et pour être sûrs malgré tout qu'aucun problème n'ait lieu, les dortoirs sont séparés en fonction des régimes alimentaires. Ainsi, tout se déroule bien... jusqu'au jour où l'instinct semble reprendre ses droits sur la raison et la culture: le drame a lieu lorsque l'alpaga Tem est retrouvé mort, déchiqueté, dévoré, événement suscitant dès lors l'effroi et la méfiance, surtout chez les herbivores. Et même si personne ne sait qui a fait le coup, les premiers soupçons se portent sur Legoshi. Simplement parce qu'il est un loup, espèce carnivore dont la réputation de prédateur est ancestrale. Mais aussi parce qu'il était un ami proche de Tem, et parce que son caractère le rend parfois bizarre aux yeux des autres...

Mais tout ceci n'est que le strict point de départ de l'oeuvre, occupant tout juste les premières minutes de l'épisode 1. Bien sûr, l'énigme du meurtrier de Tem aura son importance bien plus tard dans l'histoire, mais pas dans cette première saison animée, où ce sordide mystère ne sert vraiment qu'à poser avec force et impact le contexte de l'oeuvre. Un contexte qui, au fil des épisodes, se révèlera très riche, car le contexte carni/herbi n'est vraiment pas là que pour faire beau, et va permettre à l'histoire de brosser nombre de thématique très riches et ayant, bien souvent, un rapport très métaphorique à notre société.

   

En premier lieu, il y a le concept donnant son nom à l'oeuvre, à savoir celui de Beastar. Le Beastar est le leader de l'école, celui pouvant "régner" sur celle-ci, et qui est alors promis au plus brillant des avenirs une fois sorti de l'institut. Celui-ci doit être élu prochainement, et les candidats se préparent donc... Un concept qui s'installe bien autour de certains personnage, qui imprègne régulièrement cette saison 1, mais qui, lui aussi, est surtout posé pour le moment, car c'est plus tard qu'il gagnera en importance. Néanmoins, il véhicule déjà très bien certaines choses, comme le poids des attentes qu'il y a alors autour de certains personnages pressentis pour pouvoir devenir le prochain Beastar, à commencer par le cerf Rouis. Mais tout en posant ces concepts, ce que Paru Itagaki propose au fil de l'oeuvre, c'est avant tout un microcosme qui fonctionne comme notre société, jusqu'à en reprendre de nombreux problèmes, de nombreuses tares. Ainsi, après un démarrage choc sur le meurtre de Tem, les choses, loin de s'orienter vers du récit policier par exemple, s'appliquent à dépeindre une sorte de tranche de vie qui, dans ces 12 premiers épisodes, a déjà beaucoup de choses à dire, à commencer par tout ce qui concerne les préjugés liés à l'apparence. L'exemple le plus frappant est évidemment Legoshi, qui, de par sa nature de loup, est immédiatement suspecté d'être le meurtrier de Tem et voit surgir nombre de craintes à son égard... alors que Legoshi, disons-le clairement, il est vachement cool dans son genre. Plus d'une fois il apparaît plutôt bon, comme dans le passage sur la lettre d'amour que Tem dédiait à Els. Son apparence le condamnant depuis toujours à être craint à cause des méfiances ancestrales envers les loups, il a toujours fait le choix de rester plutôt distant, dans l'ombre (son travail d'éclairagiste au club de théâtre symbolise bien cette idée: pendant que le cerf Louis et les autres acteurs sont en pleine lumière, lui reste dans l'ombre et doit justement attirer la lumière sur eux), quitte à paraître encore plus bizarre voire maladroit dans ses interactions avec les autres. Mais malgré tout le soin qu'il prend à rester en société sans trop se rapprocher des autres, pourra-t-il réellement refouler jusqu'au bout sa vraie nature et ses instincts ? Le sujet est impeccablement abordé via ce qui est peut-être l'élément le plus central de cette première saison: la relation que notre cher loup aux allures de dandy maladroit va bâtir avec Haru, une lapine naine avec qui le premier contact sera inquiétant, puisque, en la coursant dans la nuit, il semble à deux doigts de céder à l'interdit et de la dévorer, lui qui se refuse pourtant totalement à cela (l'épisode au marché noir, où il refusera de goûter de la viande contrairement à certains autres carni, en est un bon exemple). Mais ce premier contact révélera pourtant bien d'autres choses, comme un possible amour sincère d'un carni envers une herbi... Mais un tel amour est-il seulement possible ?

   

Au-delà de ça, bien d'autres personnages que Legoshi ont un paquet de choses à véhiculer, notamment en lien avec cette fameuse apparence, et sur ce point-là, l'autre figure très en vue est Haru elle-même: son physique tout mignon et petit de lapine fait que les mâles ont systématiquement envie de la protéger et se sentent attirés par elle. Alors qu'elle, elle n'a pas forcément besoin qu'on la protège autant, elle le montrera d'ailleurs très bien en ne se laissant jamais démonter face à certaines brimades d'autres femelles la prenant en grippe, et surtout en tentant, depuis déjà longtemps, de se construire une forme de défense à sa manière, en exploitant l'attirance qu'elle peut provoquer chez les mâles. C'est que quand on est un tout petit lapin, on n'a pas trop le choix... Une chose marque alors fortement au fil des épisodes, une idée cruciale: le désir de chacun de s'extirper, tant bien que mal, de la condition dans laquelle leur statut carni/herbi ou leur apparence les enferme. Legoshi est un loup carni aux nombreux tourments intérieurs et loin d'être agressif, qui aimerait vivre son amour a priori impossible avec la lapine herbi Haru. Cette dernière tâche comme elle le peut de ne pas subir sa condition de toute petite lapine. Mais dans un autre style, on peut aussi signaler le cas du troisième personnage central, Rouis, qui derrière son leadership et son orgueil finira par dévoiler bien d'autres choses, potentiellement sombre, en cherchant lui aussi, à sa façon, à s'extirper des attentes que l'on fait peser sur lui.

  

En dehors de tout ça, il y a bien d'autres problématiques qui s'installent et qui rappellent beaucoup notre société: brimades, jalousie, climat de peur et de méfiance envers l'autre qui s'installe suite à un événement-choc, besoin de reconnaissance, acceptation de soi, des autres et de leurs différences...
L'ingéniosité du récit repose aussi sur toutes les métaphores que lo'n sera tenté ou non de voir selon notre sensibilité. Par exemple, à mes yeux, le fonctionnement du marché noir et la façon dont des carni y cèdent, jusqu'à la folie, à leur envie de viande, m'évoque beaucoup une métaphore des milieux et des effets de la drogue, où la viande est la drogue en question. Quant au rapport de force carni/herbi, plus d'une fois j'y ai vu une certaine image des relations hommes/femmes et des dérives qu'elles peuvent parfois avoir. L'une des richesses de Beastars réside aussi dans cette part de liberté d'interprétation.

  

Mais cessons donc de trop nous étaler sur l'univers et le scénario de cette première saison: il faut laisser des surprises, et puis, si besoin, les chroniques des volumes du manga sont déjà là pour encore approfondir les choses, d'autant que cette adaptation suit très fidèlement l'oeuvre d'origine. Soyons tout de même clairs: l'anime adapte tout de même, en seulement 12 épisodes, quasiment 6 volumes du manga, ce qui fait beaucoup, surtout pour un manga aussi riche que Beastars. Mais bien qu'il y ait des petits manques, que le manga soit plus dense, concrètement tous les grands axes se ressentent très bien dans l'anime, y compris certains petits à côtés comme le chapitre sur la poule (qu'il est vraiment plaisant de voir adapté, tant il est cool). La fidélité est bel et bien là quasiment d'un bout à l'autre, l'anime se permettant tout de même d'enrichir certains instants, comme la petite représentation de danse envoûtante de la louve Juno.



A part ça, sur le plan technique, l'anime a pour lui un excellent rendu, y compris pour le point qui pouvait diviser le plus: le choix de la CGI comme technique d'animation. A titre personnel, j'ai très souvent du mal avec la CGI, et cette technique 3D est souvent vue assez négativement: facilité d'animation, rendu froid et peu naturel, économie budgétaire... Je faisait d'ailleurs partie de ceux qui, en voyant les toutes premières images de l'anime, avaient un peu peur. Alors au final, le staff est-il tombée dans la facilité ? Eh bien, pas du tout. Tout d'abord parce qu'ici, la CGI dévoile une réelle utilité dans la représentation des personnages, tous animaliers. Leur démarche colle bien à leur allure et ne choque jamais puisque ce ne sont pas des humains, et, surtout, la technique permet d'apporter réellement une profondeur supplémentaire aux designs, jusque dans certains petits mouvements d'oreilles ou petits hérissements de poils très convaincants. Qui plus est, plein de bonnes petites idées artistiques viennent se greffer à l'ensemble: quelques brèves variations du style d'animation (notamment lors des petits "flashbacks" sur Rouis ou Haru... sans oublier, dès le départ, le génialissime opening avec son style "marionnettes" à l'animation impeccable), de nombreuses idées de mise en scène sont bien là (les mouvements de caméra comme celui où Legoshi est comme perdu dans un grand escalier, les petits instants un peu théâtraux, les moments où l'image est splittée pour s'intéresser à plusieurs personnages à la fois, etc, etc... Mine de rien, la série ose, cherche à se renouveler assez souvent, et ça fait rudement plaisir). On appréciera aussi le fait que le contenu du manga ne soit pas édulcoré (le sang et le sexe sont bien là quand il le faut, toutefois sans jamais être voyeuristes, tout comme dans le manga), la pointe de chaleur ou d'émotion apportée par l'excellente bande-son aux accents jazzy ou aux élans de piano, le travail minutieux sur tous les décors (l'intérieur et l'extérieur de l'école de jour comme de nuit, le marché noir...) qui accentuent l'immersion comme il se doit, et l'excellente interprétation des comédiens de doublage qui collent tous très bien à leur rôle, le seiyû de Legoshi lui apportant même parfois un petit côté encore plus "pataud" qui lui va bien. En revanche, préférez vraiment la vostf. La vf a au moins le mérite d'exister, mais, sans être catastrophique, elle peine assez souvent dans les intonations et affadit un brin les choses. Enfin, côté sous-titres, il sera possible de tiquer sur certains noms qui ne sont pas raccord avec la traduction française du manga. Sérieusement, Rouis au lieu de Louis, c'est laid. Pauvre cerf digne qui se retrouve avec quasiment le nom d'un fromage.



Au bout du compte, cette première saison de Beastars est une adaptation très réussie des quasiment 6 premiers tomes du manga, où l'essentiel des grands axes et thèmes se retrouve bien, le tout étant porté par un réel travail d'animation et de mise en scène qui fait souvent plaisir. Il n'y a plus qu'à attendre patiemment la saison 2, confirmée dès la fin de la saison 1, et que l'on espère tout aussi qualitative, d'autant qu'en toute logique elle abordera plus fortement la sombre affaire du meurtre de Tem, ainsi que les attentes autour du Beastar...
   
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Critique 1 : L'avis du chroniqueur
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