Manga Découvrez notre interview de Kenron Toqueen, l'auteur du manga Piravit aux éditions Vega
A Japan Expo en juillet dernier, les éditions Vega accueillaient notamment l'auteur chilien Kenron Toqueen pour le lancement de son manga Piravit – Le dernier fantôme, une création originale dont le deuxième tome vient tout juste de paraître. C'est à l'occasion de cette sortie que nous vous proposons aujourd'hui de découvrir notre interview de ce sympathique auteur !
Né à Rancagua au Chili en 1994, Kenron Toqueen est un auteur de manga qui dédie tout son temps à la création d'histoires riches en personnages fantastiques et hauts en couleur. Il souhaite plus que tout vivre de sa passion pour le manga par une publication à l'international, et se donne à fond pour faire de son rêve une réalité. L'auteur aime tout ce qui a trait au paranormal, aux fantômes, aux cauchemars et à l'origine de l'être humain. Son manga préféré est One Piece, pour la manière de raconter des histoires de son créateur Eiichiro Oda, ainsi que l'attention portée au développement des personnages. Vous pouvez notamment le suivre sur ArtStation et Instagram (d'où proviennent les visuels illustrant cette interview).
L'histoire nous immisce auprès de Piravit, un gentil et joyeux fantôme qui semble être le dernier représentant de son espèce nommée phantam, et qui vit avec son amie humaine Kimé pour effrayer les mauvaises personnes et s'occuper d'un refuge pour animaux. Tous deux se plaisent très bien dans ce quotidien paisible, du moins jusqu'au jour où un incident contraint Piravit à révéler la vraie nature et sa position. C'est alors le début des ennuis, car nombre de démons, mages et autres individus malintentionnés se verraient bien exploiter à leur compte les grandes capacités que renferme le statut de phantam et notre fantomatique héros...
Grâce à l’interview présente à la fin du tome 1 de Piravit, on sait que Vous n'avez pas suivi de cours de manga, mais avez fait un cursus de graphisme grâce auquel vous avez découvert certaines techniques qui vous sont aujourd'hui utiles pour dessiner. Quelles techniques en particulier ?
Kenron Toqueen : Durant mes études, j’ai notamment appris la composition d’une image, à faire attention aux éléments composant une image, et à bien les placer de façon cohérente. Il s’agit de faire attention aux lettres, aux couleurs, à la taille de chaque élément, pour que tout soit bien compréhensible au premier regard et que tout soit bien adapté en terme d’ambiance. Ensuite, il y a la psychologie colorimétrique : il faut bien savoir quel impact a telle couleur sur le ressenti du lecteur. Voici quelques bases qui me servent toujours aujourd’hui.
Passons désormais à Piravit. Comment est née cette création originale pour Vega ? Comment avez-vous été repéré et contacté par l'éditeur ?
Tout d’abord, le premier contact s’est fait via mon responsable éditorial Frédéric Toutlemonde, qui m’a contacté sur twitter. Via l’un de ses amis japonais, il a vu ma première série, Nocta, que j’ai publiée au Chili. Et suite à ça, il m’a dit qu’il avait trouvé mon œuvre intéressante et qu’il aimerait travailler avec moi pour d’éventuels projets. Nous en sommes restés là pendant quelque temps, puis j’ai présenté un one-shot au concours Manga+ Creators des éditions Shûeisha. Ce one-shot, dont le titre français pourrait être « Comment être méchant », est en quelque sorte la bêta de Piravit. En le voyant, Frédéric m’a recontacté en me proposant de travailler sur un projet de série originale pour les éditions Vega, et j’ai accepté.
Comment avez-vous imaginé l'univers de la série ? Quels concept vous sont venus en premier ?
Le principal concept de départ était de faire une histoire avec différentes espèces qui vivent dans des univers séparés, mais qui sont obligés d’entrer en contact ou de se fréquenter afin d‘arriver à un objectif en particulier. Ces espèces-là vont devoir s’allier ou coopérer pour pouvoir survivre, notamment face à l’attaque éventuelle d’autres espèces qui les menacent.
Vous semblez particulièrement aimer ce qui touche au paranormal, aux fantômes, aux cauchemars et à l'origine de l'être humain. Qu'est-ce qui vous attire dans ces éléments ?
J’ai toujours été intéressé par l’idée qu’il pourrait exister d’autres formes d’êtres, que l’on ne connaît pas ou que l’on ne voit pas. C’est quelque chose qui va un peu plus loin que de croire ou ne pas croire en tout ça : à mes yeux, ça apporte des réflexions intéressantes.
Dans l'imaginaire collectif les fantômes sont souvent associés à l'effroi, mais pas ici : le personnage principal est un fantôme gentil. Pourquoi ce choix ?
Je pense qu’il y a toujours eu en moi l’idée que les fantômes ne sont pas des êtres menaçants, mais plutôt des êtres qui sont là sans volonté de nuire. A mon avis,il y a souvent une confusion entre les fantômes et des créatures plus malfaisantes comme les démons. Je vois le fantôme comme une extension de l’âme humaine après la mort, voire comme le résidu d’humanité ayant gardé uniquement ce qu’il y avait de bon chez les personnes de leur vivant. C’est pour ça que, dans Piravit, j’ai fait des fantômes une espèce à part, tout comme je l’ai fait pour les démons.
Une chose originale qui montre bien la gentillesse de Piravit et de son amie Kimé : ils s'occupent d'animaux désoeuvrés. Et en plus de ça, votre photo de profil sur le rabat avant de la jaquette du tome 1 montre plein de chiens et de chat. Quelle place ont les animaux dans votre vie ?
Dans les animaux de ma photo de profil, on trouve mes trois chiens qui sont très importants pour moi : Yuki, Yuri et Chopper. Mais il y a aussi d’autres animaux, chats et chiens, qui m’ont accompagné pendant un moment mais que je n’ai pas pu sauver ou que j’ai perdus. Il y a au Chili un problème qui est très important à mes yeux : l’abandon des animaux de compagnie. C’est un problème qui m’a toujours beaucoup touché et fait du mal, et sur lequel je me suis toujours investi, si bien que je recueille moi-même des animaux abandonnés, parfois dans un état de santé catastrophique. J’ai, d’ailleurs, connu un début d’année 2024 difficile, avec la perte de certains de ces animaux que j’aime appeler mes amis. Touts ces animaux m’ont nourri d’émotions et d’expériences, et m’ont aussi permis de créer l’histoire de Piravit. Les mettre dans ma photo de profil est une manière pour moi de leur rendre hommage pour tout ce qu’ils m’ont apporté et pour me souvenir d’eux. En particulier, le fait de perdre certains de mes amis début 2024 m’a fait prendre conscience de l’importance de ce qui se passait en moi, de cette empathie envers des êtres vivants qui ne sont pas des êtres humains, et c’est quelque chose que je veux à tout prix transmettre dans ma série.
Le tome 1 amène à petites doses les différents concepts, en nous laissant bien le temps de les assimiler les uns après les autres : le statut de fantôme de Piravit, l'existence de démons, le degré de pureté de ceux-ci, le fait que Piravit va être traqué pour diverses raisons, le concept de phantam, l'existence d'autres espèces (humains, mages), la manière dont les pouvoirs des personnages se réveillent et gagnent en puissance... Cette construction amenant petit à petit les éléments, est-ce quelque chose auquel vous avez fait volontairement très attention ?
Bien sûr, en tant que lecteur, mon rêve serait de lâcher toutes les informations de base en une page, et d’être libéré, ce serait plus facile (rires). Mais en réalité, ça serait indigeste à assimiler. Avec mon éditeur, j’ai appris qu’il y avait une manière de livrer les informations afin que le lecteur ne se sente pas saturé de choses. Il est ensuite plus facile et serein d’avancer dans la lecture, en prenant bien soin du tempo.
Le concept de phantam est assez intéressant : ils semblent venir d'ailleurs, peuvent voyager entre les dimensions, peuvent devenir imperceptibles, ont la vie éternelle... Comment avez-vous imaginé ce concept ?
J’ai voulu montrer un concept de fantôme qui est une extension de l’humain et qui, en même temps, est débarrassé de toutes les limites de l’être humain, que ce soit dans le temps, dans l’espace, dans ce qu’il peut faire… C’est en quelque sorte un humain fantaisiste, transcendé au-delà de ses propres limites physiques. C’est vraiment l’idée de vivre sans limites qui m’intéressait.
On voit que vous aimez beaucoup le design, que ce soit d'humains ou de monstres. En quoi cet exercice vous plaît-il, et comment les concevez-vous ces designs ?
J’ai toujours adoré dessiner des personnages. Pour être honnête, quand j’étais petit, je me voyais travailler dans une entreprise de jeux vidéo en tant que character designer. Mais finalement, heureusement je fais finalement du manga, ce que j’aime le plus. Il y a du challenge dans le dessin de personnages : il faut trouver comment faire en sorte que le lecteur se souvienne du personnage et de son design, que ce character design se démarque, et que chaque personnage puisse tout de suite être identifiable via des caractéristiques spéciales. Ca peut passer par la coiffure, la couleur de cheveux… Dans le cas de Piravit par exemple, il y a ses marques au niveau des yeux. Et dans la série, chaque espèce est vouée à avoir ses petites caractéristiques physiques typiques.
D'ailleurs, la plupart des fantômes et créatures me rappellent un peu l'arc Thriller Bark de One Piece, notamment les fantômes de Perona. Est-ce une référence consciente ?
On peut effectivement y voir une référence, d’autant plus que je suis un immense fan de One Piece. Mais je tiens quand même à préciser que les fantômes de ma série ont leur propre spécificité : ils ont ces formes un peu mal fichues parce qu’ils sont créés par Piravit, et que ce dernier n’est pas bon du tout pour créer de jolis petits fantômes (rires).
Pour finir, grâce à l’interview présente dans le tome 1 on sait que vous avez déjà la fin de l'histoire en tête, mais savez-vous approximativement en combien de tomes la série devrait tenir ?
J’ai l’histoire en tête, et je veux pouvoir prendre mon temps pour vraiment la développer comme je le souhaite, ça ma paraît primordial. Je ne veux ni brusquer la fin, ni raccourcir ce que j’ai en tête. Et pour arriver à mes fins, je vais tout donner, pour faire en sorte que chaque tome soit engageant, prenant, séduisant pour le lecteur.
Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Kenron Toqueen, à son interprète et responsable éditorial Frédéric Toutlemonde, aux éditions Vega et à Japan Expo.