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Manga Découvrez notre interview du duo Eudetenis, les auteurs de JagWars !

Samedi, 18 Janvier 2025 à 12h00 - Source :Rubrique interviews

Lancées en 2023, les éditions Nouvelle Hydre tâchent, depuis, de se développer doucement mais sûrement, en poursuivant surtout, pour le moment, leur politique de nouvelles éditions pour certaines oeuvres initialement lancées dans le catalogue des éditions H2T, qui avaient été créées par les mêmes fondateurs. Ainsi, après Enfant des Abysses, Bravest Journey, SkilledFast et Flowers for Vincent, en début d'année 2024 c'est JagWars qui a fait son retour. A l'origine, cette série vouée à totaliser 6 volumes avait été lancée chez H2T en octobre 2019 sous le titre Rasetsu - Primal Hunt, mais fut laissée en plan en septembre 2021 après 4 tomes.





Derrière cette oeuvre, on trouve un duo: le scénariste Paulo et la dessinatrice Giovana, tous deux d'origine brésilienne, et se faisant appeler Eudetenis. Ce pseudonyme vous dit peut-être déjà quelque chose, puisque Eudetenis exerce déjà ses talents au Brésil et à l'international depuis 2012, dans différents registres. Le duo est présent sur twitter, sur instagram, et possède également son site internet.

Afin de bien faire les choses, Nouvelle Hydre lança son édition de JagWars à l'occasion du Festival International de la BD d'Angoulême 2024. Et alors que le tome 5 s'apprête à sortir et que le duo de mangakas sera à nouveau présent au FIBD cette année, nous profitons de cette belle actualité pour enfin vous proposer l'interview que nous avons réalisée l'année dernière !

Rappelons que dans JagWars, on plonge aux côtés d'un trio de jeunes scientifiques: Ren et Ryo Basilio, âgés de 27 ans, frères, et tous deux chercheurs à l'UFAM (l'Université Fédérale d'Amazonie), sont accompagnés de Nata Da Silva, leur amie d'enfance de 23 ans. La relation entre les deux frangins n'est pas forcément idéale, car tous deux sont amoureux depuis toujours de leur belle amie et collègue. Cependant, Nata est la petite amie de Ryo, et celui-ci ne se prive pas pour parfois narguer Ren à ce sujet. Quoi qu'il en soit, tous trois font équipe, en compagnie de leurs guides autochtones issus de la tribu tupi-guarani, afin de retrouver en pleine jungle amazonienne une terrifiante créature que les locaux nomment "l'ogre". Mais rien ne va se passer comme prévu, dès lors qu'un étrange monstre fait irruption et commence à dévorer tout le monde ! Poussé avec Nata dans une chute d'eau par Ryo qui cherche à les protéger, Ren, séparé quelque temps plus tard de façon terrifiante de sa belle, finit blessé et évanoui... avant de se réveiller dans une cuve de ce qui semble être un laboratoire secret. Aidé par quelqu'un dans son échappée avant que tout n'explose, il est recueilli par la tribu guarani dont étaient issus les guides, mais doit vite se confronter à de difficiles vérités. Que sont les monstres qu'il a vus ? Qu'est ce labo secret ? Que sont devenus Nata et Ryo qu'ils souhaite à tout prix retrouver ? Et pourra-t-il assumer ce qui se tapit désormais en lui ?




Eudetenis, merci d’avoir accepté cette interview. Pour commencer, qu'est-ce qui vous a attiré vers le milieu du manga ? Des auteurs ou oeuvres en particulier ont-ils forgé cette envie ?


Giovanna : A l’origine, la première chose qui m’a attirée vers le manga et le dessin, c’est le premier épisode de Pokémon, quand j’avais neuf ans. Quand j’ai vu Pikachu bouger, ça m’a captivée, et j’ai commencé à le dessiner encore et encore, comme une folle. Ensuite, parallèlement au dessin animé et aux jeux vidéo de Pokémon, ce sont les mangas de Pokémon qui m’ont amenée vers ce support,et j’ai alors commencé à lire et redessiner d’autres mangas, Dragon Ball en tête. Et depuis, je n’ai plus jamais cessé de dessiner.


Paulo : Pour ma part, je pense que je me suis intéressé dans un premier temps aux comics de super-héros américains, et que parmi les premiers que j’ai lus il y avait Superman, trouvé dans une boutique de ma ville. Ce n’est que plus tard que j’ai découvert le manga, avec Saint Seiya. A l’époque j’ai trouvé ça incroyable, plus encore en anime, avec les musiques que je ne manque jamais de chantonner (rires). J’ai essayé de redessiner des planches du manga mais c’était une catastrophe. En revanche, sur le plan des procédés narratifs que m’a fait découvrir Masami Kurumada, ça m’a beaucoup inspiré. Par la suite, Giovanna et moi nous sommes rencontrés dans une convention à Natal (ville de bord de mer au nord-est du Brésil, ndlr) pour laquelle elle avait réalisé un fanzine.


Giovanna : C’était un fanzine contenant des petites histoires du quotidien sur mon entourage, et c’était horrible (rires).



Du coup, comment avez-vous appris à concevoir un scénario et du dessin de manga ? Avez-vous suivi une formation, ou êtes-vous totalement autodidacte ?


Giovanna : Quand j’étais adolescente, je dessinais pour mon plaisir. Mais quand j’ai décidé de devenir dessinatrice professionnelle, finalement je ne connaissais rien de concret et je suis un peu partie de zéro. J’ai cherché des formations sur Youtube et sur internet de manière générale, puis j’ai pratiqué tous les jours, notamment en regardant des vidéos d’auteurs japonais. Pas uniquement des mangakas, d’ailleurs, mais aussi d’autres créateurs artistiques.


Paulo : De mon côté, en tant que scénariste, il y a d’abord eu l’influence de Saint Seiya, comme je le disais auparavant : j’ai beaucoup analysé la façon de l’auteur de construire et de narrer son histoire. Ensuite, j’ai joué à beaucoup de jeux vidéo narratifs, j’ai également beaucoup regardé mon père y jouer quand j’étais enfant, et déjà à l’époque j’aimais regarder de quelle manière les histoires évoluaient. Je pourrais citer d’autres exemples, mais c’est principalement comme ça que j’ai appris la conception de scénario, par mes propres moyens.




Ensemble vous avez remporté à trois reprises le grand prix du Silent Manga Audition, concours international organisé par un éditeur japonais : Coamix. Dans quel contexte avez-vous remporté ces prix, et qu'est-ce que ça vous a apporté concrètement ?


Paulo : Ca a été un tournant, car ça nous a permis de rencontrer certains éditeurs et auteurs japonais qui nous ont donné de précieux conseils pour nous améliorer, notamment en nous enseignant la structure narrative du kishôtenketsu (structure divisant l’histoire ou la composition de page en quatre temps typiques, ndlr), comment bien présenter les bases d’un récit, et différents types d’histoire.


Giovanna : Concernant les trois récompenses en elles-mêmes, nous en sommes évidemment ravis car il s’agit de jolis prix.



Parlons désormais de JagWars. Comment a eu lieu le premier contact avec votre éditeur français ?


Giovanna : Mahmoud Larguem, qui était à l’époque co-dirigeant des éditions H2T, m’a un beau jour envoyé un message sur Twitter !




Du coup Mahmoud, qu’est-ce qui t’a incité à les contacter ?


Mahmoud Larguem : Les concours auxquels ils ont participé, et ce que j’avais déjà pu voir de la part d’auteurs brésiliens que je trouve bourrés de talent. J’ai contacté Giovanna et Paulo de manière très simple, façon « C’est bien ce que vous faites, moi je suis un nouvel éditeur, ça vous dirait de bosser avec nous ? » , et ils ont dit ok. Ils étaient vraiment dans une approche très ouverte à ce qui se présentait à eux.



On sait qu'à l'origine il s'agit d'une histoire courte de jeunesse conçue en 2010, mais que vous n'avez jamais pu publier. Pouvez-vous nous parler de cette première version ?


Giovanna : Nous l’avions conçue pour un petit concours brésilien, et elle ne faisait que vingt pages.


Paulo : En un nombre condensé de pages, on avait décidé de faire quelque chose d’hyper violent, bien plus que dans le JagWars que vous connaissez. Il y avait déjà le personnage de Ren dans un look différent, avec des tatouages. Et côté histoire, il sauver une fille d’un viol et fait alors face à des monstres dont le physique rappelle des porcs. Il y avait des inspirations de Kamen Rider Black.




A partir de là, comment avez-vous développé l'histoire ? Aviez-vous en tête tout le développement dès le départ ? Et quelle fut l'implication de l'éditeur ?

Paulo : En réalité, j’avais initialement pensé la série comme quelque chose de très long, qui ferait plus de vingt volumes, et il a donc fallu couper pas mal de choses dans l’histoire, en veillant bien à ce qu’elle reste cohérente et qu’il n’y ait pas d’éléments superflus.

Mahmoud Larguem : En tant qu’éditeur, je n’ai pas apporté une vision de développement, mais ai plutôt veillé à une sorte de « régime minceur » de l’histoire, pour que le scénario soit bien condensé.


Le début du récit prend place auprès des indiens tupi-guarani, tribu d'Amazonie brésilienne connue entre autres pour être menacée par certains problèmes actuels comme la déforestation. Vous offrez même des références au mode de vie tupi-guarani et à certains éléments du folklore local qui amènent une réelle immersion. Pourquoi le choix de cette tribu pour lancer le récit, hormis le fait qu'elle soit brésilienne comme vous ?

Paulo : C’est une question qui me semble importante. Aujourd’hui, il existe une sorte de culture uniques des tribus amérindiennes d’Amazonie, et les différentes langues locales se sont perdues. Et finalement, la culture et la langue qui sont le plus restées sont celles de la tribu tupi-guarani. C’est un peu dans ce modèle linguistique et culturel que vont se fondre les autres tribus. De plus, les tupi-guaranis vivent sur un très grand territoire qu’ils défendent farouchement et qui est idéal pour étudier la nature encore préservée. Donc cette tribu me semblait idéale pour le démarrage de JagWars, car l’histoire devait commencer dans un cadre de ce genre. D’ailleurs, au début de la série, les guides emmenant le groupe de biologistes sont eux-mêmes tupi-guaranis, car ils connaissent parfaitement les lieux et ont l’habitude d’être en contact avec les blancs. J’ai fait ce choix par souci de réalisme, car c’est vraiment de cette manière, aujourd’hui, que l’on peut étudier l’Amazonie et ses cultures.




Ren possède une étonnante faculté: celle de pouvoir s'accaparer les souvenirs des cerveaux qu'il dévore, tant que la personne à qui le cerveau appartient est encore vivante au moment où il la mange. Comment vous est venue cette idée ?


Paulo : C’est parce que je suis tordu ! (rires) En vrai, je pense en premier lieu que c’est parce que j’ai beaucoup suivi Tokyo Ghoul, et que cette impressionnante œuvre m’a marqué. Je voulais faire quelque chose dans le même genre, mais qui ne soit pas un copié-collé, et c’est un peu comme ça que, en gros, j’ai tordu un concept de la série de Sui Ishida.



Comment concevez-vous les designs des créatures, les Kravyads ?


Giovanna : Quand nous avons commencé à bien plancher sur la série, j’ai dit à Paulo que j’avais envie de dessiner des animaux sauvages issus de la région amazonienne, et il a cherché des références là-dessus. Puis ensuite, nous avons pu décliner des familles d’ennemis, en collant aux animaux vivant dans les différents endroits du monde où l’histoire se déroule, et en leur insufflant une esthétique inspirée de Kamen Rider et d’autres sentai, tantôt un peu ridicule tantôt plus impressionnante.


Paulo : A ce titre, l'épaulard du tome 2 était très marquant, je trouve (rires).




Arrive-t-il que Giovanna donne des idées de scénario et que Paulo aide au dessin, ou restez-vous vraiment chacun à votre poste ?


Paulo : Nous sommes en permanence ensemble lorsque nous travaillons. Quand Giovanna dessine je suis là, et quand j’écris je l’invite toujours à jeter un œil au résultat pour avoir ses retours. Et il arrive parfois qu’elle apporte une vision différente, car personnellement je suis plus âgé qu’elle et je suis plus influencé qu’elle par les comics américains.


Giovanna : Donc parfois, j’ajuste ses idées initiales de designs, je le conseille,je mets des annotations sur ses storyboards, puis il modifie ce qui doit l’être. Et quand je dessine, il ne va pas m’aider au dessin, mais va plutôt m’indiquer d’éventuelles erreurs que je n’aurais pas vues afin que je les corrige. Ses retours sont précieux.


Paulo : Mais bien sûr, de temps en temps il arrive qu’on ne soit pas du tout d’accord sur un élément précis, et là c’est l’horreur pour nous départager (rires).



Pour finir, quelle est la place du manga au Brésil aujourd’hui, et parvenez-vous à en vivre ?


Giovanna : Elle n’est pas bonne (rires).


Paulo : Pour commencer, je dirais qu’au Brésil il y a beaucoup de bons artistes et beaucoup de gens intéressés par le manga et par l’idée d’en créer. Mais qu’il n’y a pas les moyens pour bien les accompagner.


Giovanna : Voilà, c’est pour ça que je disais que je ne trouve pas la place du manga très bonne dans le pays.


Paulo : Il n’y a pas assez de structures, d’éditeurs, d’écoles, etc, pour permettre d’étendre le manga dans tout ce grand pays. Et même après avoir eu la chance de suivre une vraie formation dans le domaine, il est triste de voir qu’il n’y a vraiment aucune garantie de pouvoir faire ses preuves sur le marché. Le marché brésilien du manga est un peu tordu et monomaniaque. De notre côté, on arrive tous les deux à vivre de notre art, très bien même, mais pas uniquement avec le manga : on fait des commissions, ce type de choses. On a réussi à obtenir une bonne situation parce qu’on a plusieurs cordes à notre arc.



Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Giovanna et Paulo, ainsi qu’aux éditions Nouvelle Hydre !

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