Interview de l'autrice de mangas shôjo Rukana- Actus manga
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Manga Interview de l'autrice de mangas shôjo Rukana

Vendredi, 17 Mars 2023 à 18h00 - Source :Rubrique interviews

Parallèlement aux gros invités, le fait de flâner dans les allées de Japan Expo permet bien souvent de faire quelques rencontres intéressantes, et ce fut le cas avec Rukana. Venue tout droit du Japon pour faire des démonstrations de dessin sur le stand de Copic, cette mangaka, bien qu’inédite en France à ce jour, est active au Japon depuis une dizaine d’années, principalement pour le magazine Bessatsu Friend, l’un des magazines shôjo phares des éditions Kôdansha. Par ailleurs, l’une de ses séries, Tonari no Otona-kun, est sortie aux Etats-Unis sous le nom My Darling Next Door. Les mangakas de shôjo étant plutôt rares en France, nous en avons profité pour discuter avec elle de son parcours, de sa carrière et du genre shôjo.



Rukana, merci d’avoir accepté cette interview. Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir mangaka ? Quel a été votre parcours pour ça ?

Rukana : Merci à vous ! Après le lycée, au moment de décider d’une carrière, je me suis demandé ce que je voulais faire car je n’avais aucune idée précise de métier. Je me suis alors rendue compte réellement à cette période-là que j’aimais beaucoup dessiner depuis toute petite. L’idée de devenir mangaka a alors germé en moi.

J’ai postulé au début des années 2010 auprès des éditeurs Kôdansha et Shûeisha, et ai finalement obtenu un prix pour une histoire courte lors d’un concours organisé par le magazine Bessatsu Friend de Kôdansha. C’est là que j’ai pu entamer ma carrière de mangaka.

Il faut aussi savoir qu’à cette époque, je cachait à mes parents que je créais des mangas, car ils n’aimaient pas du tout ça. Si bien que quand je présentais mes manuscrits aux éditeurs, je refusais ensuite de les reprendre pour que mes parents ne soient pas au courant (rires).


Une couverture du Bessatsu Friend.



Avez-vous suivi des études de dessin ou êtes-vous autodidacte ?

Je suis totalement autodidacte, je n’ai jamais suivi le moindre cours de manga.


Quelles œuvres et auteurs, en manga, vous ont influencée ?

Le magazine Nakayoshi de Kôdansha a été très important pour moi. Je le lisais quand j’étais petite et il m’a fait aimer les mangas, en particulier grâce à Mermaid Melody - Pichi Pichi Pitch.

Par la suite et actuellement, je pense qu’il n’y a pas vraiment d’oeuvres ou d’auteurs en particulier qui m’ont influencée.


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Mermaid Melody en couverture du Nakayoshi.



Vous avez commencé votre carrière professionnelle en 2013. Comment se sont déroulés vos premiers pas ?

J’avais la chance, pour mes débuts, d’avoir un responsable éditorial que je qualifierais d’intelligent et de très compétent, et qui m’a assez bien guidée en soulignant mes points forts pour les renforcer encore. Il avait plein d’idées pour développer le talent qu’il voyait en moi. En revanche, je n’avais pas la capacité de faire les choses exactement comme je le voulais.


A ce jour, toutes vos œuvres ont été publiées par les éditions Kôdansha, et c’est auprès d’elles que vous avez postulé dès le départ. Pour vous, que représente ce très important éditeur ?

Pour moi, c’était avant tout l’éditeur du magazine Nakayoshi ! Je pense que c’est un magazine très important pour beaucoup de petites filles japonaises d’école primaire.


La plupart de vos histoires ont été prépubliées dans un magazine shôjo très connu, le Bessatsu Friend. Que représente ce magazine pour vous ?

Là où le Nakayoshi s’adresse aux filles très jeunes, plutôt d’école primaire, le Bessatsu Friend est plutôt pour les lycéennes, avec pas mal de romances adolescentes. Ca correspond bien à ce que je dessine. L’équivalent chez Shueisha serait le magazine Bessatsu Margaret.

Pour l’anecdote, à l’époque où je postulais chez ces deux éditeurs, j’ai participé à deux concours le même jour : d’abord celui du Margaret, et ensuite celui du Bessatsu Friend. Dans ce milieu, une habitude est de recevoir la carte de visite de l’éditeur quand on est engagé, et c’est quelque chose que je ne savais pas à l’époque. Or, j’avais d’abord reçu la carte de visite de Margaret sans savoir que ça signifiait que je pouvais être acceptée dans ce magazine. Les responsables du Bessatsu Friend m’ont ensuite donné leur carte eux aussi, mais en me précisant ce que je ne savais pas, heureusement !


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Cinderella Lesson, Kishi-kun wa Watashi ga Kirai et Shikametsura ni Kiss sont quelques-unes des histoires courtes de Rukana.



Dans vos premières années de carrière vous avez surtout publié de histoires très courtes, généralement en un chapitre. Pourquoi ?

C’est généralement la norme dans le magazine Bessatsu Friend et dans d’autres magazines. Quand on est débutant, on commence par dessiner pendant quelque temps des histoires courtes, et chaque nouvelle histoire courte doit être un petit peu plus longue que la précédente. Après ça, selon les résultats des enquêtes de popularité auprès du lectorat, on peut se lancer dans une série.


Votre première série longue est finalement arrivée en 2018 :  Torokeru Tsumugi-chan. Comment est-elle née ? Pouvez-vous nous dire quelques mots sur sa création et sur son histoire ?

Je voulais en premier lieu dessiner une héroïne ayant le même genre de complexe que ceux que j’avais quand j’étais adolescente, et à laquelle une partie de mon lectorat pourrait un peu s’identifier. Après ça, je devais concevoir à côté d’elle un héros beau gosse, qui a l’air parfait, et qui est un peu opposé à elle !

(ndlr : dans cette série en 2 tomes on suit Tsumugi, une lycéenne de première année qui travaille dur et qui ne pense qu'à étudier. Même si elle a décidé de consacrer sa vie au lycée à étudier, la personne qui s'est classée première à l'examen d'entrée est un garçon qui a tout pour lui, Nishio Ryô, et elle a commencé à le voir comme son rival. Cependant, être avec Ryô fait tellement battre le cœur de Tsumugi qu'elle ne peut même plus se concentrer sur ses études...)


Torokeru Tsumugi-chan.



Votre dernière série en date est Tonari no Otona-kun, qui s'est terminée fin 2021. Il s'agit de votre plus longue série avec 5 tomes. Comment avez-vous tenu le rythme de publication ? Etait-ce difficile ?

C’était un peu difficile car parallèlement à mon travail de mangaka, je suis également employée de bureau, donc je n’avais pas beaucoup de temps pour moi et il fallait réussir à gérer les deux activités en même temps. Mais dessiner me procure toujours du plaisir et est un peu comme une petite bouffée d’air frais, donc ça me convenait.


Pouvez-vous nous parler de la création et de l'histoire de Tonari no Otona-kun ?

Dans le magazine Bessatsu Friend, il y a déjà beaucoup de variantes de romances adolescentes, et je devais essayer de me différencier un petit peu. J’ai d’abord souhaité mettre en scène une héroïne lycéenne lumineuse et énergique, et à ses côtés un jeune homme adulte qui est déjà dans la vie active, pour jouer sur leur différence d’âge et d’expériences.

(ndlr : Tonari no Otona-kun est une série en 5 volumes qui nous invite à suivre Ririka, une lycéenne qui pense qu'elle passe à côté de sa vie amoureuse. Mais lorsqu'un jeune et beau salarié emménage à côté, elle se rend compte qu'elle est peut-être capable de comprendre l'attrait des béguins, elle aussi...)


Tonari no Otona-kun, tomes 1 à 3.



Jusqu'à présent votre carrière est surtout faite de romances adolescentes. Qu'est-ce que vous aimez le plus dans ce genre d'histoire ?

Ce que je trouve très intéressant dans ce genre de manga, c’est d’observer la subtilité des émotions, qui y sont souvent valorisées. Même si deux œuvres peuvent proposer exactement le même thème et la même situation, elles peuvent être bien différentes selon le caractère, le comportement et les expressions des personnages. Surtout à l’âge adolescent, on a des émotions qui sont encore plus à-vif, et je trouve formidable de les observer en train de changer tout le temps. C’est ce genre de subtilité dans les émotions adolescentes que j’ai envie de montrer dans mes mangas. Et puis, c’est toujours agréable de dessiner des garçons et des filles mignon(ne)s !


Vous imaginez-vous, un jour, essayer un autre type d'histoire, voire faire autre chose que du shôjo manga ?

Je m’imaginerais bien faire un jour une histoire de fantasy ou se passant dans un pays autre que le Japon, parce que j’ai toujours beaucoup aimé la littérature jeunesse étrangère.

Par exemple, en France, j’adore les paysages de l’Alsace, sa campagne, et son architecture typique qui renvoie un peu vers une Europe plus ancienne. J’aimerais beaucoup dessiner un manga dans la campagne alsacienne un jour !


Tonari no Otona-kun, tomes 4 et 5.



En France, le shôjo manga est malheureusement moins populaire que le shônen manga ou le seinen manga, notamment parce qu’il a encore une image erronée de série faisant uniquement dans les romances de jeunes filles. Qu'en est-il au Japon ?

Je pense que c’est un peu la même chose au Japon, globalement, même si le shôjo manga montre beaucoup de diversité selon les magazines et ne fait pas du tout que dans la romance adolescente.

Une grande différence pour moi entre les deux genres, c’est au niveau des adaptations : les shônen sont souvent adaptés en priorité en animes, alors que les shôjo sont plus facilement adapté en drama. Et de ce côté-là le shôjo est bien représenté.



Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Rukana pour sa disponibilité et sa gentillesse, à son interprète, et à l’équipe du stand Copic. Vous pouvez suivre Rukana sur twitter.

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