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Manga Interview de Caly autour de Nova

Dimanche, 06 Novembre 2022 à 19h00 - Source :Rubrique interviews

Après le rafraichissant Hana no Breath, l'artiste française Caly a lancé en octobre 2020 un nouveau manga  : Nova. Avec cette tranche de vie teintée de science-fiction et de mystère, l'autrice entamait un récit plus dense, voué à s'achever en quatre volumes et dont les trois premiers sont disponibles dans nos librairies, édités chez H2T.


Lors du Festival international de la Bande-Dessinée d'Angoulême qui s'est tenu au mois de mars, nous avons pu rencontrer de nouveau la mangaka afin de parler de la transition entre ses deux œuvres et sa vision de Nova.


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Notre première rencontre remonte à 2018, lors de la publication du premier tome de Hana no Breath. Depuis, tu as conclu la série, et tu as commencé une nouvelle œuvre. Avec du recul, quel bilan tires-tu de Hana no Breath  ?


Caly  : En tant que première série professionnellement éditée, Hana no Breath a été une grande source d'apprentissage sur le plan technique, par exemple des points mis en évidence par l'éditeur ou l'imprimeur comme les marges d'impression. Ce sont des éléments dont j'avais connaissance, mais sur lesquels j'ai appris à être plus précise.


Pour la suite, je n'ai pas du tout travaillé l'histoire de Nova comme celle de Hana no Breath. Pour ma première série, je suis partie sur un format épisodique en m'intéressant à des moments de vie de la relation entre Gwen et Asami, ce qui ne nécessitait pas un travail d'intrigue particulièrement approfondi. Non pas qu'il n'y ait pas de scénario, car il y a des péripéties. Avec Nova, je veux montrer que je suis capable de raconter une histoire. Ca a été mon challenge dans la transition entre les deux séries. Pour le reste, un auteur apprend toujours sur le plan graphique à chacun de ses projets, mais il est difficile de définir précisément sur quels aspects on s'est amélioré.


Entre la fin de Hana no Breath et le début de Nova, il y a eu le Covid. Est-ce que la crise sanitaire a eu un impact sur ton travail et sur la mise en chantier de ta nouvelle série  ?


Caly  : J'avais déjà bien avancé le premier volume de Nova quand le Covid est arrivé. Le premier impact fut positif  : Une semaine de vacances, car tous les événements étaient annulés. (rires)


Pour le reste, peu de choses ont changé. Car en tant qu'autrice, et comme beaucoup d'autres, je travaille à domicile, aussi le confinement ne m'a dérangé que pour faire mes courses. Le rythme de travail, lui, n'a pas évolué, si ce n'est que j'ai eu davantage de temps pour progresser sur mon manga, car les festivals étaient suspendus. Je pense que c'est là que le Covid a eu un effet  : Les rencontres avec les lecteurs ont été annulées, tandis que le premier tome de Nova est sorti pendant le deuxième confinement. À ce titre, je me demande si l'accueil de la série aurait été différent en période normale. Mais en même temps, les gens ont beaucoup plus lu et ont acheté plus de livres pendant cette période. Sur ce plan, c'était peut-être un mal pour un bien.


Néanmoins, si les grosses séries n'en ont pas forcément pâti, ce n'est peut-être pas le cas pour les titres plus confidentiels qui ont besoin des événements et de la présence des auteurs. Je ne me plains pas, car Nova fonctionne bien, mais on ne peut pas savoir ce qu'il en aurait été dans un autre contexte.


 

Pour parler de Nova plus en profondeur, peux-tu nous parler de la naissance de la série  ? Avec cette nouvelle histoire, souhaitais-tu raconter quelque chose de plus fantastique  ?


Caly  : Tout à fait. Avec Hana no Breath, la majorité de mes lecteurs cherchaient de la romance, entre femmes notamment. Je sentais qu'ils m'attendaient sur ce terrain pour mon projet suivant, mais je n'avais pas du tout envie d'être catégorisée sur un type d'histoires. Car dans ma tête, ce sont tous les genres qui s'entremêlent, aussi bien la tranche de vie que le fantastique. Je ne dis pas que je ne reviendrai pas sur la romance, mais je ne voulais pas qu'on me colle une étiquette. Je voulais partir sur quelque chose de différent par rapport à Hana no Breath, mais aussi par rapport à MaHo-Megumi, ma série fantastique auto-éditée. Je cherche à démontrer sur un même genre, je peux m'exprimer différemment et rendre des personnages attachants, tout en sachant que le soin pour ces personnages est quelque chose qu'on retrouve dans toutes mes séries. Je dis ça, car c'est quelque chose qu'on me dit souvent, mes lecteurs trouvent mes protagonistes très humains.


Avant Hana no Breath, je ne savais pas quel projet présenter à un éditeur, j'étais perdue. Hana no Breath était le projet idéal, car je l'avais déjà travaillé et a impliqué un certain mode de travail. J'essaie d'imbriquer mes séries les unes dans les autres  : Bien qu'elles peuvent être lues indépendamment, j'introduis de petits éléments sur mes projets à venir au sein de mes histoires en cours. On peut dire que j'ai une trame qui se suit dans mes différentes œuvres, ce qui m'a donné une visibilité sur le long terme. Bien qu'on soit sur un genre totalement différent, celui de la science-fiction, ça me semblait naturel de travailler sur Nova, car l'héroïne est la cousine de Gwen de Hana no Breath. Le lecteur n'en a pas forcément conscience, même s'il y a des références au sein des deux récits. L'idée des parasites vient de Nova et de Rease qui sont des personnages que j'ai créés il y a longtemps. L'histoire que j'envisageais pour eux au départ était davantage de l'ordre de la comédie, mais j'ai changé ça pour m'intéresser davantage à l'émotion et aux intrigues de manipulation, ce qui a donné plus de sérieux au récit.


  


Une autre connexion entre Hana no Breath et Nova, plus de l'ordre du ton des œuvres, c'est la bienveillance dont peuvent faire preuve plusieurs personnages, couplée à la représentation de l'amour sans aucune barrière. En tant qu'autrice, est-ce que ces notes d'humanité et d'ouverture sont importantes pour toi  ?


Caly  : Elles sont importantes pour moi, et je pense que c'est essentiel qu'elles ne soient pas au premier plan, qu'elles apparaissent de manière naturelle. La société aura évolué à partir du moment où ce type de relation ne sera pas forcément remarqué. Malheureusement, on en est encore à relever ces romances de même genre alors que ça devrait être normal et naturel. Dans le cas de la mère de Rease dans Nova, son écriture s'est faite inconsciemment. Je ne me suis pas dit qu'il fallait absolument qu'il y ait une femme dans sa vie. Ça s'est fait tout seul, mais je conçois que les lecteurs fassent le lien avec Hana no Breath qui traite d'une romance entre filles.


On m'a aussi fait la réflexion sur les camarades de Rease. Il s'agit d'adolescents qui pourraient très bien être en plein questionnement de genre dans la vraie vie. Mais ça reste des figures secondaires, que les lecteurs peuvent remarquer ou non dans le récit.


Pour en revenir à la transition entre Hana no Breath et Nova, est-ce que passer de la tranche de vie romantique à du fantastique t'a mené à changer d'état d'esprit en tant qu'autrice  ?


Caly  : Oui, je me posais surtout des questions sur le développement de Nova sur le plan graphique. Je savais que des changements visuels devraient avoir lieu, et que je craignais que l'évolution soit trop brutale. Mon éditeur m'avait suggéré de garder un côté lumineux sur le premier chapitre de Nova pour ensuite partir sur un ton plus sombre. Car mon encrage est un peu différent sur ma nouvelle série. Les lecteurs n'en ont peut-être pas conscience, mais je l'ai bien ressenti en ce qui me concerne. (rires)


Quant au scénario, je pense que je ne l'ai pas du tout envisagé de la même manière. Entre les deux mangas, il y a eu un an et demi de transition, une période durant laquelle j'ai travaillé sur d'autres projets, mais aussi sur l'intrigue de Nova. Comme on était sur de la science-fiction, il fallait que je fasse un travail de recherche pour définir les parasites ou les pouvoirs de Rease. Que ce soit sur ma narration ou mon dessin, je n'ai pas abordé Nova de la même manière que Hana no Breath.



Par rapport aux thématiques de Nova, on peut observer à plusieurs reprises l'idée du blocage vis-à-vis d'autrui. Par exemple, Rease a du mal à nouer des relations à cause de ses déménagements successifs, quand Nova est en souffrance du fait de l'absence de ses parents. Du côté de Kimi, le personnage est si excentrique que des personnages comme Nova évitent de nouer une relation franche avec elle. Est-ce que cette idée du rapport à autrui t'est chère au point de la dépeindre sous diverses formes  ?


Caly  : Tout à fait, sachant que l'attachement entre Nova et Rease se fait aussi malgré les problèmes de communication entre eux. Nova est une héroïne qui a du mal à montrer ses émotions, ce qui fait partie du cœur de l'intrigue. Malgré ces notes pessimistes, des interactions peuvent être nouées. Rease a du mal à aller vers les autres, mais il est doté d'une empathie forte pour un garçon de son âge. C'est ce qui permet au binôme principal de bien fonctionner. C'est ce que je trouve intéressant  : Même si je développe des personnages qui ont des failles dans leur relationnel ou leur gestion des émotions, il peuvent développer des liens humains. C'est à la fois sombre et un optimiste. Cette nuance peut être explorée de manière tellement variée qu'elle risque de revenir dans d'autres de mes œuvres. Avec chaque personnage, j'ai l'impression d'explorer quelque chose de nouveau.


La série est prévue sur quatre volumes. Est-ce que tu avais de base la structure de l'histoire en tête, ou t'es-tu laissé une marge d'improvisation  ?


Caly  : J'avais vraiment le squelette de l'histoire en tête dès le départ, j'ai juste été surprise par le volume que ça prenait pour tout développer, ce qui explique les tomes assez fournis. Avec le recul, Nova m'a appris a mieux gérer la quantité d'intrigues racontées dans un seul opus, ce qui me permettra d'être plus vigilante sur ma prochaine série. La seule chose qui changera par rapport à mon idée initiale, si je peux me le permettre, c'est un chapitre du quatrième volume qui n'était pas prévu à la base. Ça dépendra de l'espace que prendra chaque chapitre dans le dernier opus, mais j'aimerais vraiment l'intégrer tant je pense qu'il est important pour bien conclure l'histoire.


Au moment où nous nous rencontrons, tu as professionnellement publié quatre volumes, sans compter ta série Maho-Megumi en auto-édition. Si tu devais tirer un premier bilan de ta carrière d'autrice, quel serait-il  ?


Caly  : Je n'ai pas du tout l'impression d'avoir une carrière. J'ai certes dix tomes à mon actif, mais j'ai toujours l'impression de débuter. (rires)

Question difficile... La première impression est l'envie de continuer, et d'avoir la possibilité de surprendre les lecteurs en développant des sujets différents tout en entretenant ce dénominateur commun des personnages et de l'aspect relationnel. Je laisserai toujours une place aux émotions, même dans des récits mettant davantage en avant le scénario ou l'action. Ces éléments resteront importants pour moi. Mais globalement, je pense qu'il est encore un peu tôt pour faire un point sur mon travail. Peut-être que j'aurai une meilleure visibilité sur tout ça après avoir conclu Nova.



Le Festival international de la Bande-Dessinée d'Angoulême a fait partir des grands événements parmi les retours de salons. Pour un artiste, les retrouvailles avec le public sont-elles importantes  ?


Caly  : Pour ma part, j'ai repris sur de tout petits événements. Angoulême, c'est le premier gros festival que je fais. Et vu que c'est surtout un salon dédié à la bande dessinée, Angoulême n'accueille pas forcément mon cœur de cible. Mais faire face à un public nouveau est aussi un moyen de se reconnecter à son œuvre, car je ne raconte plus le synopsis de Nova à un visiteur comme je le faisais avant. Je parle mieux de mon œuvre aujourd'hui, car je l'ai plus en main après trois tomes, et heureusement. Avoir ce contact avec le public permet de faire un point sur son propre travail, ça me permet à la fois de me reconnecter à mes lecteurs, mais aussi à mon histoire.



Interview menée par Takato. Remerciements à Caly et à Ludivine Gouhier des éditions H2T pour l'organisation de la rencontre.

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