Manga Interview de Tsuyoshi Takaki, l'auteur de Black Torch et Heart Gear
A l’occasion de Japan Expo, les éditions Ki-oon avaient l’honneur d’accueillir Tsuyoshi Takaki, jeune mangaka s’étant fait connaître avec le récit d’action Black Torch où il bluffait visuellement, et qui s’apprête à revenir avec sa nouvelle œuvre, Heart Gear, un récit de SF post-apocalyptique nous faisant suivre le voyage d’une fillette et d’un robot. C’est à l’occasion du salon parisien que nous avons pu rencontrer cet artiste bavard et souriant, le temps d’une interview dont nous vous proposons aujourd’hui le compte-rendu.
Tsuyoshi Takaki, merci d’avoir accepté cette interview. Commençons par revenir sur Black Torch avec une première question simple : comment vous est venu le concept de la série ? Cette idée de mélanger des ninjas modernes avec des démons et un peu d’exorcisme ?
Tsuyoshi Takaki : Dès le départ, j’avais envie de faire un manga d’action et de baston dans un monde contemporain. Mais à partir de là, il fallait trouver un thème, car sans ça on ne peut pas faire d’histoire. J’ai alors décidé d’utiliser les ninjas, qui sont connus aussi bien au Japon qu’à l’étranger, et qui sont donc faciles d’accès.
Ensuite, sur cette base, je me suis demandé ce qui pourrait bien constituer les ennemis de ces personnages. Et étant donné que les ninjas, c’est quelque chose de très japonais, j’ai décidé d’utiliser des ennemis dans le même goût, c’est-à-dire des mononokes, yokaïs et ayakashis.
Puis j’ai élargi l’histoire en utilisant ces concepts de ninjas et de mononokes.
BLACK TORCH © 2016 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.
On associe souvent les chats noirs à des idées maléfiques. Or, dans Black Torch, Rago, même s’il est un mononoke, parvient à être attachant sans être totalement gentil. Est-ce un équilibre volontaire de votre part ? Y a-t-il quelque chose que vous souhaitiez exprimer à travers lui ?
Au Japon aussi, on a effectivement cette superstition du chat qui porte malheur. Ce n’est pas un motif de peur ultime, mais il y a une certaine crainte face à ça. De ce point de vue là, ça se rapproche pas mal du concept de mononoke.
Personnellement, les chats noirs, je trouve ça très cool, très classe, aussi bien au niveau du sens qu’ils représentent que visuellement. C’était l’animal parfait pour Black Torch, d’autant plus que voir un personnage avec un chat noir sur l’épaule ça donne tout de suite une certaine allure.
La série est assez courte, et on sent dans la conclusion qu’il y avait encore énormément d’éléments à aborder par la suite. Initialement, jusqu’à quel point aviez-vous pensé l’univers de Black Torch ?
Effectivement ça se finit en 5 volumes, ce qui correspond à peu près à l’arc centré sur Amagi.
Je pense que j’aurais pu continuer l’histoire sur plus de 10 volumes, car j’avais pas mal réfléchi à des choses comme le passé de Rago, les problématiques familiales de Jiro, Ichika ou Reiji.
Mais voilà, ça s’est terminé en 5 tomes.
BLACK TORCH © 2016 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.
Une de vos qualités en tant que créateur d’histoires, c’est de lancer plusieurs pistes scénaristiques et de parvenir à les assembler à la fin. Est-ce quelque chose qui vous a demandé un travail rigoureux, ou est-ce inné pour vous ?
Sur les 5 tomes de Black Torch, j’avais déjà prévu les grandes lignes dès le départ, donc le projet était construit comme ça, et ça m’a alors permis de disséminer des indices pour les rassembler à la fin.
Black Torch est votre première œuvre en plusieurs volumes, et pourtant vos planches sont très vivantes, et époustouflantes lors des scènes d’action. Dans ces séquences de combat, qu’est-ce qui vous pose le plus de difficultés au niveau du dessin ?
Pour moi, dans les scènes de combat, le plus important au-delà de rendre l’action classe, c’est la facilité pour le lecteur de suivre l’action.
Comme dans un manga on n’a pas toutes les séquences d’un moment d’action, c’est un petit peu plus compliqué que dans une vidéo, et il faut donc trouver les bons gestes, les mouvements les plus parlants. C’est un élément sur lequel j’insiste depuis mes débuts. Je dirais donc que plus que le dessin lui-même, c’est la mise en scène qui prime, notamment les décisions sur le nombre de cases, les angles de vue à adopter… C’est ça qui est le plus difficile, mais c’est aussi ce qui est le plus excitant, de trouver la meilleure façon de rendre ces scènes.
Je fais donc toujours attention au rythme en utilisant tantôt des cases de loin avec beaucoup de décors, tantôt des zooms sur les visages pour montrer les émotions des personnages. j’utilise ces techniques aussi bien sur Black Torch que sur Heart Gear.
HEART GEAR © 2019 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.
Justement, parlons à présent de votre nouvelle série, Heart Gear. Ici, vous avez décidé de changer de registre en vous essayant à la SF. Comment est née cette idée ? Qu'est-ce qui vous attire dans la SF ? Et comment avez-vous imaginé ce binôme principal fillette/robot ?
J’ai toujours aimé la SF. J’avais depuis longtemps envie d’en faire moi-même, et c’était l’occasion rêvée.
Il y a différents genres qui existent, comme le cyberpunk, le steampunk, le post-apocalyptique avec des robots… Moi, c’est ce de dernier genre que je préfère.
Après, c’est un genre qui peut être difficile d’accès pour une certaine partie du lectorat, donc afin de le rendre accessible au plus grand nombre j’ai beaucoup parlé avec mon éditeur, et on a ainsi décidé d’utiliser un personnage de jeune fille humaine accompagnée d’un robot. Je pense que c’est plus facile à comprendre et à appréhender, et en plus ça permet d’avoir deux points de vue différents selon les aventures vécues. Il y a la vision de l’humaine avec toutes les émotions qu’elle peut ressentir, et celle du robot qui vit par sa logique. Pour moi, c’est vraiment ce duo ensemble qui forme un personnage principal à part entière.
Faire un manga post-apocalyptique demande des décors spécifiques, et ceux de Heart Gear sont très présents et très travaillés. Comment les imaginez-vous ? Où puisez-vous l'inspiration pour ces décors très immersifs ?
La difficulté, c’est de trouver l’équilibre dans la construction d’un monde à première vue futuriste, et qui n’est donc pas notre monde actuel, mais en veillant à ne pas trop s’en éloigner afin de ne pas tomber dans la fantasy pure et dure. En somme, il faut rester dans le post-apocalyptique de notre monde contemporain.
Pour cela, j’utilise des éléments de ma vie quotidienne : les arbres, les poteaux électriques, les immeubles… Je regarde également beaucoup de photos sur internet, ou alors des livres de photos de ruines, ou de lieux célèbres comme les grandes jungles de la planète, l’Amazonie, Ayers Rock…
Le livre préféré de Roue dans Heart Gear est L'homme bicentenaire d'Isaac Asimov, une référence en matière de nouvelles sur la robotique. Dans la série il s'est aussi écoulé 200 ans depuis la 3e guerre mondiale… Quelle est l'influence d'Asimov sur vous ?
Le concept des 200 ans n’est pas lié de façon consciente à Asimov.
Sinon, j’aime beaucoup Asimov, mais je dois vous avouer que j’ai surtout été influencé par un film qui s’appelle Androïde, et qui met en scène des robots qui se rapprochent beaucoup de l’être humain et qui sont suivis sur une période extrêmement longue. Je me rappelle que ça m’a beaucoup frappé, et c’est plutôt cet angle-là que j’ai adopté.
Interview réalisée par Takato et Koiwai. Un grand merci à Tsuyoshi Takaki, ainsi qu’aux équipes des éditions Ki-oon et Shûeisha.
Tsuyoshi Takaki, merci d’avoir accepté cette interview. Commençons par revenir sur Black Torch avec une première question simple : comment vous est venu le concept de la série ? Cette idée de mélanger des ninjas modernes avec des démons et un peu d’exorcisme ?
Tsuyoshi Takaki : Dès le départ, j’avais envie de faire un manga d’action et de baston dans un monde contemporain. Mais à partir de là, il fallait trouver un thème, car sans ça on ne peut pas faire d’histoire. J’ai alors décidé d’utiliser les ninjas, qui sont connus aussi bien au Japon qu’à l’étranger, et qui sont donc faciles d’accès.
Ensuite, sur cette base, je me suis demandé ce qui pourrait bien constituer les ennemis de ces personnages. Et étant donné que les ninjas, c’est quelque chose de très japonais, j’ai décidé d’utiliser des ennemis dans le même goût, c’est-à-dire des mononokes, yokaïs et ayakashis.
Puis j’ai élargi l’histoire en utilisant ces concepts de ninjas et de mononokes.
BLACK TORCH © 2016 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.
On associe souvent les chats noirs à des idées maléfiques. Or, dans Black Torch, Rago, même s’il est un mononoke, parvient à être attachant sans être totalement gentil. Est-ce un équilibre volontaire de votre part ? Y a-t-il quelque chose que vous souhaitiez exprimer à travers lui ?
Au Japon aussi, on a effectivement cette superstition du chat qui porte malheur. Ce n’est pas un motif de peur ultime, mais il y a une certaine crainte face à ça. De ce point de vue là, ça se rapproche pas mal du concept de mononoke.
Personnellement, les chats noirs, je trouve ça très cool, très classe, aussi bien au niveau du sens qu’ils représentent que visuellement. C’était l’animal parfait pour Black Torch, d’autant plus que voir un personnage avec un chat noir sur l’épaule ça donne tout de suite une certaine allure.
La série est assez courte, et on sent dans la conclusion qu’il y avait encore énormément d’éléments à aborder par la suite. Initialement, jusqu’à quel point aviez-vous pensé l’univers de Black Torch ?
Effectivement ça se finit en 5 volumes, ce qui correspond à peu près à l’arc centré sur Amagi.
Je pense que j’aurais pu continuer l’histoire sur plus de 10 volumes, car j’avais pas mal réfléchi à des choses comme le passé de Rago, les problématiques familiales de Jiro, Ichika ou Reiji.
Mais voilà, ça s’est terminé en 5 tomes.
BLACK TORCH © 2016 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.
Une de vos qualités en tant que créateur d’histoires, c’est de lancer plusieurs pistes scénaristiques et de parvenir à les assembler à la fin. Est-ce quelque chose qui vous a demandé un travail rigoureux, ou est-ce inné pour vous ?
Sur les 5 tomes de Black Torch, j’avais déjà prévu les grandes lignes dès le départ, donc le projet était construit comme ça, et ça m’a alors permis de disséminer des indices pour les rassembler à la fin.
Black Torch est votre première œuvre en plusieurs volumes, et pourtant vos planches sont très vivantes, et époustouflantes lors des scènes d’action. Dans ces séquences de combat, qu’est-ce qui vous pose le plus de difficultés au niveau du dessin ?
Pour moi, dans les scènes de combat, le plus important au-delà de rendre l’action classe, c’est la facilité pour le lecteur de suivre l’action.
Comme dans un manga on n’a pas toutes les séquences d’un moment d’action, c’est un petit peu plus compliqué que dans une vidéo, et il faut donc trouver les bons gestes, les mouvements les plus parlants. C’est un élément sur lequel j’insiste depuis mes débuts. Je dirais donc que plus que le dessin lui-même, c’est la mise en scène qui prime, notamment les décisions sur le nombre de cases, les angles de vue à adopter… C’est ça qui est le plus difficile, mais c’est aussi ce qui est le plus excitant, de trouver la meilleure façon de rendre ces scènes.
Je fais donc toujours attention au rythme en utilisant tantôt des cases de loin avec beaucoup de décors, tantôt des zooms sur les visages pour montrer les émotions des personnages. j’utilise ces techniques aussi bien sur Black Torch que sur Heart Gear.
HEART GEAR © 2019 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.
Justement, parlons à présent de votre nouvelle série, Heart Gear. Ici, vous avez décidé de changer de registre en vous essayant à la SF. Comment est née cette idée ? Qu'est-ce qui vous attire dans la SF ? Et comment avez-vous imaginé ce binôme principal fillette/robot ?
J’ai toujours aimé la SF. J’avais depuis longtemps envie d’en faire moi-même, et c’était l’occasion rêvée.
Il y a différents genres qui existent, comme le cyberpunk, le steampunk, le post-apocalyptique avec des robots… Moi, c’est ce de dernier genre que je préfère.
Après, c’est un genre qui peut être difficile d’accès pour une certaine partie du lectorat, donc afin de le rendre accessible au plus grand nombre j’ai beaucoup parlé avec mon éditeur, et on a ainsi décidé d’utiliser un personnage de jeune fille humaine accompagnée d’un robot. Je pense que c’est plus facile à comprendre et à appréhender, et en plus ça permet d’avoir deux points de vue différents selon les aventures vécues. Il y a la vision de l’humaine avec toutes les émotions qu’elle peut ressentir, et celle du robot qui vit par sa logique. Pour moi, c’est vraiment ce duo ensemble qui forme un personnage principal à part entière.
Faire un manga post-apocalyptique demande des décors spécifiques, et ceux de Heart Gear sont très présents et très travaillés. Comment les imaginez-vous ? Où puisez-vous l'inspiration pour ces décors très immersifs ?
La difficulté, c’est de trouver l’équilibre dans la construction d’un monde à première vue futuriste, et qui n’est donc pas notre monde actuel, mais en veillant à ne pas trop s’en éloigner afin de ne pas tomber dans la fantasy pure et dure. En somme, il faut rester dans le post-apocalyptique de notre monde contemporain.
Pour cela, j’utilise des éléments de ma vie quotidienne : les arbres, les poteaux électriques, les immeubles… Je regarde également beaucoup de photos sur internet, ou alors des livres de photos de ruines, ou de lieux célèbres comme les grandes jungles de la planète, l’Amazonie, Ayers Rock…
Le livre préféré de Roue dans Heart Gear est L'homme bicentenaire d'Isaac Asimov, une référence en matière de nouvelles sur la robotique. Dans la série il s'est aussi écoulé 200 ans depuis la 3e guerre mondiale… Quelle est l'influence d'Asimov sur vous ?
Le concept des 200 ans n’est pas lié de façon consciente à Asimov.
Sinon, j’aime beaucoup Asimov, mais je dois vous avouer que j’ai surtout été influencé par un film qui s’appelle Androïde, et qui met en scène des robots qui se rapprochent beaucoup de l’être humain et qui sont suivis sur une période extrêmement longue. Je me rappelle que ça m’a beaucoup frappé, et c’est plutôt cet angle-là que j’ai adopté.
Interview réalisée par Takato et Koiwai. Un grand merci à Tsuyoshi Takaki, ainsi qu’aux équipes des éditions Ki-oon et Shûeisha.