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Manga Rencontre avec Tarô Samoyed (Artiste, un chef d'exception)

Mercredi, 15 Août 2018 à 17h00 - Source :Rubriques Interviews

L'édition 2018 de Livre Paris fut importante en ce qui concerne le manga. De nombreux invités ont répondu présent à l'appel, dont Tarô Samoyed, autrice du récent Artiste, un chef d'exception. La mangaka a accepté de nous rencontrer afin de nous parler de son œuvre mettant à l'honneur la gastronomie, et les artistes d'une manière plus générale...


Artiste est votre première œuvre, pourquoi avoir choisi la gastronomie comme sujet ? Est-ce un univers qui vous captive ?

Tarô Samoyed : Au départ, je ne voulais pas focaliser mon œuvre spécifiquement sur la gastronomie, mais sur un artiste.
De par mon cursus, j'ai fait une école d'art où j'étudiais les décors théâtraux. J'ai ensuite intégré une société de jeux-vidéo. Dans ces deux environnements, j'ai rencontré beaucoup de créatifs, autant de personnes intéressantes qui m'ont inspirée pour créer une histoire autour d'artistes.


Avec Artiste, vous montrez que la cuisine n'est pas qu'une histoire de préparation de plats. C'est tout un univers, voire un business. Avez-vous eu un grand besoin de documentation pour apprendre cet envers du décor ? Certains chefs vous ont-il fait part de leurs expériences ?

Tarô Samoyed : Effectivement, j'ai dû me documenter car cet univers ne fait pas forcément beaucoup parler de lui. Je me suis surtout basée sur des films et des documentaires traitant des gastronomies françaises et européennes. Aussi, beaucoup de chefs japonais sont venus s'entraîner en France. Ils partagent leurs expériences à travers des livres et essais, je me suis inspirée de ces ouvrages.

On remarque assez vite votre connaissance de Paris : Les architectures présentes dans le manga dépeignent le Paris chic, et d'autres anecdotes, par exemple autour des transports en commun, prouvent que vous avez côtoyé la ville. Quelle a été votre expérience de la capitale ? Est-ce une ville à laquelle vous êtes attachée ?

Tarô Samoyed : Comme tous les japonais, j'avais en tête d'un Paris chic, propre et beau, du moins à la base. En venant en France et en voyant les films qui dépeignent la vie parisienne, j'ai pu apprendre l'envers du décor, celui d'un Paris réaliste pas toujours propre, avec beaucoup de diversité et parfois de la discrimination. Effectivement, j'ai peut-être réussi à rendre ces deux aspects de Paris dans Artiste.


On retient du premier tome une sorte d'opposition entre le Gilbert, calme, posé, et aimant cuisiner pour ceux qu'il aime, et la facette impitoyable du monde gastronomique. Est-ce une opposition volontaire ?

Tarô Samoyed : Effectivement, j'ai plongé un personnage particulièrement candide dans le monde difficile de la cuisine, si bien qu'on peut se demander comment il va s'en sortir. Mais justement, son talent lui permet, malgré sa personnalité, de survivre dans cet univers. C'est ce que j'ai voulu traiter avec le personnage de Gilbert.

Un autre sujet revient souvent dans le premier tome : la difficulté à trouver sa propre voie. On le ressent avec Gilbert qui n'ose pas s'imposer dans l'univers de la cuisine ou Marco qui se contente d'enchaîner les petits-boulots pour lesquels il n'a aucune attache. Est-ce une thématique qui vous tient à cœur, voire que vous avez rencontré lors de votre adolescence ?

Tarô Samoyed : Je pense faire partie des gens qui ont facilement trouvé leur voie puisque, depuis que je suis toute petite, j'aime le dessin. Aujourd'hui, je parviens à vivre de ma passion. Cependant, j'ai toujours eu autour de moi des gens qui poursuivaient leurs études et qui, une fois diplômés, acceptaient un emploi même si ça ne correspondait pas à ce qu'ils voulaient faire. Certains ne savaient tout simplement pas ce qu'ils aimaient. Mon idée était de transmettre la nécessité de continuer à chercher ce qu'on aime vraiment faire, plutôt qu'accepter par dépit ce qui se présente à nous, sans compromis.

Dans Artiste, il ne semble pas y avoir de mauvaise personne. Même les individus les plus véreux n'ont pas un mauvais fond, ils se montrent même assez humains. Comment pensez-vous ces personnages, loin d'être manichéens ?

Tarô Samoyed : Je pense qu'un humain n'est jamais tout blanc ou tout noir, ce n'est pas aussi simple. Une personne gentille en apparence peut être un hypocrite et véhiculer les pires insultes possibles sur internet, des gens comme ça existe. Selon l'angle sous lequel on considère cette personne, elle peut avoir des aspects opposés. C'est ce qui fait l'attrait des êtres humains, c'est ce que j'ai voulu montrer avec mes personnages.


Vous évoquiez l'idée tout à l'heure, aussi la fin du premier tome laisse penser que la série ne sera pas consacrée qu'aux chefs cuisiniers, mais aux Artistes au sens large du terme. Cette piste sera-t-elle exploitée par la suite ?

Tarô Samoyed : Effectivement, on peut dire qu'il y a deux décors dans cette histoire : La cuisine où travaille Gilbert, et l'appartement qu'il intègre à la fin du premier tome. Mon histoire est celle de l'évolution de Gilbert, à travers les influences qu'il aura en cuisine, et par d'autres artistes.

Conclure le premier tome par l'entrée de Gilbert dans son appartement laisse croire qu'il s'agissait d'une introduction à la série. Ainsi, avez-vous une idée de la longueur de votre œuvre, et peut-être de sa fin ?


Tarô Samoyed : Vous devez le savoir, mais c'est la problématique du manga au Japon : l'auteur n'est pas forcément décisionnaire de la durée de son histoire. Je n'ai pas décidé de la fin de mon histoire, mais j'aimerais une longue parution.

Artiste n'en n'est qu'à ses débuts, et il s'agit de votre première série. A l'avenir, dans vos futures œuvres, y a-t-il d'autres sujets que vous aimeriez traiter ?

Tarô Samoyed : Pour ce premier titre, je me suis basé sur l'univers artistique car j'en suis proche. Mais je veux dessiner avant tout de relations humaines. Je ne sais pas dans quels univers évolueront mes prochains titres, mais c'est quelque chose que j'aimerais exploiter encore.

Certains mangaka vous ont-il influencée ?

Tarô Samoyed : Si on parle de mangaka, j'ai été influencée par Osamu Tezuka et Moto Hagio, des auteurs classiques au Japon.


Interview réalisée par Takato, Koiwai et Zébuline. Remerciements à Tarô Samoyed et à ses éditeurs, à Glénat pour l'organisation de la rencontre, et à Satoko Inaba pour la traduction.

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