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Manga Rencontre avec CAB et KTA, les auteurs D'Encre et de Feu

Dimanche, 29 Avril 2018 à 18h00 - Source :Rubrique Interviews

Les récentes éditions H2T ont été façonnées autour de la plateforme Weekly Comics, en publiant de manière physique les séries proposées en prépublication digitale. Lancées à l'occasion de l'édition 2017 de Japan Expo, H2T fut présent en compagnie de ses premiers auteurs édités en formats reliés. Parmi-eux, CAB et KTA, respectivement scénariste et dessinateur D'Encre et de Feu, un récit d'aventure fantastique qui comptera deux volumes au total. Ces deux jeunes talents, complices et ambitieux, ont accepté de nous rencontrer afin de se livrer sur leur travail, en compagnie de Mahmoud Larguem, Directeur Éditorial de H2T.


Bonjour CAB et KTA, merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous vous présenter, et parler de votre parcours ?


KTA : Bonjour, je suis KTA. Je suis dessinateur autodidacte, dans le sens où je n'ai pas suivi de parcours spécifique et n'ai pas fréquenté d'école de dessin. Tout m'est venu par la passion, par l'envie de découvrir.

CAB : Je suis CAB, autodidacte comme KTA. J'ai toujours aimé raconter des histoires, aussi le manga était tout indiqué pour le scénario que j'avais en tête. C'est comme ça qu'on en est venu à travailler tous les deux.


Comment en êtes-vous venu au manga, en tant que lecteurs ?

CAB : Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis passionné de mangas. J'adore ça, notamment les codes que le format utilise, du coup je ressens plus de passion à en faire qu'à en lire. C'est difficile à dire, j'aime beaucoup les romans, les nouvelles, et même plein de médiums qui servent à raconter des histoires, comme le cinéma. Mais en vrai, je ne suis pas "passionné" de manga.

KTA : Pour ma part, j'ai été touché par les histoires et les personnages d’œuvres qui ont su me transmettre des choses. Par exemple, dans le nekketsu classique, ce schéma du récit qui passe du désespoir à l'espoir, des héros qui perdent puis se relèvent pour affronter l'adversité, c'est vraiment motivant, à tel point qu'on se laisse vite entraîner dans ces récits. L'héroïsme des nekketsu, c'est un aspect qu'on aimerait approcher dans notre titre.



Pouvez-vous parler de la genèse D'Encre et de Feu ? Comment est né votre duo, pour ensuite créer cette série ?


CAB : On s'est associé bien avant D'Encre et de Feu, il y a quatre ans. Nous n'avions plus de projets solo de nos côtés respectifs, on était en stand-by. On suivait les travaux l'un de l'autre et vu qu'on cherchait à établir un projet, on s'est demandé pourquoi pas se lancer ensemble ?

KTA : Concrètement, on est repartis de zéro. A mon niveau, pour le dessin, j'ai revu les bases. Avec D'Encre et de Feu, nous voulions faire quelque chose de cohérent afin de gagner en maturité, en tant qu'auteurs notamment. Notre association se prêtait totalement à notre objectif.


D'Encre et de Feu a d'abord été prépublié en digital sur la plateforme Weekly Comics. Avec Hana no Breath et Euterpe, c'est l'une des trois premières séries à bénéficier d'une édition physique chez H2T. Comment s'est déroulée cette sélection ? Est-elle liée à la popularité de l’œuvre sur la prépublication numérique ?

Mahmoud Larguem : Il s'agissait juste des trois premières séries qui ont été finalisées pour Weekly Comics en terme de chapitres. La publication physique chez H2T suit automatiquement la prépublication numérique sur Weekly Comics, sans condition de popularité. C'est systématique, on signe ainsi nos contrats avec les auteurs. La prépublication digitale est pour nous un outil pour accompagner le travail et le faire évoluer intelligemment. La volume relié, lui, sortira quoi qu'il arrive. C'est comme le modèle des magazines de prépublication japonais.



KTA, ton trait est vraiment dense, on sent un gros travail sur les décors, sur les détails des personnages, si bien que chaque case ne laisse pas de place aux vides. Un tel travail doit demander beaucoup de temps, est-ce le cas ?

KTA : Avant, un seul chapitre pouvait me prendre un mois et demi, voire plus. Car pour ne pas perdre en qualité, je demande pas mal de conseils, aussi bien à CAB qu'à l'éditeur. Avec mon rythme actuel, j'arrive à finir un chapitre en trois semaines. Petit à petit, c'est devenu quelque chose de naturel. Il faut juste s'adapter au rythme ainsi qu'aux outils japonais, comme la Plume G.


Du coup, quels sont les outils que tu utilises pour dessiner ?

KTA : J'utilise la Plume G pour les personnages, et la Plume Maru pour les détails. J'ai compris qu'il fallait varier l'épaisseur des traits pour garder une cohérence, du visage au corps en passant par les détails. Ceux-ci ne doivent pas empiéter sur les éléments organiques des personnages. Pour les décors, je n'utilise que la Plume Maru avec des pigma microns et quelques hachures, je trouve le rendu fin et très beau.


D'Encre et de Feu met en scène des pouvoirs comme on en trouve dans les mangas d'action, mais pas que. On y voit aussi de nombreux éléments de fantasy et de mythologie, dans le bestiaire notamment... CAB, quelles sont tes principales influences pour élaborer l'histoire et l'univers ?

CAB : Pour D'Encre et de Feu, mon influence est clairement la saga du Sorceleur d'Andrzej Sapkowski, et sa quête qui présente le monde dans lequel Geralt évolue, par ses yeux et ceux des personnes qui l'accompagnent. Notre série est aussi une chasse au trésor, et ce côté vient davantage d'Uncharted qui reste un chef d’œuvre à mes yeux. Tout cela m'a servi pour l'écriture du scénario.
Pour le bestiaire, j'y vais vraiment au feeling. Si je veux un monstre énorme, je vais cherche quelque chose de gigantesque dans les mythologies ou les cultures. Par exemple, D'Encre et de Feu fait référence à une Tarasque. Peu de gens savent ce que c'est, il s'agit pourtant d'une créature du folklore français, c'est une sorte de taureau gigantesque à huit pattes avec des cornes énormes et une queue de serpent. C'est français, je n'ai pas été cherché plus loin que ça. Ensuite, KTA l'a dessinée à sa façon, il l'a intégrée à l'univers D'Encre et de Feu. C'est plutôt KTA qui a effectué un gros travail de recherche sur l'univers. Le tome un présente des petites créatures de la forêt, semblables aux Sylvains de Princesse Mononoke. KTA est tellement imprégné par l'univers qu'il peut créer des personnages ou des créatures au second plan sans avoir besoin de moi. Pour le reste du bestiaire, on a plein de monstres en stock !

KTA : Selon le lieu où se déroule l'action, il est important de bien doser ces créatures.



Justement, entretenez-vous des échanges mutuels ? Cab, t'arrive-t-il d'apporter des éléments au dessin de KTA ? Et toi, donnes-tu quelques idées de pistes narratives à CAB ?

CAB : C'est moins complexe que ça. Ce n'est pas vraiment qu'on apporte des choses à l'autre mais à force de parler, on se dit naturellement "Il faut qu'on le fasse !". On va parler, et nos échanges donneront une fusion de nos idées, le résultat final. Si je me questionne sur les changements des yeux, KTA me répondra qu'il verrait bien des yeux noirs et voilà, on aura le résultat qu'on voulait exactement. Quand KTA a des suggestions narratives, elles s'intègrent parfaitement à ce qu'on voulait.

KTA : Sachant qu'on prend aussi le temps de consulter notre éditeur avant de faire n'importe quoi. (rires)
Après, j'ai plus d'immersion que CAB dans le sens où son travail relève beaucoup de l'écrit. De mon côté, je retranscris en images et lorsque quelque chose ne va pas, je lui dit clairement afin de retravailler cet axe et créer quelque chose de plus intéressant pour le lecteur.

CAB : KTA est le premier lecteur dans le sens où quand quelque chose ne va pas, il me corrige. Parfois, il y a des incohérences que je ne remarque pas forcément parce que je sais où je vais. Vu qu'il est le premier lecteur, il a un œil objectif et sait quand un élément de l'histoire n'ira pas. C'est quand même très rare qu'on ne tombe pas d'accord.

KTA :
On arrive souvent à la même idée, il nous faut juste prendre le recul nécessaire. Le travail d'écriture est statique et linéaire, ce n'est pas facile. En comparaison, l'aspect graphique, notamment par rapport aux codes du manga, offre énormément de libertés.

CAB : Oui, du coup tu m'offres un recul sur le scénario que je n'ai pas forcément. C'est parce qu'on échange que j'arrive à voir ce que tu veux aussi. C'est comme ça qu'on aboutit à des idées cohérentes aussi bien scénaristiquement que graphiquement.


La série totalisera deux tomes. Est-ce que cette expérience vous offrira un bon bilan ? Par votre alchimie, on peut supposer que vous réitèrerez vos collaborations...


CAB : Bien-sûr, j'adore travailler avec KTA d'une manière général.

KTA : Oui car on s'est beaucoup apporté mutuellement. Mais nous n'avons pas encore atteint un niveau qui nous convient. Nous continuerons à travailler ensemble pour aboutir à un résultat unique. C'est notre but en tout cas, et on continuera à travailler tous les deux.


On peut donc s'attendre à vous retrouver aux éditions H2T et sur Weekly Comics ?

KTA : Oui, si on ne nous met pas à la porte. (rires)
En tout cas oui, on continuera tant qu'on aura quelque chose à offrir en tant qu'auteurs.


Vous avez donc pu rencontrer vos lecteurs via les séances de dédicaces. Globalement, s'agit-il de personnes qui vous ont lus sur Weekly Comics, ou de futurs lecteurs qui vous découvrent par le biais du salon ?

CAB : Justement, ce ne sont pas encore des lecteurs. On a rencontré plus de personnes qui ont accroché en voyant notre style, plutôt que de lecteurs qui nous connaissaient déjà. Des gens que nous connaissions sont venus, mais la majorité ne suivaient pas encore notre travail. Certains sont aussi venus nous voir parce qu'ils ont vu des articles sur internet, sur Manga-News notamment.

KTA : Le travail de promotion autour du manga français a beaucoup aidé oui. Ça pousse les gens à aller plus facilement vers les œuvres, même vers les débutants. Les salons nous aident aussi beaucoup, notamment parce qu'on adore discuter avec les gens, chose que nous n'avons pas le temps de faire lorsqu'on travaille sur les tomes. C'est un peu une récompense, et c'est génial.

CAB : C'est super de parler avec de futurs lecteurs qui découvrent dans quoi ils arrivent. C'est beaucoup de pression dans le sens où les gens qui lisent du manga français disent souvent adorer Radiant et Dreamland. Le fait que nos tomes finiront entre ces deux séries, sur les étagères, c'est une pression énorme, on espère être au niveau.



D'Encre et de Feu ayant été prépublié avant de sortir en version physique, y-a-il eu des ajustements de votre travail avant la parution en librairies ? Des corrections graphiques notamment, comme c'est le cas au Japon parfois...


KTA : Pas tellement graphiquement. C'était surtout des ajustements à faire de mon côté, des erreurs qu'on ne voit pas quand on est lancé mais que l'éditeur a remarqué grâce à son expérience.

Mahmoud Larguem : Si, il y a le premier chapitre que CAB et KTA ont tenu à remettre aux goûts du jour, aussi bien en terme de dessin que sur la narration.

CAB : Oui, c'était essentiel pour nous. Ce premier chapitre commençait à dater, et il avait été conçu davantage comme un pilote que comme un premier chapitre. Sachant que le premier tome D'Encre et de Feu est notre premier ouvrage publié, on voulait qu'il soit au niveau. Pas parfait, parce que nous n'avons pas cette prétention, mais que ce premier chapitre soit authentique.

KTA : C'était aussi une sorte de cadeau. Notre but est aussi d'offrir aux lecteurs, qu'un plaisir ressorte de l'énergie dépensée.


On peut voir qu'il y a une vraie complicité avec votre éditeur, H2T. A l'instar du modèle japonais, est-ce qu'il intervient dans le processus de création de l’œuvre ?

CAB :
C'est vraiment très rare. Mahmoud nous laisse faire ce qu'on veut et s'il y a des ajustements à faire, il nous en fait part via un mail. Mais globalement, nous avons une totale liberté.


Remerciements à CAB, à KTA, ainsi qu'à Mahmoud Larguem, Directeur Éditorial des éditions H2T.




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