Chronique Film - Erased- Actus manga
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Dvd Chronique Film - Erased

Mardi, 26 Décembre 2017 à 19h00

2006. Satoru Fujinuma, 28 ans, livreur de pizza à ses heures perdues, essaie désespérément de devenir mangaka, mais ses projets de manga sont sans cesse refusés. D'un naturel un peu éteint et désabusé, s'accrochant tant bien que mal à son rêve d'être auteur de manga, il attire quand même la sympathie de sa jeune et joviale collègue Airi qui fait pourtant tout pour être amicale, et peut compter sur le soutien d'une mère chez qui il vit toujours et qui le soutient sans faillir.
Et pourtant, Satoru est loin d'être comme les autres, car en lui se cache un étrange pouvoir : à chaque fois qu’un incident ou une tragédie a lieu près de lui, il est projeté dans le passé, quelques instants avant le drame, pour empêcher l’inévitable avant qu’il se produise. Plutôt que d'en faire un don positif, il vit ça comme une corvée, ce qui ne l'empêche néanmoins pas de jouer les héros à chaque fois que ça arrive. Et c'est en jouant une énième fois les héros, pour éviter un enlèvement de fillette près d'un centre commercial, qu'il enclenche sans le savoir une spirale infernale.
Présente avec lui ce jour-là, sa mère repère et reconnaît le potentiel enleveur d'enfants, en réalité impliqué dans une affaire de meurtres d'enfants qui ont eu lieu en 1988, à l'époque où Satoru était en primaire, et dont les victimes étaient des jeunes de son entourage. Hélas, la mère de notre héros n'a pas le temps d'évoquer pleinement ses soupçons : elle a été repérée par le meurtrier, qui pénètre chez elle pour la poignarder à mort. Quand il rentre chez lui, Satoru ne peut que pleurer sur le corps sans vie de sa génitrice... Et tandis qu'il se retrouve accusé du meurtre par la police et traqué, s'enclenche en lui la plus importante de ses "rediffusions" (les fameux retours en arrière), en revenant 18 ans en arrière, en 1988, dans sa peau de petit garçon, quand tout a commencé...

 
A l'origine, Erased est un excellent thriller temporel que l'on doit au mangaka Kei Sanbe, artiste que l'on connaît bien en France pour plusieurs autres séries : Testarotho, Kamiyadori, L'île de Hozuki, et Le Berceau des Esprits. Spécialisé dans les séries à suspense plutôt dans le registre de la série B habituellement, le mangaka, avec ce manga en 8 tomes (plus un spin-off d'un tome, Erased Re) paru en France aux éditions Ki-oon, a sans doute signé son chef-d'oeuvre à ce jour, la série ayant été saluée par le public et la critique et ayant frôlé certaines récompenses au Japon. Notons aussi que la série a gagné notre Tournoi seinen 2014.

Il n'en fallait pas plus pour que l'oeuvre attire l'intérêt de plusieurs adaptateurs, et c'est ainsi que début 2016, Erased a d'abord eu droit à une adaptation animée. Diffusée en simulcast sur Wakanim, celle-ci, malgré de grosses faiblesses dans ses derniers épisodes qui tronquaient beaucoup trop de choses, a rencontré un succès important en faisant même partie des animes les plus populaires de 2016, et en accroissant la popularité de la licence.

A l'heure où le manga et l'anime s'achevaient au Japon, Erased eut également droit à une adaptation en film live, offrant ainsi encore une autre vision de l'oeuvre. Sorti dans les salles de cinéma nippones le 19 mars 2016, ce long métrage vient tout juste d'arriver en France en vostf en dématérialisé sur la plateforme Wakanim, où il peut être regardé depuis le 25 décembre en étant réservé aux abonnés. Décembre 2017 est un mois décidément riche pour l'oeuvre imaginée par Kei Sanbe, puisque c'est également en ce mois qu'est arrivée sur Netflix l'adaptation en série drama.


En commençant le film live, il faut forcément avoir conscience d'une chose : le manga, qui compte 8 tomes (9 avec le spin-off), ne pourra pas être entièrement adapté en seulement 2 heures, et dans cette optique l'équipe du film a fait des choix nets : adapter avant tout les 4 premiers tomes du manga, qui se focalisent sur le désir de Satoru de sauver la petite Kayo Hinazuki, une camarade de classe renfermée destinée à être tuée par le meurtrier le 2 mars 1988. Revenu dans son corps d'enfant en février 1988, Satoru a donc seulement quelques jours pour trouver un moyen d'empêcher la mort de Kayo, espérant ainsi ruiner les plans du meurtrier et annuler le meurtre de sa mère en 2006. En se focalisant sur les 4 premiers tomes du manga pendant 1h30, cette adaptation prend efficacement son temps pour bien dépeindre toute l'atmosphère de la première partie de l'oeuvre originale, et pour travailler correctement ses personnages. En respectant les sauts dans le temps entre 1988 et 2006, le film permet de retrouver avec attachement un personnage principal volontaire pour sauver ses proches, mais qui, en revenant dans son corps d'enfant, prend aussi conscience de tous les moments heureux qu'il a pu vivre grâce à une mère courageuse, qui l'a élevée seule avec amour et en lui faisant toujours confiance dans ses plans, pour en faire un garçon courageuse. Et c'est donc également la mère de Satoru qui s'avère bien respectée dans cette adaptation. 



De même, en 2006, le staff a su dépeindre avec réussite Airi, cette jeune fille pétillante, qui veut rester positive malgré ses propres problèmes personnels, et qui sera un soutien de très grande importance pour Satoru. Le personnage le plus touchant reste toutefois la petite Kayo elle-même, dans la mesure où en cherchant à devenir son ami pour la sauver du tueur, Satoru découvrira en elle d'autres problèmes tout aussi dramatiques dont il devra la sortir... Il sera notamment question de maltraitance parentale grave, expliquant pourquoi la fillette est si repliée sur elle-même, et l'on suit donc avec beaucoup d'attachement sa lente ouverture et reprise d'espoir au contact de Satoru et de sa mère, pour un résultat globalement réussi et plutôt émouvant à quelques reprises. On pense bien sûr à la fameuse scène du tout premier vrai petit déjeuner de la vie de la petite fille, très poignante dans le manga et dans l'anime, et qui s'avère ici plus en retenue et plus brève, mais aussi très forte.


Si le film convainc plutôt facilement pendant les trois quarts de sa durée, c'est néanmoins surtout pour deux éléments : sa réalisation soignée, et son casting de haute volée.
Sur le plan de la réalisation, Yûichirô Hirakawa a eu à coeur d'offrir un long-métrage à l'ambiance immersive, et pour cela il a d'abord souvent soigné sa mise en scène, en pouvant notamment compter sur ces éléments déjà présents dans le manga d'origine. Ainsi, certains passages sont bien fichus, comme la première fois où Satoru revient en 1988 (on voit ça directement à travers ses yeux), de nombreux effets de caméra sont présents pour faire profiter du cadre de la ville, les différentes atmosphères d'époque entre 1988 et 2006 se ressentent assez bien... Peut-être que l'ambiance hivernale, avec la neige, aurait pu être plus poussée, tant elle a contribué à l'ambiance du manga.
Le casting, lui, est quasiment impeccable dans chacun de ses choix. Bien connu pour son rôle de Light Yagami dans les films Death Note, Tetsuya Fujiwara campe un Satoru adulte très convaincant dans son côté d'abord désabusé et effacé, puis dans sa lente reprise d'espoir et de convictions au fil du film. Kasumi Arimura et Yuriko Ishida, qui campent respectivement Airi et la mère de Satoru, sont tout aussi convaincantes en sachant bien respecter la personnalité de leur personnage, les rendant facilement attachantes. Quant au professeur Yashiro, il est incarné par un Mitsuhiro Oikawa lui aussi bien impliqué en sachant faire ressortir les facettes du personnage. Mais on ne peut s'empêcher de saluer avant tout la qualité dans la direction des deux jeunes acteurs incarnant Satoru enfant et Kayo. On sait qu'il peut être difficile de bien diriger de très jeunes acteurs, surtout dans une réalisation abordant des thèmes aussi durs, or les deux enfants s'avèrent impeccables, Kayo étant très touchante et adorable, tandis que Satoru est très attachant dans sa volonté de sauver sa camarade de classe. Néanmoins, malgré le soin accordé au moins à ses trois premiers quarts, à sa réalisation réussie et à son excellent casting, le film est loin, très loin d'être dépourvus de défauts, malheureusement.


Celles et ceux qui connaissent le manga et l'anime remarqueront bien sûr que de nombreux éléments sont quand même occultés : par exemple, l'importance de Kenya qui est ici très secondaire... sans compter tout ce qui est développé après le tome 4, comme le cas d'Aya Nakanishi qui n'est évoqué et ferait presque de la peine (Satoru ne herchera pas à la sauver dans ce film, elle mourra dans son coin et basta)... toutefois, tous ces éléments-là ne sont pas très graves dans l'optique d'un film de ce genre : le scénariste a pris soin d'amoindrir leur importance pour éviter de s'égarer. Par exemple, si vous ne connaissez ni le manga ni l'anime, ce ne sont pas ces éléments là qui vous feront tiquer. En revanche, il y a beaucoup d'autres petits détails qui pourront laisser un peu en plan un spectateur néophyte. On pense à des scènes spécifiques comme celle de l'arbre, dont l'importance n'est pas expliquée, ou à certains thèmes trop vite expédiés : le désir enfantin de Satoru d'être un "héros" est bien là, mais est posé trop succinctement au départ pour vraiment intéresser par la suite, et c'est toute l'évolution du personnage principal qui en pâtit un petit peu. On retient aussi l'idée, inédite, du manga dans le manga, sorte de mise en abyme intéressante, mais qui ne convainc pas, car elle n'est jamais vraiment développée. Il y a ainsi plein de petits (parfois très petits) éléments qui pèchent et peuvent laisser circonspects les spectateurs attentifs. Pas mal de non-dits rendant le scénario mal construit, et de petites incohérences évitables... qui ne sont rien à côté de la dernière demi-heure.


En effet, le dernier quart du film s'engage dans un final inédit, qui est loin d'être inintéressant au final, car il offre une conclusion bien différente et beaucoup plus dramatique, ce qui est clairement audacieux. Mais le chemin pour en arriver là empreinte des voies qui ne convainquent pas du tout. Et là, on entre dans quelques lignes de spoil, jusqu'à la fin de ce paragraphe. Ce qui frappe avant tout dans cette dernière ligne droite, c'est l'aspect invraisemblable de plusieurs situations. Comment expliquer que Satoru monte de lui-même seul dans la voiture du tueur, alors qu'il a déjà deviné qu'il est le meurtrier ? C'est complètement débile. Où sont les explications concernant ce qui arrive à Satoru entre sa chute du pont et son réveil à l'hôpital ? Absolument rien n'est dit, c'est un énorme manque qui rend la scène incompréhensible. Pourquoi n'y a-t-il aucune explication sur Kayo lors du réveil à l'hôpital, et pourquoi personne d'autre n'est au chevet de Satoru à ce moment-là ? Comment Satoru a deviné quelle était la voiture du meurtrier dans les dernières minutes, pour pouvoir ainsi se ramener devant juste au bon moment ? Pourquoi vont-ils sur un toit juste après, sans explications ? Ça aussi c'est débile. Pourquoi les flics qui arrivent sur le toit poireautent-ils bêtement pendant que Satoru parle en étant mal en point ? Et qu'est-ce que c'est que ces motivations du tueur balancées en 10 secondes et assez ridicules pour quelqu'un de sa trempe ? Ce dernier quart du film est une accumulation de facilités et d'incohérences qui ruinent un peu un long métrage qui commençait pourtant bien.


Soigné dans sa réalisation et dans son ambiance, très plaisant dans son casting réussi, le film live d'Erased s'avère convaincant pendant une bonne partie, malgré quelques facilités, avant que n'arrive la dernière demi-heure, qui a le mérite de vouloir offrir une fin inédite, mais qui s'égare complètement dans la voie pour arriver à cette fin. En résulte un film qui a pas mal d'atouts, mais qui sombre complètement dans sa dernière ligne droite mal travaillée.
Concernant la version proposée par Wakanim, on a droit à une qualité d'image excellente et à une piste sonore fluide. Du côté des sous-titres, c'est clair et soigné, malgré quelques changements de sens dans les phrases, et malgré quelques petites erreurs, entre autres Sachiko (la mère de Satoru qui est renommée Sawako à au moins un moment.
L'avis du chroniqueur
Koiwai

Mardi, 26 Décembre 2017
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