Manga A la rencontre de Harumo Sanazaki
Essentiellement connue en France pour le manga Bishin et pour sa collaboration avec Yôko Hanabusa sur Gwendoline, Harumo Sanazaki est pourtant une artiste à la carrière aussi longue que prolifique. C'est à l'occasion de Japan Expo, où elle était invitée, que nous sommes allés l'interviewer.
Harumo Sanazaki, merci d'avoir accepté cette entrevue. Pour commencer, qu'est-ce qui, à l'origine, vous a donné envie de devenir mangaka ? Y a-t-il des artistes ou des oeuvres qui ont motivé ce choix ?
Harumo Sanazaki : C'est moi qui suis honorée.
Sans conteste, c'est vraiment Shôtarô Ishinomori qui est mon auteur préféré. Depuis toujours, je le lis et le relis sans me lasser.
Depuis que je suis très jeune je suis fascinée par les arts du spectacle, par tout ce qui implique une scénographie et une expression corporelle, et je retrouve ça en faisant du manga, où je peux retrouver une expressivité équivalente.
En France on vous connaît surtout pour le manga Bishin. Comment est né ce manga ?
Je ne vais pas vous apprendre grande chose, mais je suis une très grande fan de Yoshiki. C'est par admiration et par respect pour lui que j'ai fait ce manga, avec le souhait de faire ressortir la beauté qu'il dégage.
J'ai été particulièrement inspirée par la fois où, l'année de commémoration de Mozart, il a joué au piano son Requiem.
Un titre qui nous interpelle dans votre bibliographie est Opera Za no Kaijin, qui est adapté du Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux. Qu'est-ce qui vous a plus dans l'oeuvre d'origine au point de vouloir l'adapter en manga ? Avez-vous souhaité y ajouter des choses ?
Je pense que ça ne va pas dans un seul sens quand on écrit une adaptation : ça enrichit l'oeuvre originale, et moi aussi j'en retire quelque chose. Là, pour le coup, c'est une exception, car ce 'nest pas l'opéra qui m'a marquée mais bien le roman original. J'avais vraiment envie de dessiner le personnage pour retranscrire son humanité et sa tristesse profonde.
Au fil de votre carrière vous vous êtes essayée à de nombreux styles : aventure, romance, mystère, historique... Qu'est-ce qui vous pousse à vouloir vous diversifier ainsi ? Y a-t-il un style où vous vous sentez plus à l'aise ?
Travailler dans la diversité est parfois un désavantage parce que les fans finissent par se diviser, par faire des choix dans ce qu'ils aiment chez nous et ce qu'ils aiment moins, et commercialement ce n'est peut-être pas aussi efficace que si on restait sur un seul créneau. Mais d'un autre côté, je trouve que c'est important pour la liberté d'expression d'un artiste. Moi, ça me permet de choisir les histoires qui m'ont vraiment plu et que je souhaite transmettre à mes lecteurs.
D'un point de vue artistique ça doit également être plus intéressant pour vous. Quand vous changez ainsi de style, est-ce que ça change aussi votre façon de dessiner ?
Comme j'ai une expérience assez conséquente, je peux affirmer qu'après 25 ans de travail on peut se permettre de dessiner n'importe quelle oeuvre, n'importe quel type d'histoire sans remettre en question sa personnalité.
A travers plusieurs de vos séries, on vous sent assez attirée par la culture occidentale...
Je ne fais pas forcément de distinction. Par exemple, prenez la Route de la Soie : c'est un grand tout, où des mondes très différents sont connectés entre eux et où chacun a son interprétation, mais où on reste plus ou moins connecté par cette idée générale de la culture qui nous pousse à créer de nouvelles choses. C'est ça qui me plaît dans l'Histoire avec un grand H : nous avons une richesse qui nous pousse toujours à explorer, et c'est là que je puise mon inspiration.
Au fil de votre carrière vous avez surtout officié dans le shôjo/josei. Quel bilan feriez-vous de ce genre que vous avez vu évoluer durant ces dernières décennies ?
Pour ce qui est des genres, l'évolution est bien là : maintenant les filles lisent des mangas pour garçons, et vice versa, il y a moins de honte qu'avant à lire les autres genres, si bien qu'il n'y a plus tant de barrières que ça. Mais quand on compare les mangas pour filles d'il y a 30 ans comme La Rose de Versailles et ceux de maintenant, j'ai l'impression que la richesse des thématiques s'est un peu appauvrie.
Avant, dans un même magazine on pouvait avoir des histoires très différentes, alors que maintenant c'est beaucoup plus ciblé, les magazines choisissent de quoi ils vont parler et personnellement je reste parfois sur ma faim.
Je me dis que ce serait bien aussi de laisser la place à des auteurs qui aimeraient parler de femmes aventureuses, ou de garçons romantiques... ce genre de choses. Car là je trouve que la diversité est mal représentée et qu'on enferme trop les récits dans des critères qui nuisent à l'imagination.
Par exemple, en travaillant sur Gwendoline avec Yôko Hanabusa, le message que je voulais aussi faire passer, c'était qu'on peut dessiner pour les très petits enfants des histoires habituellement adressées à un autre public. Je ne sais pas jusqu'où j'aurai été efficace.
Depuis 1997, vous vous impliquez beaucoup dans les échanges internationaux, en proposant des masterclass à travers le monde. Qu'y enseignez-vous ?
Il y a deux intérêts particuliers que j'y vois.
D'une part, maintenant que le numérique permet de tout faire rapidement, il y a de moins en moins d'auteurs qui dessinent à la main. Sur le plan artistique je trouve que ça reste une perte et que cela nuit à la diversité des traits, et j'aimerais donc transmettre cette technique plus artisanale et cet esprit de travail.
D'autre part, je trouve qu'il est important de transmettre tout ça aux enfants. Les enfants en bas âge doivent apprendre très tôt à se servir de leurs mains, c'est très bon pour leur motricité et j'y vois un fort intérêt pédagogique.
Vous participez également à la Société Shakespeare. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
C'est une association constituée de professeurs de littérature qui s'intéressent à Shakespeare. L'attractivité consiste à faire des mangas adaptant les oeuvres de Shakespeare. C'est une forme de vulgarisation visant à ce qu'un public plus grand connaisse cet auteur.
Depuis 2011 vous travaillez également sur la production de films. Pourquoi ce choix ? Est-ce une façon pour vous d'explorer sous un nouvel angle cet univers du spectacle que vous aimez tant ?
C'est effectivement pour me rapprocher encore des arts du spectacle, et également pour explorer de nouvelles possibilités. Comme le monde de cinéma regorge de talents – notamment au niveau du scénario – j'ai pu échanger avec des artistes et scénariste qui ont de grandes qualités, et j'en retire un enseignement et des inspirations qui pourront me servir à l'avenir.
Interview réalisée par Koiwai. Remerciements à Harumo Sanazaki, à son interprète, et à Japan Expo pour la mise en place de cette interview.
Harumo Sanazaki, merci d'avoir accepté cette entrevue. Pour commencer, qu'est-ce qui, à l'origine, vous a donné envie de devenir mangaka ? Y a-t-il des artistes ou des oeuvres qui ont motivé ce choix ?
Harumo Sanazaki : C'est moi qui suis honorée.
Sans conteste, c'est vraiment Shôtarô Ishinomori qui est mon auteur préféré. Depuis toujours, je le lis et le relis sans me lasser.
Depuis que je suis très jeune je suis fascinée par les arts du spectacle, par tout ce qui implique une scénographie et une expression corporelle, et je retrouve ça en faisant du manga, où je peux retrouver une expressivité équivalente.
En France on vous connaît surtout pour le manga Bishin. Comment est né ce manga ?
Je ne vais pas vous apprendre grande chose, mais je suis une très grande fan de Yoshiki. C'est par admiration et par respect pour lui que j'ai fait ce manga, avec le souhait de faire ressortir la beauté qu'il dégage.
J'ai été particulièrement inspirée par la fois où, l'année de commémoration de Mozart, il a joué au piano son Requiem.
Un titre qui nous interpelle dans votre bibliographie est Opera Za no Kaijin, qui est adapté du Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux. Qu'est-ce qui vous a plus dans l'oeuvre d'origine au point de vouloir l'adapter en manga ? Avez-vous souhaité y ajouter des choses ?
Je pense que ça ne va pas dans un seul sens quand on écrit une adaptation : ça enrichit l'oeuvre originale, et moi aussi j'en retire quelque chose. Là, pour le coup, c'est une exception, car ce 'nest pas l'opéra qui m'a marquée mais bien le roman original. J'avais vraiment envie de dessiner le personnage pour retranscrire son humanité et sa tristesse profonde.
Au fil de votre carrière vous vous êtes essayée à de nombreux styles : aventure, romance, mystère, historique... Qu'est-ce qui vous pousse à vouloir vous diversifier ainsi ? Y a-t-il un style où vous vous sentez plus à l'aise ?
Travailler dans la diversité est parfois un désavantage parce que les fans finissent par se diviser, par faire des choix dans ce qu'ils aiment chez nous et ce qu'ils aiment moins, et commercialement ce n'est peut-être pas aussi efficace que si on restait sur un seul créneau. Mais d'un autre côté, je trouve que c'est important pour la liberté d'expression d'un artiste. Moi, ça me permet de choisir les histoires qui m'ont vraiment plu et que je souhaite transmettre à mes lecteurs.
D'un point de vue artistique ça doit également être plus intéressant pour vous. Quand vous changez ainsi de style, est-ce que ça change aussi votre façon de dessiner ?
Comme j'ai une expérience assez conséquente, je peux affirmer qu'après 25 ans de travail on peut se permettre de dessiner n'importe quelle oeuvre, n'importe quel type d'histoire sans remettre en question sa personnalité.
A travers plusieurs de vos séries, on vous sent assez attirée par la culture occidentale...
Je ne fais pas forcément de distinction. Par exemple, prenez la Route de la Soie : c'est un grand tout, où des mondes très différents sont connectés entre eux et où chacun a son interprétation, mais où on reste plus ou moins connecté par cette idée générale de la culture qui nous pousse à créer de nouvelles choses. C'est ça qui me plaît dans l'Histoire avec un grand H : nous avons une richesse qui nous pousse toujours à explorer, et c'est là que je puise mon inspiration.
Au fil de votre carrière vous avez surtout officié dans le shôjo/josei. Quel bilan feriez-vous de ce genre que vous avez vu évoluer durant ces dernières décennies ?
Pour ce qui est des genres, l'évolution est bien là : maintenant les filles lisent des mangas pour garçons, et vice versa, il y a moins de honte qu'avant à lire les autres genres, si bien qu'il n'y a plus tant de barrières que ça. Mais quand on compare les mangas pour filles d'il y a 30 ans comme La Rose de Versailles et ceux de maintenant, j'ai l'impression que la richesse des thématiques s'est un peu appauvrie.
Avant, dans un même magazine on pouvait avoir des histoires très différentes, alors que maintenant c'est beaucoup plus ciblé, les magazines choisissent de quoi ils vont parler et personnellement je reste parfois sur ma faim.
Je me dis que ce serait bien aussi de laisser la place à des auteurs qui aimeraient parler de femmes aventureuses, ou de garçons romantiques... ce genre de choses. Car là je trouve que la diversité est mal représentée et qu'on enferme trop les récits dans des critères qui nuisent à l'imagination.
Par exemple, en travaillant sur Gwendoline avec Yôko Hanabusa, le message que je voulais aussi faire passer, c'était qu'on peut dessiner pour les très petits enfants des histoires habituellement adressées à un autre public. Je ne sais pas jusqu'où j'aurai été efficace.
Depuis 1997, vous vous impliquez beaucoup dans les échanges internationaux, en proposant des masterclass à travers le monde. Qu'y enseignez-vous ?
Il y a deux intérêts particuliers que j'y vois.
D'une part, maintenant que le numérique permet de tout faire rapidement, il y a de moins en moins d'auteurs qui dessinent à la main. Sur le plan artistique je trouve que ça reste une perte et que cela nuit à la diversité des traits, et j'aimerais donc transmettre cette technique plus artisanale et cet esprit de travail.
D'autre part, je trouve qu'il est important de transmettre tout ça aux enfants. Les enfants en bas âge doivent apprendre très tôt à se servir de leurs mains, c'est très bon pour leur motricité et j'y vois un fort intérêt pédagogique.
Vous participez également à la Société Shakespeare. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
C'est une association constituée de professeurs de littérature qui s'intéressent à Shakespeare. L'attractivité consiste à faire des mangas adaptant les oeuvres de Shakespeare. C'est une forme de vulgarisation visant à ce qu'un public plus grand connaisse cet auteur.
Depuis 2011 vous travaillez également sur la production de films. Pourquoi ce choix ? Est-ce une façon pour vous d'explorer sous un nouvel angle cet univers du spectacle que vous aimez tant ?
C'est effectivement pour me rapprocher encore des arts du spectacle, et également pour explorer de nouvelles possibilités. Comme le monde de cinéma regorge de talents – notamment au niveau du scénario – j'ai pu échanger avec des artistes et scénariste qui ont de grandes qualités, et j'en retire un enseignement et des inspirations qui pourront me servir à l'avenir.
Interview réalisée par Koiwai. Remerciements à Harumo Sanazaki, à son interprète, et à Japan Expo pour la mise en place de cette interview.