Manga Interview des auteurs de Toys of War
L'été dernier, nous avions la possibilité de découvrir le premier tome d'une création Kana, Toys of War, scénarisé par le français Gôsuto Hage, et dessiné par Hiroyuki Ôshima, artiste japonais venu vivre en France il y a un dizaine d'années et ayant travaillé sur plusieurs BD comme Spirou. Nous vous proposons aujourd'hui le compte-rendu de notre rencontre avec les deux auteurs.
Mr Ôshima, pour commencer, pouvez-vous revenir sur votre parcours et sur ce qui vous a amené à venir vivre en France ?
Hiroyuki Ôshima : Il y a une dizaine d'années je travaillais déjà dans le milieu du manga au Japon, et c'est à cette époque que j'ai rencontré Gôsuto Hage, à Tokyo. Il m'a proposé de venir travailler en France, et pour la France. Travailler à l'étranger était, de base, quelque chose qui me rendait curieux et me faisait envie, donc j'ai accepté.
Gôsuto Hage : Nous nous sommes rencontrés grâce à Mr Amano, un éditeur chez Asuka Shinsha, qui m'a présenté Mr Ôshima alors que je cherchais un dessinateur pour travailler à l'étranger. Je connaissais déjà le travail de Mr Ôshima via ses artbooks, je l'appréciais, et je savais qu'il avait envie de travailler hors du Japon, d'autant qu'il m'a ensuite expliqué avoir eu des expériences difficiles avec certains éditeurs japonais.
Pouvez-vous revenir un peu sur ces expériences difficiles, si ce n'est pas trop éprouvant pour vous ?
HO : Sans entrer dans les détails car cela reste de très mauvais souvenirs pour moi, je ne me sentais pas à l'aise face à des éditeurs qui étaient très stricts, très pointilleux sur les détails, et qui finalement ne laissaient pas un grande marge de liberté.
GH : Il avait pourtant remporté des prix dans sa jeunesse, mais par la suite ce fut plus difficile...
HO : Oui, sur un dérivé du Shônen Jump j'ai gagné un prix mensuel à 16 ans, entre autres.
Jusque là, que vous ont apporté vos expériences en France ?
HO : Généralement, quand on dessine un manga au Japon, pour un rythme mensuel on a au moins 2 assistant, et pour un rythme hebdomadaire au moins 4. En France, j'ai appris à tout faire tout seul, y compris les arrière-plans qui au Japon sont généralement dessinés par les assistants. Il faut de l'endurance et de la volonté.
On sait assez peu de choses sur la façon dont Toys of War est né. Est-ce une création des éditions Kana ? Pouvez-vous nous en dire plus sur l'origine de l'oeuvre ?
GH : Au départ Mr Ôshima a travaillé avec nous chez Dargaud sur un dérivé de Spirou qui devait avoir la forme d'un manga, mais suite à un changement de patron ça a été modifié. Après, il a fait une série chez Dargaud qui s'appelle Crime School et qui était en couleur, puis il s'est dit que ce serait bien de revenir à un format typé manga en noir et blanc. Personnellement je l'avais repéré surtout pour ses travaux en couleur, mais je me suis dit que ce serait intéressant de le voir revenir au format sur lequel il a débuté sa carrière. On a cherché quelque chose qu'il pourrait faire chez Kana, et on est tombés sur cette histoire que je lui ai proposée et qui lui a plu, sorte de mélange entre Terminator et Toy Story avec un fond assez dur. Vu qu'il a un trait assez rond, on a essayé de faire une série en contraste.
Comment est née l'idée ?
GH : On approche de plus en plus de la concrétisation de l'intelligence artificielle, et je me suis dit que si on mettait de l'IA dans des jouets, sachant que les enfants martyrisent toujours leurs jouets, ceux-ci finiraient par en avoir marre et par se révolter. A partir de là, j'ai imaginé tout un contexte, mais je ne vous en dirai pas plus car ça se révèle à partir du tome 2 ! Simplement, je voulais inverser les rôles enfants/jouets et créer un monde à la fois dystopique, mais quand même amusant car ça reste des jouets. Ca titille l'imaginaire de se demander pourquoi les jouets tuent tout le monde.
Pour le développement du concept, vous avez travaillé ensemble ?
GH : J'avais le concept de base, puis on a fait le reste à deux. Ca me semblait important que pour l'évolution et le développement des personnages, Mr Ôshima ait son mot à dire. Moi je ne suis pas japonais, je lis beaucoup de manga mais ça ne suffit pas pour capter tous les codes de narration, alors que Mr Ôshima, lui, a une expérience concrète dans le domaine. Difficile désormais de dire qui a fait quoi exactement, mais en tout cas on essaie de travailler en étroite collaboration.
Mr Ôshima, avez-vous reçu des consignes particulières pour le découpage ?
HO : Non, pas vraiment.
GH : C'est lui qui fait tout le storyboard. Ensuite, on contrôle le tout avec Kana pour voir si tout est bien compréhensible, et on revient sur certaines choses si besoin.
HO : Pour le début de la série, j'ai reçu des indications sommaires sur le nombre de cases de chaque page et ce qu'il doit s'y passer, mais quand je trouvais que ça manquait de fluidité ou de dynamisme je me permettais quelques modifications.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour dessiner le premier tome ?
HO : Six mois en tout, mais au départ j'ai également dû dessiner une dizaine de pages pilotes pour voir si le projet était valable.
Et concernant le design des personnages ?
HO : Pour les humains ça a été assez vite car j'aime beaucoup dessiner ce type de personnage. Par contre, pour les jouets/robots ça m'a pris plus de temps car je n'ai pas l'habitude d'en dessiner.
GH : Pour la suite de la série, il a dû concevoir le design des 10 grandes sortes de robots différents, qui sont toutes des parodies.
Quels outils utilisez-vous pour dessiner ?
HO : J'utilise d'abord des outils classiques : crayon pour les croquis, puis stylo ou feutre selon l'épaisseur des traits, puis une fois le traits principaux effectués je réalise un travail d'intégration par ordinateur. Et je m'occupe des finitions, des trames... essentiellement via Photoshop.
Les personnages ont des noms assez atypiques...
GH : En effet, que ce soit pour le Japon ou la France ils sont atypiques. J'ai commencé par imaginer les caractéristiques des personnages, puis à partir de là j'ai cherché dans plusieurs langues différentes des mots collant à leur personnalité, et j'ai sélectionné ceux qui sonnaient bien. Souvent, quand je trouve un nom convaincant pour un personnage, j'essaie de garder un peu la même langue pour les autres, donc je « trafique » un peu les mots. Par exemple, le nom du héros, Djiral, vient d'un mot d'Afrique du Nord.
Le scénario est-il déjà écrit de A à Z ?
GH : Pas du tout. On a les grandes lignes, mais après il y a les « histoires dans l'histoire » à intégrer, comme le passé de Djiral, le parcours de son père, les explications sur la façon dont les jouets se sont révoltés... En gros, l'univers est construit, mais son développement n'est pas prédéfini.
Mr Ôshima, au fil de votre carrière ou même avant, quels mangakas et œuvres vous ont marqué voire influencé ?
HO : Quand j'étais enfant, j'adorais les mangas de Sanpei Shirato. En arrivant à l'âge adulte, c'est le mangaka Hideki Arai qui m'a mis mes plus belles claques.
Des auteurs réputés pour leur aspect très sociétal, engagé et critique...
HO : J'adore quand le contenu est bien solide, qu'il a des choses intéressantes à raconter sur notre monde.
Remerciements à Messieurs Ôshima et Hage, à l'interprète Misato Raillard, et aux éditions Kana.
Mr Ôshima, pour commencer, pouvez-vous revenir sur votre parcours et sur ce qui vous a amené à venir vivre en France ?
Hiroyuki Ôshima : Il y a une dizaine d'années je travaillais déjà dans le milieu du manga au Japon, et c'est à cette époque que j'ai rencontré Gôsuto Hage, à Tokyo. Il m'a proposé de venir travailler en France, et pour la France. Travailler à l'étranger était, de base, quelque chose qui me rendait curieux et me faisait envie, donc j'ai accepté.
Gôsuto Hage : Nous nous sommes rencontrés grâce à Mr Amano, un éditeur chez Asuka Shinsha, qui m'a présenté Mr Ôshima alors que je cherchais un dessinateur pour travailler à l'étranger. Je connaissais déjà le travail de Mr Ôshima via ses artbooks, je l'appréciais, et je savais qu'il avait envie de travailler hors du Japon, d'autant qu'il m'a ensuite expliqué avoir eu des expériences difficiles avec certains éditeurs japonais.
Pouvez-vous revenir un peu sur ces expériences difficiles, si ce n'est pas trop éprouvant pour vous ?
HO : Sans entrer dans les détails car cela reste de très mauvais souvenirs pour moi, je ne me sentais pas à l'aise face à des éditeurs qui étaient très stricts, très pointilleux sur les détails, et qui finalement ne laissaient pas un grande marge de liberté.
GH : Il avait pourtant remporté des prix dans sa jeunesse, mais par la suite ce fut plus difficile...
HO : Oui, sur un dérivé du Shônen Jump j'ai gagné un prix mensuel à 16 ans, entre autres.
Jusque là, que vous ont apporté vos expériences en France ?
HO : Généralement, quand on dessine un manga au Japon, pour un rythme mensuel on a au moins 2 assistant, et pour un rythme hebdomadaire au moins 4. En France, j'ai appris à tout faire tout seul, y compris les arrière-plans qui au Japon sont généralement dessinés par les assistants. Il faut de l'endurance et de la volonté.
On sait assez peu de choses sur la façon dont Toys of War est né. Est-ce une création des éditions Kana ? Pouvez-vous nous en dire plus sur l'origine de l'oeuvre ?
GH : Au départ Mr Ôshima a travaillé avec nous chez Dargaud sur un dérivé de Spirou qui devait avoir la forme d'un manga, mais suite à un changement de patron ça a été modifié. Après, il a fait une série chez Dargaud qui s'appelle Crime School et qui était en couleur, puis il s'est dit que ce serait bien de revenir à un format typé manga en noir et blanc. Personnellement je l'avais repéré surtout pour ses travaux en couleur, mais je me suis dit que ce serait intéressant de le voir revenir au format sur lequel il a débuté sa carrière. On a cherché quelque chose qu'il pourrait faire chez Kana, et on est tombés sur cette histoire que je lui ai proposée et qui lui a plu, sorte de mélange entre Terminator et Toy Story avec un fond assez dur. Vu qu'il a un trait assez rond, on a essayé de faire une série en contraste.
Comment est née l'idée ?
GH : On approche de plus en plus de la concrétisation de l'intelligence artificielle, et je me suis dit que si on mettait de l'IA dans des jouets, sachant que les enfants martyrisent toujours leurs jouets, ceux-ci finiraient par en avoir marre et par se révolter. A partir de là, j'ai imaginé tout un contexte, mais je ne vous en dirai pas plus car ça se révèle à partir du tome 2 ! Simplement, je voulais inverser les rôles enfants/jouets et créer un monde à la fois dystopique, mais quand même amusant car ça reste des jouets. Ca titille l'imaginaire de se demander pourquoi les jouets tuent tout le monde.
Pour le développement du concept, vous avez travaillé ensemble ?
GH : J'avais le concept de base, puis on a fait le reste à deux. Ca me semblait important que pour l'évolution et le développement des personnages, Mr Ôshima ait son mot à dire. Moi je ne suis pas japonais, je lis beaucoup de manga mais ça ne suffit pas pour capter tous les codes de narration, alors que Mr Ôshima, lui, a une expérience concrète dans le domaine. Difficile désormais de dire qui a fait quoi exactement, mais en tout cas on essaie de travailler en étroite collaboration.
Mr Ôshima, avez-vous reçu des consignes particulières pour le découpage ?
HO : Non, pas vraiment.
GH : C'est lui qui fait tout le storyboard. Ensuite, on contrôle le tout avec Kana pour voir si tout est bien compréhensible, et on revient sur certaines choses si besoin.
HO : Pour le début de la série, j'ai reçu des indications sommaires sur le nombre de cases de chaque page et ce qu'il doit s'y passer, mais quand je trouvais que ça manquait de fluidité ou de dynamisme je me permettais quelques modifications.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour dessiner le premier tome ?
HO : Six mois en tout, mais au départ j'ai également dû dessiner une dizaine de pages pilotes pour voir si le projet était valable.
Et concernant le design des personnages ?
HO : Pour les humains ça a été assez vite car j'aime beaucoup dessiner ce type de personnage. Par contre, pour les jouets/robots ça m'a pris plus de temps car je n'ai pas l'habitude d'en dessiner.
GH : Pour la suite de la série, il a dû concevoir le design des 10 grandes sortes de robots différents, qui sont toutes des parodies.
Quels outils utilisez-vous pour dessiner ?
HO : J'utilise d'abord des outils classiques : crayon pour les croquis, puis stylo ou feutre selon l'épaisseur des traits, puis une fois le traits principaux effectués je réalise un travail d'intégration par ordinateur. Et je m'occupe des finitions, des trames... essentiellement via Photoshop.
Les personnages ont des noms assez atypiques...
GH : En effet, que ce soit pour le Japon ou la France ils sont atypiques. J'ai commencé par imaginer les caractéristiques des personnages, puis à partir de là j'ai cherché dans plusieurs langues différentes des mots collant à leur personnalité, et j'ai sélectionné ceux qui sonnaient bien. Souvent, quand je trouve un nom convaincant pour un personnage, j'essaie de garder un peu la même langue pour les autres, donc je « trafique » un peu les mots. Par exemple, le nom du héros, Djiral, vient d'un mot d'Afrique du Nord.
Le scénario est-il déjà écrit de A à Z ?
GH : Pas du tout. On a les grandes lignes, mais après il y a les « histoires dans l'histoire » à intégrer, comme le passé de Djiral, le parcours de son père, les explications sur la façon dont les jouets se sont révoltés... En gros, l'univers est construit, mais son développement n'est pas prédéfini.
Mr Ôshima, au fil de votre carrière ou même avant, quels mangakas et œuvres vous ont marqué voire influencé ?
HO : Quand j'étais enfant, j'adorais les mangas de Sanpei Shirato. En arrivant à l'âge adulte, c'est le mangaka Hideki Arai qui m'a mis mes plus belles claques.
Des auteurs réputés pour leur aspect très sociétal, engagé et critique...
HO : J'adore quand le contenu est bien solide, qu'il a des choses intéressantes à raconter sur notre monde.
Remerciements à Messieurs Ôshima et Hage, à l'interprète Misato Raillard, et aux éditions Kana.
De Bobmorlet [5633 Pts], le 20 Mars 2016 à 22h59
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