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Manga Retour sur la conférence de Nikki Asada, mangaka de Bienvenue au club

Mardi, 12 Août 2014 à 18h00

Pour leur première participation à Japan Expo en tant qu'éditeur à part entière, les éditions Akata, avec l'aide du salon parisien, eut l'honneur d'accueillir l'auteure de l'une de leurs premières séries : Nikki Asada.

Seule auteure de shôjo présente sur le salon cette année, l'artiste à qui l'on doit le très bon Bienvenue au club fut mise sous le feu des projecteurs lors d'une conférence publique de près d'une heure, où elle put revenir sur son travail. Questions intéressantes et ambiance chaleureuse étaient au rendez-vous avec cette jeune auteure aussi simple que sympathique.

En attendant le compte-rendu de notre interview, nous vous proposons aujourd'hui de revenir sur cette conférence publique.

  
  
  
Comment avez-vous commencé votre carrière de mangaka ? Est-ce que c'est quelque chose que vous vouliez faire depuis longtemps ?

Nikki Asada : Il y a six ans, alors que je dessinais des mangas en amatrice, les éditions Akita Shoten m'ont repérée et m'ont proposé d'écrire un manga. Ce manga, c'est Bienvenue au club.


Avez-vous ressenti une grosse différence de travail entre la période où vous dessiniez en amatrice pour votre plaisir personnel et l'instant où vous êtes devenue mangaka professionnelle ?

Lorsque j'étais mangaka amatrice je faisais tout moi-même, du dessin jusqu'à l'impression.  Mais en passant professionnelle, j'ai commencé à avoir recours à de nombreuses autres personnes, comme le designer ou l'éditeur. Ce sont là les plus grosses différences que j'ai ressenties entre le milieu amateur et le milieu professionnel, par contre ma façon de travailler n'a, en soi, pas vraiment changé.


Quand vous avez commencé Bienvenue au club, il s'agissait originellement d'une série prévue pour ne faire que trois chapitres. Mais finalement, le succès fut tel que la série continue encore aujourd'hui. Quand vous avez commencé la série, aviez-vous envisagé qu'lele serait un jour si longue ? Avez-vous rencontré des difficultés pour la faire durer au-delà des trois chapitres initiaux ?

Etant donné que je souhaitais d'emblée créer des personnages assez profonds, il a été assez simple de poursuivre la série après trois chapitres, car je pouvais me reposer sur l'approfondissement de ces personnages.
Mais je dois vous avouer que si j'avais su tout de suite que la série dépasserait les trois chapitres, je n'aurais pas si rapidement coupé les cheveux du personnage d'Okinoshima, le travesti. J'aurais essayé de prolonger un peu le suspense là-dessus.
  
  
  
C'est vrai que c'était assez étonnant de voir Okinoshima, qui aime se travestir, se couper les cheveux dès le premier tome. Du coup, par la suite, comment avez-vous procédé pour continuer à bien exploiter ce personnage ?

Il est vrai que j'ai un peu regretté de lui avoir si vite coupé les cheveux, mais finalement, ce n'est pas parce qu'il a les cheveux courts qu'il arrête totalement de se travestir. Il alterne toujours vêtements masculins et vêtements féminins. Avec le recul, je pense désormais que c'était plutôt une bnne chose, car j'ai pu mieux faire évoluer le personnage et je peux plus facilement le transformer.


Restons sur les personnages en évoquant le travail que vous avez offert dessus. Ils ont tous des traits de caractère très différents, et ont tous leur propres tourments. Comment les avez-vous créés, et qu'avez-vous cherché à dire à travers eux ?

La série étant à la base prévue pour être lue par un public plutôt adolescent/lycéen, j'ai voulu présenter des personnages ayant des problèmes et des douleurs typiques de cet âge-là, et véhiculer un message de compréhension et de tolérance face à ces différents tourments.


Une chose un peu surprenante dans la série est le fait que le quatuor principal est composé de deux filles et de deux garçons, mais que vous arrivez à bien développer autant les personnages masculins que les personnages féminins. En tant que femme, comment avez-vous fait pour rendre crédibles vos personnages masculins ?

Je pense que dans l'âge de la dizaine (entre 10 et 20 ans) il n'y a pas tant d'écart que ça entre les hommes et les femmes, ou que cet écart est très ambigu. Ils ont un peu les même peines, les mêmes souffrances, les mêmes problèmes face à la vie. Pour travailler les garçons, j'ia donc procédé comme avec les filles : j'ai essayé de retrouver au fond de moi ce qui m'avait "agressée" à l'époque de l'adolescence.
  
  
  
Dans vos premières séances de dédicaces à Japan Expo, on vous a souvent demandé de dessiner certains personnages en particulier, notamment Ryô l'otaku et Yoriko, la présidente du club. Est-ce que ce sont aussi les personnages les plus demandés au Japon ? Qu'avez-vous pensé de ces demandes ?

En fait, à japan Expo j'effectue mes toutes premières séances de dédicaces, car je n'en ai jamais faites au Japon !
Toutefois, au Japon il y a eu une enquête de mon éditeur demandant aux lecteurs quel était leur personnage préféré, et ce sont Nima et Okinoshima qui sont arrivés en tête.  Du coup, hier, lors de ma première séance de dédicaces, j'ai été très surprise qu'on me demande autant Ryô et Yoriko. Je ne pourrais pas expliquer cette différence entre les lecteurs japonais et les lecteurs français (rires).


Sachant qu'à la base vous dessinez cette oeuvre pour le public japonais et qu'elle se déroule dans un lycée japonais, comment ressentez-vous sa publication en France ?

Il est vrai qu'au départ, je pensais que la série serait lue uniquement par des lycéennes japonaises, et ça m'a donc surprise, d'autant plus qu'elle est également publiée en Corée, en Thaïlande et en Indonésie.
Le fait que la série soit également comprise à l'étranger me fait dire qu'il n'y a pas tant de différences que ça entre l'adolescence japonaise et l'adolescence dans d'autres pays.


Parlons désormais de votre manière de travailler. Bienvenue au club connaît au Japon un succès suffisant pour que d'autres éditeurs se soient intéressés à vous, et vous travaillez donc désormais sur 4-5 séries en même temps, ce qui est assez énorme. Aucune n'est en pause, et vous travaillez à rythme très régulier. De ce fait, comment gérez-vous votre planning ?

J'ai beaucoup de chance, parce que les dates limites de rendu sont différentes pour chaque série. Certaines arrivent en début de mois, d'autres à la fin, et le peux donc facilement respecter les deadlines, en prenant les choses au fur et à mesure.
Pour une journée de travail, je décide à l'avance combien de pages je dois dessiner par jour, et je m'y tiens au maximum.
  
  
  
Et donc, combien de temps environ vous faut-il pour créer un chapitre de Bienvenue au club ?

Nikki Asada : La date de rendu pour Bienvenue au club est le 17 du mois. Je commence donc, en début de mois, par décider de la suite de l'histoire, puis j'en parle avec mon responsable éditorial chez Akita Shoten. Une fois que celui-ci m'a donné son accord, je m'arrange pour écrire et dessiner la suite dans les deux semaines avant la date butoir.
Je fonctionne de la même manière pour mes autres séries ce qui fait que parfois j'ai des travaux qui se chevauchent, mais il reste assez évident de tout faire.

Mr Saitô : Bonjour, je suis Mr Saitô d'Akita Shoten, et je suis en charge de Mme Asada. Je tenais à dire que je trouve Mme Asada plutôt formidable, parce que là où la plupart des auteurs réalisent généralement une quarantaine de pages par mois, elle parvient à en faire 100 par mois. Je toruve ça très impressionnant.


C'est d'autant plus impressionnant, Mme Asada, que vous travaillez seule, sans assistants ! Comment et où travaillez-vous ? On sait que vous ne travaillez pas toujours dans votre atelier...

Nikki Asada : En effet, je n'ai pas d'assistants. Pour commencer, je dessine entièrement à la main jusqu'à la phase avec le stylo, puis je scanne mes dessins, et je les retravaille par ordinateur avec Photoshop ou avec un autre logiciel de dessin.
Ca facilite beaucoup mon travail. Plutôt que d'échanger de nombreuses avec des assistants et de leur expliquer en détail ce qu'ils doivent faire, je trouve qu'il est plus rapide de tout faire moi-même.
Sinon, généralement je travaille chez moi, mais depuis quelque temps j'ai commencé à travailler dans un café qui s'appelle "Espace Manga" et qui met à disposition de nombreux instruments pour manga, ce qui est très pratique. Ca me permet de mieux me concentrer, mais aussi de voir d'autres mangakas en action.


Au Japon, à chaque tome Bienvenue au club change de logo. Comment ce concept a-t-il été créé, et quelles ont été les réactions des lecteurs au Japon ?

Nikki Asada : C'est une idée de Mr Saitô, et je dois dire qu'à chaque fois, ça m'amuse de découvrir le nouveau design de la couverture et le nouveau logo. Bien sûr, c'est le designer qui décide du design à adopter.
Les lecteurs japonais ont d'abord été un peu perdus, car en cherchant le tome 2 en magasin, ils n'ont pas trouvé de tome ressemblant au volume 1. Mais à présent on en est au huitième tome et ils se sont bien habitués (rires).

Mr Saitô : La couverture du tome 1 offre un ciel avec des lycéens, ils 'agit de quelque chose de typique des shôjo manga. Mais en réalité, quand nous avons discuté avec le designer et Mme Asada, on trouvait que ça ne reflétait pas toute la richesse de ce manga dans lequel on trouve plein de jeunesses et d'adolescences différentes. Nous nous sommes donc dit que cela serait bien que ça transparaisse également sur les couvertures, et nous avons décidé de varier les couvertures autant que les caractères des personnages.
  
  
  
Après quasiment une demi-heure, la parole fut laissée au public, qui put poser ses questions à Nikki Asada.


Tout à l'heure vous avez évoqué le travail de designer. En quoi cela consiste-t-il ? Quel est son périmètre d'action ?

Mr Saitô : Le designer lit le manga, puis s'en inspire pour demander à la mangaka de dessiner de telle manière les personnages. Une fois le dessin fait, le designer a la liberté de créer la couverture à partir de ce dessin. C'est un travail qui existe dans de nombreux domaines du livre, et pas seulement dans le manga. Ca existe aussi en France, par exemple.


Vous avez dit vous être inspirée de vos propres souvenirs pour créer les personnages. Y a-t-il un personnage dont vous vous sentez particulièrement proche ?

Nikki Asada : Je pense que je ressemble beaucoup au chef du club des fans d'anime (rires).


Quels conseils donneriez-vous à des mangakas qui débutent ?

Le premier principe reste à mes yeux la capacité à mener jusqu'au bout son histoire, à ne pas s'arrêter au milieu. C'est ça qui fait la principale différence entre quelqu'un qui restera toujours amateur et qui s'arrêtera dès qu'il en aura marre, et quelqu'un qui passera professionnel et consacrera réellement du temps chaque jour à écrire et dessiner.
  
  
  
Quelle est l'influence de votre éditeur sur votre travail ?

Avec l'éditeur Akita Shôten, j'ai la chance d'être très libre, là où d'autres éditeurs imposent de suivre la mode et les courants en vogue et demandent d'écrire des choses précises.
J'ai toute la liberté que je souhaite pour écrire ce dont j'ai envie.


Etant donné que vous réalisez plusieurs séries en même temps, il ne vous est jamais arrivé de les confondre ou d'avoir du mal à vous y retrouver ?

En réalité, mes cinq séries sont toutes totalement différentes, ont des histoires qui n'ont aucun rapport, et visent des lectorats différents. Par exemple, Bienvenue au club vise d'abord les adolescentes, alors que mes autres séries visent plutôt les femmes dans la vingtaine ou la trentaine. Du coup, il ne m'arrive pas de me tromper ou de les inverser.
Au contraire, ça me permet plutôt de me changer les idées. Je passe sans cesse d'une série à l'autre, d'un thème à l'autre, et cela m'aide beaucoup à rafraîchir constamment mes idées. C'est plutôt une bonne chose.
Mais c'est vrai que s'il s'agissait de cinq séries très proches dans leur genre, ce serait sans doute plus difficile à faire.


Les minutes suivantes furent consacrées au dessin live de Nikki Asada, qui s'appliqua à coucher sur papier un portrait aux couleurs française de Nima Momosato, l'héroïne de Bienvenue au club. Tout en commençant à dessiner, la mangaka précisa que quand elle commence à dessiner, elle réalise toujours la première ébauche avec un criterium bleu ciel, ce qui lui permet d'éviter la douloureuse opération du gommage, car cette couleur ne transparaît pas sur ses scans.

Dix minutes plus tard, le dessin était achevé et laissait apparaître une adorable Nima, tout sourire et remerciant ses fans français. Nikki Asada reçut une belle salve d'applaudissements.

  
  
  
La mangaka ayant été très rapide pour effectuer son dessin, il resta encore une dizaine de minutes pour une dernière salve de questions-réponses !


Avez-vous toujours voulu être mangaka ?

Depuis que je suis enfant j'aime beaucoup écrire, et djéà quand j'étais toute petite devenir mangaka était mon rêve. Mais à cette époque-là, je n'aurais jamais imaginé que ça se réaliserait vraiment ! Quand Mr Saitô est venu me proposer de réaliser un manga, c'est à ce moment-là que j'ai pris conscience que mon rêve se réalisait.


Avant d'être mangaka vous travailliez dans une banque. Quand vous avez soudainement arrêté ce travail pour vous consacrer au manga, comment vos collègues de la banque ont-ils réagi ?

En réalité je ne leur ai toujours pas dit que je suis devenue mangaka. Par contre, avec le succès de Bienvenue au club je commence à être un peu connue, et du coup ça commence à se savoir (rires).
  
  
  
Lisez-vous des mangas ? Quelles sont vos influences ?

Depuis toute petite je lis tous les genres de manga, mais il n'y a pas un titre en particulier qui m'a profondément influencée. Je pense que je suis un petit peu influencée par tout : la télévision, les dramas, les mangas... Je puise dans tout ce qui m'entoure, y compris dans ma vie quotidienne.


Bonjour, je suis japonaise et suis venue du Japon en voyage avec mon mari et mes enfants. Jusqu'à présent le monde du manga nous paraissait très lointain, mais grâce à cette conférence et à tout ce que vous avez dit j'ai l'impression de m'être rapprochée de ce monde et de le comprendre un peu mieux. Ainsi, je vais bientôt rentrer au Japon et ai hâte de lire vos mangas.

Bonjour (rires). Je suis honorée et surprise que nous ayons pu nous rencontrer, toutes deux qui sommes japonaises, à l'occasion de Japan Expo en France ! Je vous remercie beaucoup pour vos paroles, et j'espère que vous apprécierez mon travail une fois rentrée au Japon.


La conférence se termina sous une dernière pluie d'applaudissements, à l'issue de laquelle la mangaka remercia longuement son public et prit le temps de poser en photo avec quelques fans.
  
  

commentaires

Daigo

De Daigo [922 Pts], le 14 Août 2014 à 15h02

Merci pour ce compte-rendu détaillé! Cela me donne envie d'y être! :)

 

winipouh

De winipouh [2147 Pts], le 13 Août 2014 à 13h27

une interview tres interessante qui me donne envie de lire le manga

saqura

De saqura [4377 Pts], le 13 Août 2014 à 12h50

tres belle interview

fannymelody

De fannymelody [463 Pts], le 12 Août 2014 à 21h01

super interview!

Bobmorlet

De Bobmorlet [5629 Pts], le 12 Août 2014 à 20h07

Belle rencontre! Riche!

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