Manga Conférence publique de Kaoru Mori
Cette année, les éditions Ki-oon avaient l'honneur de recevoir pour le Salon du Livre une mangaka qui, en quelques années, s'est imposée comme une référence de leur catalogue et du manga en France : Kaoru Mori, l'auteure d'Emma et du succès Bride Stories. Entre diverses rencontres (dont notre interview que vous pouvez retrouver en suivant ce lien) et des séances de dédicaces où elle prit le temps de communiquer avec ses nombreux fans, l'artiste fut également au centre d'une conférence publique ponctuée de quelques éclats de rires et de nombreux applaudissements. C'est devant un espace archi comble que Nicolas Penedo, animateur de la conférence, commença par poser plusieurs questions à l'auteure.
Commençons par une question classique : Kaoru Mori, comment êtes-vous devenue mangaka ?
Kaoru Mori : Quand j'étais plus jeune je dessinais des doujinshi (mangas amateurs, ndlr), et j'ai été repérée par mon éditeur qui est venu s'adresser directement à moi pour me proposer de devenir professionnelle.
Aviez-vous une passion pour le dessin ou la bande dessinée ?
J'ai toujours eu une passion pour le dessin, dès mon plus jeune âge. Je pense que dès que j'ai eu un crayon entre les mains j'ai commencé à dessiner.
Au début je souhaitais plutôt devenir artiste-peintre, puis plus tard j'ai découvert le manga, et une fois que je suis entrée dans ce monde-là c'est devenu une passion.
Avez-vous des œuvres cultes, qui vous ont marquée ou influencée ?
Il y a beaucoup d'artistes que j'adore. Quand j'étais plus jeune je suivais beaucoup les travaux de Kenji Tsuruta, d'Izumi Takemoto et de Yôsuke Takahashi. Mais l'auteur que j'admire depuis mon plus jeune âge et encore aujourd'hui est Jirô Taniguchi dont j'adore toutes les œuvres. Enfin, il y a Kaoru Shintani, l'auteur d'Area 88.
Quand on lit vos mangas, on se rend compte que votre style graphique n'est pas du tout-venant. Vous avez un trait particulier, une façon extrêmement précise et minutieuse de dessiner, notamment, les tapisseries, les motifs ou les costumes dans Bride Stories. Cela vient-il d'une influence particulière ?
Je pense que le souci du détail vient de mon côté plutôt borné (rires). J'ai envie de tout dessiner très précisément, de la façon la plus correcte possible. Et j'aime beaucoup dessiner les tapisseries et autres éléments de ce type, où l'on trouve des motifs très denses. C'est un type de dessin qui me plaît beaucoup, à moi qui ai toujours tendance à vouloir rajouter beaucoup de choses.
Vous disiez avoir commencé dans le doujinshi avant d'être repérée par votre éditeur. Est-ce que la transition entre amateurisme et professionnalisme a été facile ?
La plus grande difficulté au début a été de m'adapter au format des planches professionnelles, qui sont plus grandes. Il faut donc augmenter le niveau de détails, sinon on a l'impression que le dessin est assez vide. Il y avait aussi ma technique d'encrage au stylo, que je ne maîtrisais pas aussi bien qu'aujourd'hui. Quand j'y repense, à l'époque je n'étais vraiment pas douée (rires).
Beaucoup de jeunes français aimeraient devenir mangaka. A votre avis, quelles sont les qualités qui font un bon mangaka ?
Dans un premier temps, pour devenir mangaka professionnel, il faut avoir la patience et la détermination d'aller démarcher les éditeurs.
Du côté de la technique, il faut être capable d'affiner sa façon de dessiner. Ensuite, il y a le découpage qui est vraiment important : il faut un grand sens de la construction et du placement des cases. Enfin, il faut de la patience.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous travaillez sur un manga ? Nous présenter votre emploi du temps et les différentes étapes des nemu, des débuts du storyboard jusqu'à l'encrage final et au manuscrit adressé à votre éditeur.
J'ai une deadline d'un mois, que j'essaie de diviser en différentes parties.
En générale, j'essaie de la diviser en deux : deux semaines de recherches, de documentation et de création de scénario, et deux semaines sur le dessin.
Au début de la première semaine, je rencontre mon éditeur et on discute de façon très légère de ce qu'on va faire. On discute de mes propositions et de l'orientation du chapitre à venir. Ensuite je m'attelle à la construction du nemu, où l'on retrouve de façon très simple et crayonnée le chapitre au complet. C'est une étape très importante, car c'est le premier pas vers la finition du manga. Pour faire le nemu d'une chapitre de 24 pages, cela me prend généralement quatre jours. Ensuite je l'amène à mon éditeur et on discute de ce qu'on va faire, des endroits qu'il faut couper, de ce qu'il pense que je devrais enlever, ajouter ou déplacer . Et une fois que tout est ok, je peux commencer le travail sur les planches. Quand les crayonnés des planches sont finis, je passe à l'encrage au stylo. Généralement, c'est ce qui me prend le plus de temps. Ensuite, il faut gommer les restes de crayonnés, repasser sur qui a été perdu au niveau de l'encre, et faire les aplats sur les zones qui doivent être complètement noircies. C'est à partir de cette étape que je fais appel à mes deux assistants, qui procèdent avec moi à ces finalisations. Après ça, on passe aux trames, des calques spécifiques qu'on applique pour retranscrire des motifs récurrents. Cette dernière étape prend environ 2 ou 3 jours.
Quelle est l'étape que vous préférez sur la création d'un manga ?
J'adore tout (rires). Je pense que je me sens vraiment bien et plus légère quand le nemu est approuvé par mon éditeur, c'est toujours un instant de soulagement. Après ça, il n'y a plus qu'à dessiner, alors d'un coup ça va beaucoup mieux. Dessiner, c'est toujours un plaisir.
Sous un tonnerre d'applaudissements, Kaoru Mori se déplaça ensuite vers une table de travail afin d'y réaliser un dessin en live, tout en continuant de répondre aux questions.
On sait que les mangakas mènent une vie difficile avec un rythme de travail souvent effréné. Il leur arrive parfois des situations rocambolesques pendant les périodes de bouclage. Auriez-vous une anecdote à nous raconter sur une situation un peu amusante ou surprenante qui vous serait arrivée pendant une période de bouclage ?
Un soir de fatigue, il m'est arrivé de m'endormir sur ma table de dessin, et de rêver que j'avais fini mes planches. Quand je me suis réveillée j'ai constaté avec horreur que les feuilles devant moi étaient complètement blanches. J'étais persuadée d'avoir tout fini, et ça m'a tellement désespérée que je suis allée me coucher (rires et applaudissements du public).
Quel est votre personnage préféré dans Bride Stories, et pourquoi ?
Evidemment, c'est Amir, parce que c'est le personnage qui me demande le plus de travail, et c'est donc celui auquel je me suis le plus attachée.
Vos deux œuvres phares, Emma et Bride Stories, se passent toutes deux loin du Japon, au 19ème siècle. Pourquoi ces choix ?
Ce sont des endroits qui m'ont toujours passionnée, et je pense que si j'ai pu aborder ces thèmes, c'est grâce à mon éditeur qui est très libre là-dessus, là où beaucoup d'éditeurs ne souhaitent justement pas publier des histoires trop éloignées des lecteurs. J'ai eu le feu vert pour faire les histoires qui m'intéressaient, et j'ai donc pu faire ce que je voulais. Je pense qu'il y a beaucoup d'auteurs qui voudraient aussi faire des mangas autour d'autres pays que le Japon, mais qui sont peut-être limités par le magazine de prépublication pour lequel ils travaillent.
Qu'est-ce qui vous attire dans les tribus d'Asie centrale de Bride Stories, dans cet environnement culturel peu abordé ?
J'aime beaucoup lire, et j'ai lu beaucoup de récits de voyage sur ces régions du monde. Plus j'en lisais, plus j'avais envie de découvrir ces régions. Je me suis intéressée pas seulement aux livres, mais aussi aux recueils de photographies où l'on retrouvait la vie de l'époque dans ces régions. C'est une passion qui est née il y a longtemps, et qui a grandi au fil du temps.
Si les pays étrangers vous intéressent, vu que vous êtes en France, est-ce que vous pensez que la France pourrait vous intéresser pour un futur projet ?
C'est une possibilité. Il y a énormément de choses que j'aimerais faire et je ne sais pas si j'aurai le temps pour toutes, ni même si je pourrai coucher sur papier tout ce que j'ai envie de raconter, mais oui, je suis très intéressée par la France. Par exemple, j'aimerais bien faire une histoire qui serait centrée sur des dessinateurs de bande dessinée en France.
Une scène du premier tome de Bride Stories m'a beaucoup touché : celle où un artisan est en plein travail et où un enfant l'observe. On voit à cet instant un travail très précis sur la façon dont cet artisan crée son œuvre et sur le regard émerveillé de l'enfant. Est-ce que ce travail d'artisanat est pour vous une façon de mettre en scène votre propre travail de dessin ? Et en quoi considérez-vous qu'il y a une valeur spirituelle de transmission de savoir-faire du vieil homme à un enfant ?
Je suis passionnée par tout ce qui est artisanat et création, c'est quelque chose qui me tient à cœur, et j'avais envie de rendre hommage à cette culture dans la fabrication, la découpe du bois, la gravure, la couture, les tissus... Tout part de l'Asie centrale, et c'est quelque chose que je souhaite vraiment mettre en avant dans mon manga, parce que c'est quelque chose que j'adore et que je trouve vraiment magnifique.
On a une relation très étonnante entre Amir et Karluk puisque l'une a 20 ans et que l'autre est de 8 ans son cadet. D'où vous est venue cette idée de créer une relation amoureuse entre une jeune femme et un très jeune homme ?
Ce que je voulais faire en premier lieu, c'était retranscrire une réalité de l'époque, montrer que la notion de couple pouvait être ainsi en Asie Centrale à cette époque, où ce n'était pas forcément une question d'âge comme dans notre vision moderne du couple.
Et cette différence d'âge était aussi un bon moyen de piquer la curiosité du lecteur et de lui donner envie de lire les aventures de ces personnages.
Vous êtes non seulement très douée pour ce qui concerne les relations amoureuses et le travail de l'artisanat, mais on a aussi droit dans Bride Stories à des scènes d'action spectaculaires dignes de blockbusters américains. D'où vient votre inspiration pour ces scènes ? Comment travaillez-vous pour mettre en scène ces séquences d'affrontements ?
Difficile de répondre en ne citant que quelques exemples, car c'est l'accumulation de tout ce que j'ai pu voir ou lire dans le genre qui m'a apporté une expérience dans ce genre de scène.
Mais je peux quand même dire que les cavaliers, c'est quelque chose que j'adore. Je me suis retenue le plus longtemps possible de mettre des scènes de combat à cheval, mais pour le sixième volume je voulais changer un peu l'ambiance dans l'histoire, qui jusque là était assez paisible et beaucoup plus centrée sur les personnages féminins. Je ne vais pas dire que c'était du fan-service pour les hommes, mais un petit peu quand même (rires). J'avais envie de faire ça depuis le début, et avec surprise ça a aussi beaucoup plu aux dames.
La conférence continua ensuite avec des questions du public.
Concernant Bride Stories, avez-vous reçu des messages de personnes habitant cette région du monde et ayant lu votre manga ?
Oui, j'ai eu des commentaires de personnes vivant dans cette région. Depuis le début ça me faisait peur, et au final ils m'ont dit que c'était quand même un peu éloigné de la vérité historique sur certains éléments, mais que c'était vraiment une histoire passionnante et intéressante. Donc dans mon sens j'ai atteint mon objectif, parce que ce que je voulais avec cette histoire, c'était que les gens originaires de cette région prennent du plaisir à la lire. J'étais contente et soulagée.
D'où vous est venue l'idée de l'histoire d'Emma ?
J'ai toujours adoré les maids et je voulais absolument en dessiner (rires).
L'histoire est née des différentes discussions avec mon éditeur, et on en est venus à la romance. Moi, les histoires d'amour, ce n'était pas vraiment ma tasse de thé au début, j'ai dû beaucoup étudier le sujet (rires).
Dans vos postfaces, votre avatar est amusant, dépareillé, avec les cheveux hirsutes. Pourquoi ?
Quand j'étais lycéenne, je m'entraînais devant le miroir à me dessiner, et ça donnait ça (rires).
Dans Bride Stories, chaque personnage a des costumes différents. Est-ce qu'il y a eu de la documentation pour chaque cas ?
Pour Amir, j'ai utilisé plusieurs costumes traditionnels de différentes régions que j'ai arrangés et un peu mêlés. Par contre, pour les autres personnages comme les jumelles ou Thalas, ça a été fait à partir de la documentation sur les costumes d'époque dans la région concernée.
Comment vous est venue l'idée des jumelles ?
Au tout début il n'y avait qu'une seule fille, et je me suis dit que ça n'avait pas assez d'impact, que ce n'était pas assez amusant. Du coup, j'en ai rajouté une. Et puis j'ai toujours eu envie de dessiner des personnages jumeaux (rires).
Quelle importance donnez-vous à l'écriture de vos postfaces, qui sont toujours agréables à lire ?
Je le fabrique comme je fabrique le manga, avec les mêmes étapes. Il est fait avec amour, comme le manga (rires). Et quand je trouve quelque chose d'intéressant à y mettre, je peux prendre plusieurs jours juste pour ça.
Les dernières minutes furent ensuite dédiées à la finalisation du dessin en live. Kaoru Mori apporta les dernières touches sur sa feuille, sous le regard attentif du public, avant une ultime salve d'applaudissements !
Commençons par une question classique : Kaoru Mori, comment êtes-vous devenue mangaka ?
Kaoru Mori : Quand j'étais plus jeune je dessinais des doujinshi (mangas amateurs, ndlr), et j'ai été repérée par mon éditeur qui est venu s'adresser directement à moi pour me proposer de devenir professionnelle.
Aviez-vous une passion pour le dessin ou la bande dessinée ?
J'ai toujours eu une passion pour le dessin, dès mon plus jeune âge. Je pense que dès que j'ai eu un crayon entre les mains j'ai commencé à dessiner.
Au début je souhaitais plutôt devenir artiste-peintre, puis plus tard j'ai découvert le manga, et une fois que je suis entrée dans ce monde-là c'est devenu une passion.
Avez-vous des œuvres cultes, qui vous ont marquée ou influencée ?
Il y a beaucoup d'artistes que j'adore. Quand j'étais plus jeune je suivais beaucoup les travaux de Kenji Tsuruta, d'Izumi Takemoto et de Yôsuke Takahashi. Mais l'auteur que j'admire depuis mon plus jeune âge et encore aujourd'hui est Jirô Taniguchi dont j'adore toutes les œuvres. Enfin, il y a Kaoru Shintani, l'auteur d'Area 88.
Quand on lit vos mangas, on se rend compte que votre style graphique n'est pas du tout-venant. Vous avez un trait particulier, une façon extrêmement précise et minutieuse de dessiner, notamment, les tapisseries, les motifs ou les costumes dans Bride Stories. Cela vient-il d'une influence particulière ?
Je pense que le souci du détail vient de mon côté plutôt borné (rires). J'ai envie de tout dessiner très précisément, de la façon la plus correcte possible. Et j'aime beaucoup dessiner les tapisseries et autres éléments de ce type, où l'on trouve des motifs très denses. C'est un type de dessin qui me plaît beaucoup, à moi qui ai toujours tendance à vouloir rajouter beaucoup de choses.
Vous disiez avoir commencé dans le doujinshi avant d'être repérée par votre éditeur. Est-ce que la transition entre amateurisme et professionnalisme a été facile ?
La plus grande difficulté au début a été de m'adapter au format des planches professionnelles, qui sont plus grandes. Il faut donc augmenter le niveau de détails, sinon on a l'impression que le dessin est assez vide. Il y avait aussi ma technique d'encrage au stylo, que je ne maîtrisais pas aussi bien qu'aujourd'hui. Quand j'y repense, à l'époque je n'étais vraiment pas douée (rires).
Beaucoup de jeunes français aimeraient devenir mangaka. A votre avis, quelles sont les qualités qui font un bon mangaka ?
Dans un premier temps, pour devenir mangaka professionnel, il faut avoir la patience et la détermination d'aller démarcher les éditeurs.
Du côté de la technique, il faut être capable d'affiner sa façon de dessiner. Ensuite, il y a le découpage qui est vraiment important : il faut un grand sens de la construction et du placement des cases. Enfin, il faut de la patience.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous travaillez sur un manga ? Nous présenter votre emploi du temps et les différentes étapes des nemu, des débuts du storyboard jusqu'à l'encrage final et au manuscrit adressé à votre éditeur.
J'ai une deadline d'un mois, que j'essaie de diviser en différentes parties.
En générale, j'essaie de la diviser en deux : deux semaines de recherches, de documentation et de création de scénario, et deux semaines sur le dessin.
Au début de la première semaine, je rencontre mon éditeur et on discute de façon très légère de ce qu'on va faire. On discute de mes propositions et de l'orientation du chapitre à venir. Ensuite je m'attelle à la construction du nemu, où l'on retrouve de façon très simple et crayonnée le chapitre au complet. C'est une étape très importante, car c'est le premier pas vers la finition du manga. Pour faire le nemu d'une chapitre de 24 pages, cela me prend généralement quatre jours. Ensuite je l'amène à mon éditeur et on discute de ce qu'on va faire, des endroits qu'il faut couper, de ce qu'il pense que je devrais enlever, ajouter ou déplacer . Et une fois que tout est ok, je peux commencer le travail sur les planches. Quand les crayonnés des planches sont finis, je passe à l'encrage au stylo. Généralement, c'est ce qui me prend le plus de temps. Ensuite, il faut gommer les restes de crayonnés, repasser sur qui a été perdu au niveau de l'encre, et faire les aplats sur les zones qui doivent être complètement noircies. C'est à partir de cette étape que je fais appel à mes deux assistants, qui procèdent avec moi à ces finalisations. Après ça, on passe aux trames, des calques spécifiques qu'on applique pour retranscrire des motifs récurrents. Cette dernière étape prend environ 2 ou 3 jours.
Quelle est l'étape que vous préférez sur la création d'un manga ?
J'adore tout (rires). Je pense que je me sens vraiment bien et plus légère quand le nemu est approuvé par mon éditeur, c'est toujours un instant de soulagement. Après ça, il n'y a plus qu'à dessiner, alors d'un coup ça va beaucoup mieux. Dessiner, c'est toujours un plaisir.
Sous un tonnerre d'applaudissements, Kaoru Mori se déplaça ensuite vers une table de travail afin d'y réaliser un dessin en live, tout en continuant de répondre aux questions.
On sait que les mangakas mènent une vie difficile avec un rythme de travail souvent effréné. Il leur arrive parfois des situations rocambolesques pendant les périodes de bouclage. Auriez-vous une anecdote à nous raconter sur une situation un peu amusante ou surprenante qui vous serait arrivée pendant une période de bouclage ?
Un soir de fatigue, il m'est arrivé de m'endormir sur ma table de dessin, et de rêver que j'avais fini mes planches. Quand je me suis réveillée j'ai constaté avec horreur que les feuilles devant moi étaient complètement blanches. J'étais persuadée d'avoir tout fini, et ça m'a tellement désespérée que je suis allée me coucher (rires et applaudissements du public).
Quel est votre personnage préféré dans Bride Stories, et pourquoi ?
Evidemment, c'est Amir, parce que c'est le personnage qui me demande le plus de travail, et c'est donc celui auquel je me suis le plus attachée.
Vos deux œuvres phares, Emma et Bride Stories, se passent toutes deux loin du Japon, au 19ème siècle. Pourquoi ces choix ?
Ce sont des endroits qui m'ont toujours passionnée, et je pense que si j'ai pu aborder ces thèmes, c'est grâce à mon éditeur qui est très libre là-dessus, là où beaucoup d'éditeurs ne souhaitent justement pas publier des histoires trop éloignées des lecteurs. J'ai eu le feu vert pour faire les histoires qui m'intéressaient, et j'ai donc pu faire ce que je voulais. Je pense qu'il y a beaucoup d'auteurs qui voudraient aussi faire des mangas autour d'autres pays que le Japon, mais qui sont peut-être limités par le magazine de prépublication pour lequel ils travaillent.
Qu'est-ce qui vous attire dans les tribus d'Asie centrale de Bride Stories, dans cet environnement culturel peu abordé ?
J'aime beaucoup lire, et j'ai lu beaucoup de récits de voyage sur ces régions du monde. Plus j'en lisais, plus j'avais envie de découvrir ces régions. Je me suis intéressée pas seulement aux livres, mais aussi aux recueils de photographies où l'on retrouvait la vie de l'époque dans ces régions. C'est une passion qui est née il y a longtemps, et qui a grandi au fil du temps.
Si les pays étrangers vous intéressent, vu que vous êtes en France, est-ce que vous pensez que la France pourrait vous intéresser pour un futur projet ?
C'est une possibilité. Il y a énormément de choses que j'aimerais faire et je ne sais pas si j'aurai le temps pour toutes, ni même si je pourrai coucher sur papier tout ce que j'ai envie de raconter, mais oui, je suis très intéressée par la France. Par exemple, j'aimerais bien faire une histoire qui serait centrée sur des dessinateurs de bande dessinée en France.
Une scène du premier tome de Bride Stories m'a beaucoup touché : celle où un artisan est en plein travail et où un enfant l'observe. On voit à cet instant un travail très précis sur la façon dont cet artisan crée son œuvre et sur le regard émerveillé de l'enfant. Est-ce que ce travail d'artisanat est pour vous une façon de mettre en scène votre propre travail de dessin ? Et en quoi considérez-vous qu'il y a une valeur spirituelle de transmission de savoir-faire du vieil homme à un enfant ?
Je suis passionnée par tout ce qui est artisanat et création, c'est quelque chose qui me tient à cœur, et j'avais envie de rendre hommage à cette culture dans la fabrication, la découpe du bois, la gravure, la couture, les tissus... Tout part de l'Asie centrale, et c'est quelque chose que je souhaite vraiment mettre en avant dans mon manga, parce que c'est quelque chose que j'adore et que je trouve vraiment magnifique.
On a une relation très étonnante entre Amir et Karluk puisque l'une a 20 ans et que l'autre est de 8 ans son cadet. D'où vous est venue cette idée de créer une relation amoureuse entre une jeune femme et un très jeune homme ?
Ce que je voulais faire en premier lieu, c'était retranscrire une réalité de l'époque, montrer que la notion de couple pouvait être ainsi en Asie Centrale à cette époque, où ce n'était pas forcément une question d'âge comme dans notre vision moderne du couple.
Et cette différence d'âge était aussi un bon moyen de piquer la curiosité du lecteur et de lui donner envie de lire les aventures de ces personnages.
Vous êtes non seulement très douée pour ce qui concerne les relations amoureuses et le travail de l'artisanat, mais on a aussi droit dans Bride Stories à des scènes d'action spectaculaires dignes de blockbusters américains. D'où vient votre inspiration pour ces scènes ? Comment travaillez-vous pour mettre en scène ces séquences d'affrontements ?
Difficile de répondre en ne citant que quelques exemples, car c'est l'accumulation de tout ce que j'ai pu voir ou lire dans le genre qui m'a apporté une expérience dans ce genre de scène.
Mais je peux quand même dire que les cavaliers, c'est quelque chose que j'adore. Je me suis retenue le plus longtemps possible de mettre des scènes de combat à cheval, mais pour le sixième volume je voulais changer un peu l'ambiance dans l'histoire, qui jusque là était assez paisible et beaucoup plus centrée sur les personnages féminins. Je ne vais pas dire que c'était du fan-service pour les hommes, mais un petit peu quand même (rires). J'avais envie de faire ça depuis le début, et avec surprise ça a aussi beaucoup plu aux dames.
La conférence continua ensuite avec des questions du public.
Concernant Bride Stories, avez-vous reçu des messages de personnes habitant cette région du monde et ayant lu votre manga ?
Oui, j'ai eu des commentaires de personnes vivant dans cette région. Depuis le début ça me faisait peur, et au final ils m'ont dit que c'était quand même un peu éloigné de la vérité historique sur certains éléments, mais que c'était vraiment une histoire passionnante et intéressante. Donc dans mon sens j'ai atteint mon objectif, parce que ce que je voulais avec cette histoire, c'était que les gens originaires de cette région prennent du plaisir à la lire. J'étais contente et soulagée.
D'où vous est venue l'idée de l'histoire d'Emma ?
J'ai toujours adoré les maids et je voulais absolument en dessiner (rires).
L'histoire est née des différentes discussions avec mon éditeur, et on en est venus à la romance. Moi, les histoires d'amour, ce n'était pas vraiment ma tasse de thé au début, j'ai dû beaucoup étudier le sujet (rires).
Dans vos postfaces, votre avatar est amusant, dépareillé, avec les cheveux hirsutes. Pourquoi ?
Quand j'étais lycéenne, je m'entraînais devant le miroir à me dessiner, et ça donnait ça (rires).
Dans Bride Stories, chaque personnage a des costumes différents. Est-ce qu'il y a eu de la documentation pour chaque cas ?
Pour Amir, j'ai utilisé plusieurs costumes traditionnels de différentes régions que j'ai arrangés et un peu mêlés. Par contre, pour les autres personnages comme les jumelles ou Thalas, ça a été fait à partir de la documentation sur les costumes d'époque dans la région concernée.
Comment vous est venue l'idée des jumelles ?
Au tout début il n'y avait qu'une seule fille, et je me suis dit que ça n'avait pas assez d'impact, que ce n'était pas assez amusant. Du coup, j'en ai rajouté une. Et puis j'ai toujours eu envie de dessiner des personnages jumeaux (rires).
Quelle importance donnez-vous à l'écriture de vos postfaces, qui sont toujours agréables à lire ?
Je le fabrique comme je fabrique le manga, avec les mêmes étapes. Il est fait avec amour, comme le manga (rires). Et quand je trouve quelque chose d'intéressant à y mettre, je peux prendre plusieurs jours juste pour ça.
Les dernières minutes furent ensuite dédiées à la finalisation du dessin en live. Kaoru Mori apporta les dernières touches sur sa feuille, sous le regard attentif du public, avant une ultime salve d'applaudissements !
De saorikido53 [1567 Pts], le 20 Juillet 2015 à 09h59
Une super mangaka, j'adore toutes ses séries ! Elle est vraiment super douée pour dessiner Amir ! Si seulement, je pouvais faire pareille (je me dit : entrainement et patience ! ).
Super interview ! :3
De Meichan [209 Pts], le 24 Avril 2014 à 10h35
J'ai assister à sa conférence au Salon du Livre. C'est une mangaka remarquable et bourré de talent.
De winipouh [2147 Pts], le 24 Avril 2014 à 09h56
merci pour l'interview super interessant :)
De shinob [127 Pts], le 24 Avril 2014 à 09h53
Chouette compte-rendu de conférence... et la dédicace est magnifique ^^
De itsuki38 [598 Pts], le 23 Avril 2014 à 20h31
c'est un très bon manga je le conseil a tous