Ciné-Asie Critique Ciné Asie - Les salauds dorment en paix d'Akira Kurosawa
Voici la critique par Raimaru du film d'Akira Kurosawa Les salauds dorment en paix.
En 1960, Akira Kurosawa casse sa série de films de samouraïs avec un thriller sociétal : "les Salauds dorment en paix". Il ne change toutefois pas d’acteur fétiche. Toshirô Mifune est toujours de la partie, Takashi Shimura également. Dans ce film noir, le spectateur suivra la vengeance d’un jeune fonctionnaire qui devra affronter tout un système mafieux pourri de l’intérieur.
Là où des films comme Rashômon ou le Château de l’Araignée parlent de l’Homme dans son aspect philosophique et spirituel, les Salauds dorment en paix propose quelque chose de plus concret, une peinture au vitriol du fonctionnement de la société japonaise moderne, noircie par un patriarcat solidement ancré dans les mœurs et l’ouverture au capitalisme et ses dérives. Dans ce film, l’homme est noir, mais pas tant par la pensée que par son comportement global au sein de la société.
Le premier tiers du film est consacré à une lente montée de la tension. On assiste aux noces de Nishi (Tôshirô Mifune) et la fille d’un grand fonctionnaire. L’un de ses plus fidèles employés, invité au mariage, vient de recevoir une information et son visage pâlit. Il en informe ses chefs qui font de même. Cette scène du mariage provoque un vrai malaise, ce qui correspond vraisemblablement à ce que Kurosawa voulait laisser transparaître. On sent le poids des traditions, le regard sévère du père, la mariée qui doit se soumettre aux volontés des hommes de la famille, mais qui est pourtant sincère dans son amour. La robe traditionnelle de la mariée contraste beaucoup avec les smokings occidentaux des hommes, et l’immeuble de la réception, très européen. Il y a quelque chose de dissonant dans cette atmosphère, comme pour montrer que la société japonaise, en pleine transformation, est tiraillée entre deux extrêmes. Pour commenter tout cela, le réalisateur fait discuter des journalistes venu assister à cette cérémonie. Il convient de noter que même ces rôles secondaires s’avèrent interprétés par de très bons acteurs.
S’en suit une révélation qui permet de vraiment faire démarrer l’intrigue : le père de la mariée, ce haut fonctionnaire, est également un escroc. Pour faire disparaitre ses propres collaborateurs qui en savent trop, il leur demande de se suicider. L’un de ces suicidés a peut-être laissé dans son sillage l’amertume d’un proche ? En tout cas, difficile ne pas retrouver un certain sens de la loyauté à la Japonaise, mais dans ce qu’elle a de plus négatif, en faisant des morts.
Le reste du film déroule l’intrigue de manière assez claire : on sait très vite qui cherche à se venger et pourquoi. Ce qui importe, ce n’est pas tant le rythme des révélations, mais le fait de raconter cette intrigue calquée sur du réel (la critique de la société de l’époque) et de voir qu’elle va vers un genre d’obscurantisme. On peut d’ailleurs parler de film noir, car Kurosawa s’autorise des effets de styles bluffants sur l’éclairage, à l’image des scènes de nuit dans la rue où les phares des voitures font apparaître et disparaitre des silhouettes.
En bref, "les Salauds dorment en paix" prouve qu’avec un même style et un même objectif, Kurosawa peut officier avec brio sur d’autres genres de scénario. Ce film, l’un des préférés de Francis Ford Coppola, ce suit avec grand intérêt, car même pour parler d’un contexte totalement étranger à des spectateurs comme nous, français, et dénué de fantaisie qui plus est (à l’inverse de ses films de samouraïs), Kurosawa parvient à nous tenir en haleine. Un film à voir, surtout pour les inconditionnels du réalisateur et de Tôshirô Mifune.
L’édition DVD est plutôt de bonne facture : par moment, l’image présente des grains, mais on peut attribuer cela à la pellicule originale. Wild Side a malgré tout réussi à proposer une bande tout à fait lisible. Comme pour les autres DVDs de la collection « Les Introuvables », on a droit à un disque bonus. L’un des contenus est un documentaire sur Kurosawa, déjà présent sur d’autres films du réalisateur dans cette collection (ce qui ne gâche en rien sa qualité) ; l’autre, une interview d’un proche collaborateur du maître. C’est toujours agréable d’avoir des témoignages de ce type, même si cela s’adresse, encore une fois, plutôt à des cinéphiles.
En 1960, Akira Kurosawa casse sa série de films de samouraïs avec un thriller sociétal : "les Salauds dorment en paix". Il ne change toutefois pas d’acteur fétiche. Toshirô Mifune est toujours de la partie, Takashi Shimura également. Dans ce film noir, le spectateur suivra la vengeance d’un jeune fonctionnaire qui devra affronter tout un système mafieux pourri de l’intérieur.
Là où des films comme Rashômon ou le Château de l’Araignée parlent de l’Homme dans son aspect philosophique et spirituel, les Salauds dorment en paix propose quelque chose de plus concret, une peinture au vitriol du fonctionnement de la société japonaise moderne, noircie par un patriarcat solidement ancré dans les mœurs et l’ouverture au capitalisme et ses dérives. Dans ce film, l’homme est noir, mais pas tant par la pensée que par son comportement global au sein de la société.
Le premier tiers du film est consacré à une lente montée de la tension. On assiste aux noces de Nishi (Tôshirô Mifune) et la fille d’un grand fonctionnaire. L’un de ses plus fidèles employés, invité au mariage, vient de recevoir une information et son visage pâlit. Il en informe ses chefs qui font de même. Cette scène du mariage provoque un vrai malaise, ce qui correspond vraisemblablement à ce que Kurosawa voulait laisser transparaître. On sent le poids des traditions, le regard sévère du père, la mariée qui doit se soumettre aux volontés des hommes de la famille, mais qui est pourtant sincère dans son amour. La robe traditionnelle de la mariée contraste beaucoup avec les smokings occidentaux des hommes, et l’immeuble de la réception, très européen. Il y a quelque chose de dissonant dans cette atmosphère, comme pour montrer que la société japonaise, en pleine transformation, est tiraillée entre deux extrêmes. Pour commenter tout cela, le réalisateur fait discuter des journalistes venu assister à cette cérémonie. Il convient de noter que même ces rôles secondaires s’avèrent interprétés par de très bons acteurs.
S’en suit une révélation qui permet de vraiment faire démarrer l’intrigue : le père de la mariée, ce haut fonctionnaire, est également un escroc. Pour faire disparaitre ses propres collaborateurs qui en savent trop, il leur demande de se suicider. L’un de ces suicidés a peut-être laissé dans son sillage l’amertume d’un proche ? En tout cas, difficile ne pas retrouver un certain sens de la loyauté à la Japonaise, mais dans ce qu’elle a de plus négatif, en faisant des morts.
Le reste du film déroule l’intrigue de manière assez claire : on sait très vite qui cherche à se venger et pourquoi. Ce qui importe, ce n’est pas tant le rythme des révélations, mais le fait de raconter cette intrigue calquée sur du réel (la critique de la société de l’époque) et de voir qu’elle va vers un genre d’obscurantisme. On peut d’ailleurs parler de film noir, car Kurosawa s’autorise des effets de styles bluffants sur l’éclairage, à l’image des scènes de nuit dans la rue où les phares des voitures font apparaître et disparaitre des silhouettes.
En bref, "les Salauds dorment en paix" prouve qu’avec un même style et un même objectif, Kurosawa peut officier avec brio sur d’autres genres de scénario. Ce film, l’un des préférés de Francis Ford Coppola, ce suit avec grand intérêt, car même pour parler d’un contexte totalement étranger à des spectateurs comme nous, français, et dénué de fantaisie qui plus est (à l’inverse de ses films de samouraïs), Kurosawa parvient à nous tenir en haleine. Un film à voir, surtout pour les inconditionnels du réalisateur et de Tôshirô Mifune.
L’édition DVD est plutôt de bonne facture : par moment, l’image présente des grains, mais on peut attribuer cela à la pellicule originale. Wild Side a malgré tout réussi à proposer une bande tout à fait lisible. Comme pour les autres DVDs de la collection « Les Introuvables », on a droit à un disque bonus. L’un des contenus est un documentaire sur Kurosawa, déjà présent sur d’autres films du réalisateur dans cette collection (ce qui ne gâche en rien sa qualité) ; l’autre, une interview d’un proche collaborateur du maître. C’est toujours agréable d’avoir des témoignages de ce type, même si cela s’adresse, encore une fois, plutôt à des cinéphiles.