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Ciné-Asie Critique - Coffret Tetsuo I & II
Nous vous proposons aujourd'hui une chronique du coffret comprenant deux films cultes pour les amateurs d'ambiance cyberpunk et de cinéma underground : Tetsuo et Tetsuo II. A ne pas mettre entre toutes les mains !
Feu la collection Asian classics dirigée par Jean-Pierre Dionnet portait bien son nom. Destinée à faire découvrir les pépites méconnues du cinéma japonais, il n'est pas étonnant d'avoir vu y débarquer deux films qui ont fait grand bruit lors de leur sortie : « Tetsuo » et « Tetsuo II ».
Mais remettons-nous un peu dans le contexte. Tetsuo, c'est le prénom du biker fait prisonnier qui subira des expériences dans l'excellentissime Akira, le seinen de science-fiction post-apocalyptique des années 1980, chef d'oeuvre de Katsuhiro Otomo. Le réalisateur Shinya Tsukamoto reprendra, comme un hommage, le nom du personnage pour ses films. « Tetsuo » et « Tetsuo II » font partie, d'une part, d'un triptyque thématique sur Tokyo qui se conclura avec Tokyo fist, et d'autre part, d'une trilogie qui s'achèvera avec la sortie inattendue (le film ayant été conçu secrètement) de « Tetsuo : The Bullet man », projeté lors de la Mostra de Venise 2009. « Tetsuo » et « Tetsuo II », c'est aussi l'histoire d'une production chaotique et d'un succès chez un certain public. Le cinéaste Shinya Tsukamoto a passé plus de deux ans pour réaliser le premier, largement autofinancé, explorant des déchèteries pour trouver des objets utilisés pour la création des décors, opérant en tant que réalisateur, acteur, chef de la photographie, à la bande-son... A la fin de la production, quasiment toute l'équipe l'avait abandonné. Une histoire de cinéma comme il en existe beaucoup. Pourtant, « Tetsuo » connut un succès énorme dans certains milieux. L'écrivain et leader du mouvement cyberpunk William Gibson considéra « Tetsuo » comme le premier véritable film de genre cyberpunk, omettant volontairement « Blade runner » et « Mad max ». Darren Aronofsky et Quentin Tarantino auraient littéralement déliré lors du visionnage. En bref, il y aurait quelque chose chez les deux premiers longs métrages de Shinya Tsukamoto, quelque chose qui les rend cultes et indispensables. Mettons les choses au point dès à présent : ces deux « Tetsuo » sont réservés à un public restreint de cinéphiles adeptes de contre-cultures, et plus particulièrement fans de cyberpunk. S'il y a bien quelques éléments qui rappellent fortement l'esthétique noire des Cronenberg, Lynch et Fincher lors de leurs débuts (« La Mouche », « Elephant man », « Alien 3 »), « Tetsuo » et « Tetsuo II » sont bien trop difficiles d'accès, tant dans leur narration que dans leur mise en scène, pour espérer être visionnés par tout un chacun.
Commençons par une critique de « Tetsuo », sorti en 1988, et qui a atteint le statut d'oeuvre culte chez une certaine catégorie de spectateurs.
Un chauffard fauche un homme en plein milieu d'une rue et le tue. Après l'accident, le coupable souffre d'un mal étrange et évolutif. Le premier symptôme ? Une pointe de métal qui sortant d'une joue. L'homme va peu à peu se transformer en homme de métal.
La première chose qui marque, c'est la progression narrative assez chaotique. Tsukamoto l'a dit lui-même, il a conçu son scénario au fur et à mesure, rajoutant des pièces çà et là, tel une métaphore de son propre film, qui montre un homme qui se transforme peu à peu en créature composée de métal. Finalement, le film est assez simple à comprendre, gravitant autour de scènes fortes : celle, introductive, assez géniale il faut le dire, dans laquelle un homme se perfore la jambe pour y insérer une tige de métal, mais paniquant lorsqu'il trouve des vers dans sa blessure ; celle de la découverte par le chauffard de son mal ; celle de la poursuite dans le métro par une femme dont le corps est envahi par le métal ; des scènes sexuelles très particulières... Cette succession de scènes fait penser à un patchwork d'étudiants en cinématographie qui auraient tourné chacun une scène ayant pour thème la mutation de l'homme en machine. Ce qui pose problème, ce sont les transitions abruptes et sèches, l'image en noir et blanc brouillonne, et la mise en scène épileptique qui donne le tournis tant certaines séquences (le plus souvent, celles avec caméra à l'épaule) produisent une atroce migraine, voire la nausée. Cette nausée probable ne pourra qu'être renforcée par des bruitages qui frétillent (l'huile de vidange comme si vous y étiez...), bourdonnent (la vermine) ou hurlent (la télé à fond) en permanence, et une musique industrielle métallique (forcément...) hardcore. Ne pas regarder au casque, sous peine de vous exploser la cervelle ! Vous voilà prévenus. Ainsi, la forme anticonventionnelle, typique d'un cinéma underground, donne lieu à une oeuvre visuelle, sonore et narrative expérimentale et nébuleuse presque irregardable. « Tetsuo » est une gigantesque hallucination greffée de tout et n'importe quoi, telle une métaphore de décharge où se côtoieraient organique et métallique.
Pourtant, pour les plus patients ou passionnés, tout n'est pas à jeter, bien au contraire ! Dans les détails, c'est visuellement très ambitieux malgré des moyens limités (superbes décors composés de ferraille et de crasse, trucages étonnants), les acteurs sont absolument épatants. La symbolique reste de même intéressante malgré la mise en scène anarchique, bouillie où s'entremêlent l'hybridation de l'homme et de la machine, de la chair et du métal, la douleur et le sexe. D'ailleurs, la puissance de la machine prenant le pas sur l'humain rappelle fortement la transformation de Jeff Goldblum dans « La Mouche » de Cronenberg, en infiniment moins maîtrisé cependant. De plus, toujours en faisant l'effort de s'intéresser de près à ce qui se passe sous nos yeux malgré l'évidente torture visuelle, Shinya Tsukamoto a une curieuse façon de filmer les matières organiques, donc les machines, à la fois sensuelle et morbide. La critique sociale en seconde lecture n'est également jamais loin, puisque le personnage qui aura le privilège de se métamorphoser en amas de fils et tuyaux n'est autre qu'un salaryman à cravate (avec chemise parfaitement blanche, attaché-case... et maîtresse pour assouvir ses désirs). Que la transformation sadique touche une caricature d'homme nippon semble assez jubilatoire pour le réalisateur, qui lui fait subir des sévices métalliques ou sexuels. « Tetsuo » apparaît donc comme une expérience plus proche du clip amateur que du cinéma, d'autant que le film est relativement court (une heure).
(« Tetsuo » : 09/20)
Place maintenant à « Tetsuo II », sorti en 1992.
Un couple se fait enlever sa petite fille par deux punks en pleine rue. C'est en fait après le père qu'ils en ont. Celui-ci se fait également enlever et devient le cobaye d'expériences destinées à faire de lui un être mi-homme, mi-machine.
Avec « Tetsuo II », Shinya Tsukamoto a voulu faire un remettre de « Tetsuo ». Bien que le second volet ne reprit pas les mêmes personnages, la thématique reste l'hybridation de l'homme avec la machine. « Tetsuo II » est désormais en couleurs, et s'avère un peu plus accessible que le premier opus, comme s'il avait digéré la fusion entre un cinéma grand public à l'ambiance cyberpunk et un cinéma plus expérimental. En effet, le film s'avère mieux organisé, moins brouillon dans sa mise en scène, qui lorgne cependant toujours en majorité du côté de l'underground avec des angles de vue et une image prises depuis un tambour de machine à laver. Dans l'ensemble, le tout reste moins vomitif que le premier volet, heureusement ! « Tetsuo II » est également mieux scénarisé, donc plus clair, et toujours aussi direct dans ce qu'il veut montrer, avec toujours pas mal d'éléments intéressants sur le thème traité : le mélange entre homme et machine. Plus simplement un exercice de style, mais pas mieux toutefois qu'un objet visuel, car le scénario n'atteint pas non plus des summums. Bis repetita en somme ? Oui, presque. La forme reste (très) particulière, le fond parfois réussi mais souffrant de la première. « Parfois réussi » ? Oui, parce que Tsukamoto s'appuie toujours sur des scènes fortes, en délaissant le reste. Cela ne vous rappelle personne ? Si. Takashi Miike, dont il est depuis devenu proche. Notons d'ailleurs la propension désagréable de Tsukamoto à utiliser les accélérés, comme Miike. Et les scènes fortes sont moins chargées symboliquement que celles du premier opus, telle celle, extrêmement violente, de la mort d'un enfant. Il y a bien le débarquement d'un tank mixte cyber-organique, les battements d'un coeur artificiel de métal, mais le tout reste bien moins intéressant, et évoqué de façon infiniment plus confuse, que dans l'excellentissime Ghost in the Shell sorti 3 ans après. On finit donc par chercher de la symbolique et de la métaphore partout, et à voir du « Metropolis » de Fritz Lang dans une secte occupant une fonderie... Toutefois, il y a bien de vraies références, à peine voilées et peu inspirées, à Alien et Terminator 2 (un tuyau qui émerge de la poitrine du cobaye, un monstre froid qui élimine froidement ses victimes tel le Terminator ou les poursuit sans relâche tel un T-1000).
« Tetsuo II » est par conséquent plutôt lassant, et le cinéaste, même s'il reprend quasiment tous les éléments du premier, ne transcende pas son schéma. Effectivement, on ne s'éloigne pas de son monde supposé futuriste, entre robots, vols d'enfants, et sexe à outrance, le tout sur une bande sonore apocalyptique. On reste sur un film sadique, nihiliste et violent dans un univers de punk...pour les punks.
Le plus intéressant réside dans l'introduction de la couleur : Shinya Tsukamoto s'intéresse toujours à Tokyo, inhospitalier, morne, déshumanisé...mais désormais en bleu ou en rouge ! Il est d'ailleurs étonnant de relever quelques points communs entre le Tokyo de Tsukamoto et le Bangkok de Winding Refn dans « Only God Forgives ». Ce sont le bleu et le rouge qui mènent la danse dans ces mégapoles, pas les autres couleurs.
(« Tetsuo II» : 09/20)
L'édition est de très bonne facture. Le livret est riche en infos (et, malheureusement, en fautes d'orthographe). Sur le DVD de « Tetsuo », vous aurez notamment droit à une interview du réalisateur par Jean-Pierre Dionnet de près de 20 minutes, et à une seconde interview de cinq minutes. Sur la galette de « Tetsuo II », ce sera une interview assez courte et un making-of...aux allures d'images volées et tout en japonais (pas de sous-titres !). Un spectateur japonais lui-même aura du mal à profiter de ce drôle de reportage, car les voix de l'équipe (réalisateur, techniciens, acteurs) sont toutes couvertes par le bruit de fond. Dommage. Mais ne pas bouder son plaisir est de rigueur. Le constat est là : avec ses très bonnes interviews, cette édition est clairement faite pour les fans, pour deux films déjà destinés à des fans. Jean-Pierre Dionnet, par ses propos, semble en être un assez absolu. Rarement on l'a vu si enthousiaste, même face à du Kitano. Cela n'est guère étonnant, au regard des passions et des activités passées du monsieur.
Au final, peu de spectateurs risquent apprécier d'être confrontés à ces deux films. « Tetsuo » est maelström de violence fait d'une mise en scène hallucinatoire et un son qui arrache les tympans. « Tetsuo II » est plus cadré, mais pas plus doux. Seuls les amateurs de cinéma underground et expérimental, ou les passionnés de cyberpunk qui verront deux oeuvres fondatrices de ce courant, seront séduits. Je ne les ai personnellement appréciées que pour ce dernier point. Loin de moi l'idée de les regarder à la manière de ce qui est recommandé par Dionnet ou le réalisateur lui-même : proche de l'écran, le son à fond. Ce genre d'expérience ne plaira qu'à un public (très) averti.
Feu la collection Asian classics dirigée par Jean-Pierre Dionnet portait bien son nom. Destinée à faire découvrir les pépites méconnues du cinéma japonais, il n'est pas étonnant d'avoir vu y débarquer deux films qui ont fait grand bruit lors de leur sortie : « Tetsuo » et « Tetsuo II ».
Mais remettons-nous un peu dans le contexte. Tetsuo, c'est le prénom du biker fait prisonnier qui subira des expériences dans l'excellentissime Akira, le seinen de science-fiction post-apocalyptique des années 1980, chef d'oeuvre de Katsuhiro Otomo. Le réalisateur Shinya Tsukamoto reprendra, comme un hommage, le nom du personnage pour ses films. « Tetsuo » et « Tetsuo II » font partie, d'une part, d'un triptyque thématique sur Tokyo qui se conclura avec Tokyo fist, et d'autre part, d'une trilogie qui s'achèvera avec la sortie inattendue (le film ayant été conçu secrètement) de « Tetsuo : The Bullet man », projeté lors de la Mostra de Venise 2009. « Tetsuo » et « Tetsuo II », c'est aussi l'histoire d'une production chaotique et d'un succès chez un certain public. Le cinéaste Shinya Tsukamoto a passé plus de deux ans pour réaliser le premier, largement autofinancé, explorant des déchèteries pour trouver des objets utilisés pour la création des décors, opérant en tant que réalisateur, acteur, chef de la photographie, à la bande-son... A la fin de la production, quasiment toute l'équipe l'avait abandonné. Une histoire de cinéma comme il en existe beaucoup. Pourtant, « Tetsuo » connut un succès énorme dans certains milieux. L'écrivain et leader du mouvement cyberpunk William Gibson considéra « Tetsuo » comme le premier véritable film de genre cyberpunk, omettant volontairement « Blade runner » et « Mad max ». Darren Aronofsky et Quentin Tarantino auraient littéralement déliré lors du visionnage. En bref, il y aurait quelque chose chez les deux premiers longs métrages de Shinya Tsukamoto, quelque chose qui les rend cultes et indispensables. Mettons les choses au point dès à présent : ces deux « Tetsuo » sont réservés à un public restreint de cinéphiles adeptes de contre-cultures, et plus particulièrement fans de cyberpunk. S'il y a bien quelques éléments qui rappellent fortement l'esthétique noire des Cronenberg, Lynch et Fincher lors de leurs débuts (« La Mouche », « Elephant man », « Alien 3 »), « Tetsuo » et « Tetsuo II » sont bien trop difficiles d'accès, tant dans leur narration que dans leur mise en scène, pour espérer être visionnés par tout un chacun.
Commençons par une critique de « Tetsuo », sorti en 1988, et qui a atteint le statut d'oeuvre culte chez une certaine catégorie de spectateurs.
Un chauffard fauche un homme en plein milieu d'une rue et le tue. Après l'accident, le coupable souffre d'un mal étrange et évolutif. Le premier symptôme ? Une pointe de métal qui sortant d'une joue. L'homme va peu à peu se transformer en homme de métal.
La première chose qui marque, c'est la progression narrative assez chaotique. Tsukamoto l'a dit lui-même, il a conçu son scénario au fur et à mesure, rajoutant des pièces çà et là, tel une métaphore de son propre film, qui montre un homme qui se transforme peu à peu en créature composée de métal. Finalement, le film est assez simple à comprendre, gravitant autour de scènes fortes : celle, introductive, assez géniale il faut le dire, dans laquelle un homme se perfore la jambe pour y insérer une tige de métal, mais paniquant lorsqu'il trouve des vers dans sa blessure ; celle de la découverte par le chauffard de son mal ; celle de la poursuite dans le métro par une femme dont le corps est envahi par le métal ; des scènes sexuelles très particulières... Cette succession de scènes fait penser à un patchwork d'étudiants en cinématographie qui auraient tourné chacun une scène ayant pour thème la mutation de l'homme en machine. Ce qui pose problème, ce sont les transitions abruptes et sèches, l'image en noir et blanc brouillonne, et la mise en scène épileptique qui donne le tournis tant certaines séquences (le plus souvent, celles avec caméra à l'épaule) produisent une atroce migraine, voire la nausée. Cette nausée probable ne pourra qu'être renforcée par des bruitages qui frétillent (l'huile de vidange comme si vous y étiez...), bourdonnent (la vermine) ou hurlent (la télé à fond) en permanence, et une musique industrielle métallique (forcément...) hardcore. Ne pas regarder au casque, sous peine de vous exploser la cervelle ! Vous voilà prévenus. Ainsi, la forme anticonventionnelle, typique d'un cinéma underground, donne lieu à une oeuvre visuelle, sonore et narrative expérimentale et nébuleuse presque irregardable. « Tetsuo » est une gigantesque hallucination greffée de tout et n'importe quoi, telle une métaphore de décharge où se côtoieraient organique et métallique.
Pourtant, pour les plus patients ou passionnés, tout n'est pas à jeter, bien au contraire ! Dans les détails, c'est visuellement très ambitieux malgré des moyens limités (superbes décors composés de ferraille et de crasse, trucages étonnants), les acteurs sont absolument épatants. La symbolique reste de même intéressante malgré la mise en scène anarchique, bouillie où s'entremêlent l'hybridation de l'homme et de la machine, de la chair et du métal, la douleur et le sexe. D'ailleurs, la puissance de la machine prenant le pas sur l'humain rappelle fortement la transformation de Jeff Goldblum dans « La Mouche » de Cronenberg, en infiniment moins maîtrisé cependant. De plus, toujours en faisant l'effort de s'intéresser de près à ce qui se passe sous nos yeux malgré l'évidente torture visuelle, Shinya Tsukamoto a une curieuse façon de filmer les matières organiques, donc les machines, à la fois sensuelle et morbide. La critique sociale en seconde lecture n'est également jamais loin, puisque le personnage qui aura le privilège de se métamorphoser en amas de fils et tuyaux n'est autre qu'un salaryman à cravate (avec chemise parfaitement blanche, attaché-case... et maîtresse pour assouvir ses désirs). Que la transformation sadique touche une caricature d'homme nippon semble assez jubilatoire pour le réalisateur, qui lui fait subir des sévices métalliques ou sexuels. « Tetsuo » apparaît donc comme une expérience plus proche du clip amateur que du cinéma, d'autant que le film est relativement court (une heure).
(« Tetsuo » : 09/20)
Place maintenant à « Tetsuo II », sorti en 1992.
Un couple se fait enlever sa petite fille par deux punks en pleine rue. C'est en fait après le père qu'ils en ont. Celui-ci se fait également enlever et devient le cobaye d'expériences destinées à faire de lui un être mi-homme, mi-machine.
Avec « Tetsuo II », Shinya Tsukamoto a voulu faire un remettre de « Tetsuo ». Bien que le second volet ne reprit pas les mêmes personnages, la thématique reste l'hybridation de l'homme avec la machine. « Tetsuo II » est désormais en couleurs, et s'avère un peu plus accessible que le premier opus, comme s'il avait digéré la fusion entre un cinéma grand public à l'ambiance cyberpunk et un cinéma plus expérimental. En effet, le film s'avère mieux organisé, moins brouillon dans sa mise en scène, qui lorgne cependant toujours en majorité du côté de l'underground avec des angles de vue et une image prises depuis un tambour de machine à laver. Dans l'ensemble, le tout reste moins vomitif que le premier volet, heureusement ! « Tetsuo II » est également mieux scénarisé, donc plus clair, et toujours aussi direct dans ce qu'il veut montrer, avec toujours pas mal d'éléments intéressants sur le thème traité : le mélange entre homme et machine. Plus simplement un exercice de style, mais pas mieux toutefois qu'un objet visuel, car le scénario n'atteint pas non plus des summums. Bis repetita en somme ? Oui, presque. La forme reste (très) particulière, le fond parfois réussi mais souffrant de la première. « Parfois réussi » ? Oui, parce que Tsukamoto s'appuie toujours sur des scènes fortes, en délaissant le reste. Cela ne vous rappelle personne ? Si. Takashi Miike, dont il est depuis devenu proche. Notons d'ailleurs la propension désagréable de Tsukamoto à utiliser les accélérés, comme Miike. Et les scènes fortes sont moins chargées symboliquement que celles du premier opus, telle celle, extrêmement violente, de la mort d'un enfant. Il y a bien le débarquement d'un tank mixte cyber-organique, les battements d'un coeur artificiel de métal, mais le tout reste bien moins intéressant, et évoqué de façon infiniment plus confuse, que dans l'excellentissime Ghost in the Shell sorti 3 ans après. On finit donc par chercher de la symbolique et de la métaphore partout, et à voir du « Metropolis » de Fritz Lang dans une secte occupant une fonderie... Toutefois, il y a bien de vraies références, à peine voilées et peu inspirées, à Alien et Terminator 2 (un tuyau qui émerge de la poitrine du cobaye, un monstre froid qui élimine froidement ses victimes tel le Terminator ou les poursuit sans relâche tel un T-1000).
« Tetsuo II » est par conséquent plutôt lassant, et le cinéaste, même s'il reprend quasiment tous les éléments du premier, ne transcende pas son schéma. Effectivement, on ne s'éloigne pas de son monde supposé futuriste, entre robots, vols d'enfants, et sexe à outrance, le tout sur une bande sonore apocalyptique. On reste sur un film sadique, nihiliste et violent dans un univers de punk...pour les punks.
Le plus intéressant réside dans l'introduction de la couleur : Shinya Tsukamoto s'intéresse toujours à Tokyo, inhospitalier, morne, déshumanisé...mais désormais en bleu ou en rouge ! Il est d'ailleurs étonnant de relever quelques points communs entre le Tokyo de Tsukamoto et le Bangkok de Winding Refn dans « Only God Forgives ». Ce sont le bleu et le rouge qui mènent la danse dans ces mégapoles, pas les autres couleurs.
(« Tetsuo II» : 09/20)
L'édition est de très bonne facture. Le livret est riche en infos (et, malheureusement, en fautes d'orthographe). Sur le DVD de « Tetsuo », vous aurez notamment droit à une interview du réalisateur par Jean-Pierre Dionnet de près de 20 minutes, et à une seconde interview de cinq minutes. Sur la galette de « Tetsuo II », ce sera une interview assez courte et un making-of...aux allures d'images volées et tout en japonais (pas de sous-titres !). Un spectateur japonais lui-même aura du mal à profiter de ce drôle de reportage, car les voix de l'équipe (réalisateur, techniciens, acteurs) sont toutes couvertes par le bruit de fond. Dommage. Mais ne pas bouder son plaisir est de rigueur. Le constat est là : avec ses très bonnes interviews, cette édition est clairement faite pour les fans, pour deux films déjà destinés à des fans. Jean-Pierre Dionnet, par ses propos, semble en être un assez absolu. Rarement on l'a vu si enthousiaste, même face à du Kitano. Cela n'est guère étonnant, au regard des passions et des activités passées du monsieur.
Au final, peu de spectateurs risquent apprécier d'être confrontés à ces deux films. « Tetsuo » est maelström de violence fait d'une mise en scène hallucinatoire et un son qui arrache les tympans. « Tetsuo II » est plus cadré, mais pas plus doux. Seuls les amateurs de cinéma underground et expérimental, ou les passionnés de cyberpunk qui verront deux oeuvres fondatrices de ce courant, seront séduits. Je ne les ai personnellement appréciées que pour ce dernier point. Loin de moi l'idée de les regarder à la manière de ce qui est recommandé par Dionnet ou le réalisateur lui-même : proche de l'écran, le son à fond. Ce genre d'expérience ne plaira qu'à un public (très) averti.
De redh, le 30 Septembre 2013 à 15h49
Tetsuo I est juste un chef d'oeuvre grandiose, pionnier du cyberpunk à l'écran, magnifique comme un Eraserhead... A voir par tous les cinéphiles sans exception (sinon l'âge, bien entendu). Le II n'est pas inintéressant, mais loin du 1er et largement dispensable.
De tsubasadow [4303 Pts], le 25 Septembre 2013 à 23h31
Je ne connaissais pas du tout ces films mais aussi bizarre que cela puisse parâitre, et ceux malgré les avertissements dans l'article^^ , je vais me laisser tenter par ces 2 films qui m'ont l'air bien barrés.
De kokitolous [2243 Pts], le 25 Septembre 2013 à 19h53
J'avais beaucoup aimé Gemini du même réalisateur et j'apprécie également tout ce qui est extravageant et complétement barré, donc je pense que je serai trés interessé par ces films. Par contre, astucieux le coup de l'avertissement avant la page vu les images.^^ En tout cas, trés bonne critique, malgré que ce soit neuf sur vingt.