Manga Entretien avec Minami Ozaki
C'est à l'occasion du Cartoonist 2013 que nous avons rencontré Minami Ozaki, une mangaka particulièrement mise à l'honneur par le biais d'une exposition lui étant entièrement dédiée au sein du festival. Si nous ne connaissons d'elle en France que la série Zetsuai 1989, tout premier manga yaoi sorti en France au début des années 2000, cette artiste connait une popularité beaucoup plus importante au Japon, avec un style graphique vraiment unique. Il était temps de rendre justice à cette mangaka, en revenant sur son parcours atypique...
Minami Ozaki : Bonjour ! En fait, je n'en lisais pas tant que ça. Si je suis devenue mangaka, c'est sous l'influence de ma mère qui était dessinatrice à ses heures perdues. Je me suis alors mise à copier son art et à m'intéresser au dessin à mon tour.
A l'âge de 16 ans, vous avez commencé à réaliser des doujinshis, et vous n'avez d'ailleurs jamais totalement quitté le fanzinat. Qu'est-ce que cela vous apporte en plus par rapport à la voie professionnelle ?
Une liberté totale ! Je peux dessiner ce que je veux, au rythme que je souhaite, sans contrainte de planning, de rythme de travail, de pression éditoriale,... Réaliser des doujinshis est une expérience assez attrayante, mais aussi très amusante.
Parmi vos réalisations de cette époque, on retient surtout les histoires issues de Captain Tsubasa (Olive et Tom). Pourquoi cette série vous a-t-elle autant inspirée ?
Eh bien.. soit, je l'avoue, même si j'ai dit précédemment que je lisais peu de mangas dans ma jeunesse, j'étais tout de même passionnée par cette série en particulier !
Je l'ai connue sous les conseils de l'une de mes sempai (camarade issue d'une classe supérieure, ndlr), qui m'a d'abord prêté un doujinshi sur le manga. J'ai donc découvert Captain Tsubasa d'une manière un peu détournée, mais cela ne m'a pas empêché de m'intéresser à la série originale par la suite.
En 1988, vous avez fait vos débuts en tant que professionnelle avec Chusei no Akashi. Comment avez-vous intégré ce monde-là ? Que retenez-vous de cette première expérience ?
Cette première fois a été très plaisante, car contrairement à certains jeunes auteurs qui sont tenus par la main à leur débuts, on m'a tout de suite laissé le champ libre. J'y ai donc retrouvé une liberté similaire à celle ressentie dans le monde du fanzinat.
Votre carrière a véritablement pris son envol avec l'arrivée de Zetsuai 1989. Qu'est-ce qui, selon vous, a fait le succès de cette série ?
Je pense que si Zetsuai a autant surpris, c'est parce qu'il s'agissait du premier titre du genre, mettant en avant des thèmes qui étaient jusque là rarement traités. Cela a du créer un choc parmi les lecteurs, qui se sont ensuite restés intrigués par cette "rareté".
Au niveau éditorial, a-t-il été difficile de faire accepter cette série au sein du Margaret ?
Bien au contraire : du temps du fanzinat, je réalisais des histoires assez similaires, et ce sont justement ces histoires qui ont poussé la Shueisha à m'engager, pour que j'écrive la même chose dans leur magazine. C'était une véritable attente de leur part !
Les thématiques présentes dans Zetsuai sont assez sombres. Pourquoi avoir opté pour une histoire aussi rude ? Quel message vouliez-vous faire passer ?
Même si certains aspects peuvent sembler difficile, ce que je voulais mettre en avant, c'était tout simplement l'Amour. Les épreuves rencontrées par mes héros ne sont qu'un moyen de sublimer ce sentiment qui les unit.
La série a été publiée pendant deux ans, puis a connu une suite tout aussi célèbre, Bronze, qui s'est quant à elle étalée sur quatorze ans. Au final, en comptant les chapitres spéciaux de Bronze Saishûsho, vous avez consacré plus de vingt ans de votre carrière à cette histoire. Pourquoi le tandem Izumi et Koji est-il devenu si indispensable à votre vie ? Doit-on s'attendre à les voir revenir encore une fois ?
Au fil des années, je me suis mis à considérer ces deux personnages comme des fragments de moi-même, voire comme mes enfants. Ils ne sont pas prêts de me quitter, et je pense qu'ils reviendront pour d'autres histoires, encore et encore,... jusqu'à ce que je ne puisse plus tenir un crayon !
En parallèle de votre carrière de mangaka, vous vous êtes également lancé dans la musique en interprétant vous-même des morceaux qui apparaissent dans Zetsuai et Bronze. Cette envie de monter sur scène était-elle présente dès le début de la série ?
Effectivement, j'ai écrit et composé moi-même les chansons qu'interprète Koji dans la saga. J'aime beaucoup le représenter en train de chanter, et j'imaginais vraiment que ces morceaux sortaient des planches. Et puis, un jour, à l'occasion de la fête d'anniversaire d'une amie, j'ai voulu lui faire une surprise en interprétant moi-même ces chansons-là. De fil en aiguille, c'est devenu une idée un peu plus tenace, qui m'a conduit à me produire sur scène et enregistrer un dvd de ce live.
Vous êtes reconnue aujourd'hui comme l'une des mangakas fondatrices dans le domaine du Boy's Love. Vous-même, comment vous êtes-vous intéressée à ce genre ?
En fait, je ne me suis jamais vraiment considérée comme une auteure de yaoi, aussi cela me gêne un peu qu'on m'offre un tel titre : quelque part, j'ai l'impression que ça "limite" ma carrière. Au travers de mes œuvres, j'ai toujours voulu mettre en avant l'Amour entre deux êtres au sens large, indépendamment de sa nature hétérosexuelle ou homosexuelle.
Avec la distance que vous pouvez avoir sur le yaoi, comment expliquez-vous que ce genre ait connu un tel succès au fil des années, au Japon comme en France ?
A mon avis, il y a eu tellement d'histoire de romances entre un homme et une femme que cela en est devenu répétitif et ennuyeux. Avec l'arrivée du boy's love, le fait de remplacer le rôle féminin par un autre homme a apporté un aspect un peu plus fictionnel, plus inattendu. C'est aussi très intriguant pour les lectrices, s'immisçant ainsi pour observer deux héros masculins, alors qu'elles connaissent mal le sexe opposé. Cela génère une part de curiosité et de surprise, et c'est ainsi que naît cet intérêt.
Remerciements à Minami Ozaki et à son éditrice pour cet entretien.
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commentaires
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De Kuon, le 09 Septembre 2013 à 16h52
Merci pour cette interview !
Concernant (l'im)possible édition de Bronze, je rejoins mes camarades : ça me semble plus que compromis. Tonkam avait fait un pari audacieux. Malheureusement, la révolution s'est faite un peu trop tard^^'
De sayuriv [343 Pts], le 08 Septembre 2013 à 21h01
J'aime beaucoup Zetsuai 1989 un de mes mangas préféré. C'est vraiment une belle et cruelle histoire. Je n'ai malheureusement pas pu avoir tous les volumes et si je trouve il coute vraiment trop cher. C'est vraiment dommage c'est une perle rare. Ce sera tellement bien qu'il réédite de manga et par la suite bronze aussi...
De Tamala [600 Pts], le 06 Septembre 2013 à 12h24
Je ne suis pas fan de boy's love de manière général mais Zetsuai est le premier que j'ai lu et le seul que je possède (en entier ouf!).
En général trop de mélo tue le mélo mais là effectivement c'est très sublimé pour devenir du véritable romantisme (je ne parle pas du romantisme niaiseux) avec des sentiments forts.
Il est dommage que ça n'est pas fonctionné et que l'on n'ait jamais eu Bronze qui est dans la parfaite continuité même si je met un bémol sur la fin (changements du dessin, manque d'idée...).
De seiren [247 Pts], le 06 Septembre 2013 à 11h45
je suis tout à fait d'accord avec les premiers commentaires, j'ai le premier tome chez moi et je ne parviens pas à trouver la suite il est dommage de constater que cette histoire ne soit pas plus connu que cela alors qu'elle est tout simplement sublime
ce serait vraiment l'idéal qu'un éditeur reprenne la série et la fasse connaître à plus de fan du genre
effectivement on pourrait croire que la série soit sortie beaucoup trop tôt et que maintenant elle se fasse oublier
dommage dommage
De Ume pas connecté, le 05 Septembre 2013 à 10h38
Oui je trouve vraiment qu'avec Ai No Kusabi, Zetsuai et Bronze nous font découvrir une passion, un amour tellement intense et une noirceur rarement égaler dans le genre. Et malheureusement très peu de fan de yaoi apprécie vraiment ces deux titres! Pour Ai No Kusabi mon seul regret est de ne pas suffisamment maîtriser l'anglais pour me prendre l'intégralité de la série paru chez Juné. Quand au petit bijou qu'est Bronze peut-être qu'un éditeur comme Black Box pourrait s'y intéresser... Ne rêvons pas en plus le public est demandeur d'histoire facile avec un chara-design qui passe partout.
De Crystalis [187 Pts], le 04 Septembre 2013 à 22h57
Une de mes séries favorites, même si les thèmes qui y sont parfois abordés sont, comme vous l'avez souligné, très sombres. Mais je trouve que, comme dans la série "Ai no kusabi" (publiée de 1986 à 1987 par "June") de Rieko Yoshihara, le tragique et la noirceur des thèmes sont utilisés afin de sublimer l'amour qui devient alors aussi passionnel que profond.
Dommage qu'aucun éditeur ne veuille se risquer à la rééditer, rien que pour faire connaître cette série à un plus large public (combien de personnes ayant lu des "yaoi" n'ont jamais entendu parler de cette série ?). Il est encore plus malheureux de constater qu'en plus d'avoir été oubliée par une grande partie du lectorat du genre, cette série se voit préférer des titres parfois tout à fait médiocres. Peut-être est-ce finalement la "tragédie" de cette série : avoir été publiée trop tôt pour pouvoir être appréciée et comprise en France.
De yaku [1340 Pts], le 04 Septembre 2013 à 15h02
Auteure hélas trop méconnue en France, alors que la série Zetsuai est absolument magnifique (il faut que je me trouve les scans de Bronze, d'ailleurs)! Trop peu connue par les fans de Yaoi, car le manga Zetsuai n'est quasiment plus trouvable (arrêt de commercialisation depuis des années)... Le titre est sorti beaucoup trop tôt, le public n'était certainement pas prêt à lire du Yaoi à l'époque... Et il est évident qu'aucun éditeur ne se lancera dans la réédition de Zetsuai ni dans Bronze (IDP travaille uniquement avec Kaiosha, Taifu n'a pas l'intention de faire cette série, je ne vois pas Asuka nous la proposer, et je ne vois pas non plus Tonkam retenter l'aventure... Donc à part un nouvel éditeur voulant surfer sur le "vintage" (black Box, si vous m'entendez XD), on est mal barrés!)
J'aurais moi aussi beaucoup aimé la rencontrer... Je pense qu'il ne doit pas y avoir eu beaucoup de mecs à venir la voir ^^' Merci Manga-News :)
Ah, et les musiques de Zetsuai / Bronze sont absolument superbes!!! Je me régale à chaque fois que j'écoute l'album :P si vous ne l'avez pas encore, cherchez-le ^^
De Ume pas connecté, le 04 Septembre 2013 à 10h45
Eh oui je rejoins ton avis Dena! Zetsuai et Bronze exprime un profondeur dans les sentiments qu'on ne retrouve pas partout. Et même si certain trouve le dessin vieillot moi je trouve qu'il fait tout le charme de cette grande œuvre. Je possède Zetsuai l'édition paru chez Tonkam mais pour Bronze heureusement qu'il y a les scans parce qu'aucun éditeur ne tentera l'aventure. Mais pour moi il fait partie des classiques! Et j'aurais voulu rencontré l'auteur!
De Dena, le 04 Septembre 2013 à 01h31
Le manque de commentaires de la part des fans Yaoi prouvent que Zetsuai et Bronze ne sont pas assez connus, c'est dommage car c'est le Yaoi le plus profond, le plus tragique et le plus magnifique que je n'ai jamais vu, j'espère qu'un jour on aura Bronze en France car il mérite vraiment sa place plus que certains Yaoi.
Merci Manga News pour cet entretien je voulais vraiment voir l'auteur en France car je suis l'une de ses plus grandes fans, mais malheureusement ça n'a pas été le cas mais j'espère vraiment que j'aurai l'occasion de la voir dans l'avenir ^^
De selene [515 Pts], le 03 Septembre 2013 à 21h20
J'aurai bien voulu que la suite de Zetsuai se fasse: Bronze!!! Dommage .