Manga Conférence de presse de Naoki Urasawa
Véritable évènement de la partie manga de la Japan Expo, Naoki Urasawa, un invité longtemps attendu en France, s'est livré à plusieurs reprises aux questions de ses lecteurs, en passant bien sûr par ses fans mais aussi par la presse. Les journalistes spécialisés vinrent en masse pour s'entretenir avec l'auteur de 20th Century Boys, Monster et Pluto, mais les places étaient peu nombreuses. Aussi, la SEFA, société organisatrice du festival, organisa une rencontre avec l'auteur pour une trentaine de reporters... avec un simulacre de conférence de presse. En effet, loin d'avoir la chance de poser nos propres questions, nous avons assisté de manière impuissante à une entrevue du mangaka avec un seul journaliste bien veinard... Voici donc l'intégralité de cet entretien, aux questions assez inégales, mais où l'auteur a eu le temps de se livrer à l'auditoire sur sa façon de travailler, ses goûts, et le contact avec ses lecteurs francophones.
Monsieur Urasawa, vous êtes venu en Europe à l’occasion de la Japan Expo. Est-ce que vous aviez déjà entendu parler de l’événement ou est-ce la première fois que vous découvrez la manifestation ?
J’en avais déjà entendu parler depuis le Japon, par rumeur.
Vous faites beaucoup d’activité durant votre séjour. C’est une occasion rare pour les fans de rencontrer un grand maître du manga, et en même temps, c’est une occasion rare pour un mangaka comme vous de faire des activités que vous n’avez pas l’habitude d’exercer dans votre quotidien. Je pense notamment à la conférence avec Monsieur Maruyama (co-fondateur des studios Madhouse, ndlr) sur les adaptations d’animés, une séance de dessin public, des dédicaces, etc. Le rapprochement avec le public vous enchante-t-il ? Cela vous change-t-il de votre cadre quotidien ?
C’est vraiment exceptionnel de pouvoir rencontrer mes lecteurs situés aussi loin géographiquement. Même lorsque je travaille au Japon, je n’ai quasiment pas l’occasion de rencontrer des fans de mon pays.
Justement, on sait que pour votre métier, vous menez une vie un peu recluse, dédiée au travail. C’est peut-être l’occasion d’un relâchement, de pouvoir profiter de toutes ces activités diverses.
Pour mon métier, j’ai effectivement besoin de me renfermer pour pouvoir travailler. Je dois être replié sur moi-même pour produire quelque chose d’intéressant. Mais c’est vrai que de pouvoir rencontrer des personnes de l’autre côté de la Terre, qui disent qu’ils vous adorent, qu’ils vous aiment, c’est un énorme décalage par rapport à mon quotidien, et c’est aussi une grande source d’émotion.
En parlant de l’aspect géographique, en abordant vos œuvres, on se rend compte que vous avez une très bonne connaissance de l’Europe, notamment de l’Allemagne dans Pluto ou Monster. On se demande si vous avez-vous-même voyagé en Europe ou si c’est un travail de reconstitution, de documentation, une sorte de voyage par correspondance, puisque vous disiez devoir rester reclus dans votre atelier.
Pour Monster, j’ai effectué un voyage d’une semaine, en partant de Francfort, en passant par Dresden, jusqu’à Prague, tout en imaginant l’histoire, les drames qui vont s’y passer et j'y ai pris beaucoup de photos. J’ai déjà une image précise de ce que je veux faire, et je vais rechercher ce que j’ai déjà dans la tête.
Vous venez également dans le cadre de vos activités participer pour un showcase avec le groupe Hemenway. On connait votre passion pour le rock’n’roll si l'on est un de vos fidèles lecteurs. Vous avez beaucoup d’activités autour de la musique, qui est une passion d’enfance en même temps que le manga. Pouvez-vous nous en parler ?
Je n’ai jamais été dans les clubs de manga comme il en existe au Japon à l’école. J’allais dans les clubs d’athlétisme ou de musique. Mon intérêt pour le manga et la musique a toujours évolué en parallèle à mon parcours scolaire. Certains de mes amis de ces clubs de musique sont devenus des professionnels dans ce domaine. Moi, je me suis orienté vers le manga. C’est quelque chose que j’ai toujours continué. C'est en 2008 que je me suis dit que je n'avais plus beaucoup de temps, et que c’était maintenant que je devais mettre en forme ce que je veux produire musicalement. À ce moment, j’ai décidé de créer mon album (Half Century Man, ndlr).
On se souvient de quelques anecdotes dans 20th Century Boys, comme l’achat de la guitare classique à la place d’une guitare électrique. Ce sont des anecdotes qui sentent le vécu, des choses qu’on trouve souvent dans votre œuvre. On peut dire que vous avez fait un apprentissage du rock’n’roll par vous-même, un peu à la manière punk.
Le manga, la musique, la guitare, j’ai tout appris par moi-même. Je n’ai jamais pris de cours. Je n’ai pas fait d’apprentissage auprès de quelqu’un. Si quelqu’un qui a fait des études dans le domaine s’attarde sur ce que je fais, il doit trouver ça bizarre.
Un apprentissage punk donc ! (rires)
Dans 20th Century Boys, j’ai reproduit une scène que j’ai vraiment vécue dans un épisode. J’ai mis le disque de T-Rex (groupe britannique a qui on doit la chanson « 20th Century Boy » qui a donné son nom au manga, ndlr) quand j’avais treize ans à l’école. D’habitude, à la pause déjeuner, il y a de la musique classique ou du Paul Mauriat, un musicien français accompagné d’un orchestre. De la musique assez calme donc. Mais tout le monde était tellement occupé à manger que quand je suis allé leur demander ce qu'ils avaient pensé du rock, alors que c’était la première fois que ça passait à l’heure du déjeuner, on m’a répondu « mais de quoi tu parles ? » !
Je voudrais à présent parler de vos goûts musicaux. À travers 20th Century Boys, on peut citer T-Rex, qui est un groupe typique des années 1960-70. On sait par ailleurs que vous aimez également Bob Dylan. J’aimerais que vous nous parliez de vos goûts musicaux, puisque c’est votre grande passion.
J’aime beaucoup Bob Dylan, les Beatles, Prince, Miles Davis… C’est vrai qu'ils sont des musiciens qui tournent presque le dos au public, on dirait.
Parlons maintenant de votre autre grande passion : le manga, et le métier de mangaka. C’est une vocation que vous est venue très tôt. Dans ce qu’on peut lire de vos déclarations, c’est une chose qui ne vous est pas venue facilement, puisque vous vous êtes illustré dans un registre adulte, sans passer par la case du shônen. Il semblerait que vous ayez eu du mal à vous imposer. Avez-vous dû faire preuve de patience ? Est-ce que ça a été une épreuve ou la voie royale s’est-elle dessinée assez vite pour vous ?
Quand j’étais en primaire, les enfants de mon âge lisaient le Shônen Magazine, car le magazine convenait à leur âge. Les étudiants des mouvements étudiants, qui manifestaient, le lisaient aussi. Le Shônen Magazine était dédié à un public très large. Ce n’est que quelques temps après, dans les années 1970, qu’il y eu une séparation entre les mangas pour enfants et ceux pour adultes. Je me suis demandé « pourquoi faisaient-ils ça ? ». Je n’ai pas vécu cette segmentation éditoriale quand j’étais petit.
Le salon traditionnel a toujours eu une valeur symbolique au Japon. Je me suis toujours dit que si on pose un manga au milieu du salon, les petits-enfants, les parents, les grands-parents, tous doivent pouvoir l’apprécier. C'est autour de ce principe que je construis mes histoires.
Une autre anecdote de l’un de vos mangas est frappante. Au début de Billy Bat, Kevin, le dessinateur de comics américain d’origine japonaise, est en train de finir une histoire de Billy Bat, son héros, et fait une réflexion sur la conclusion qui est difficile à trouver. Pour un maître du thriller comme vous, qui devez beaucoup travailler la construction de l’histoire, de faire rouler cette mécanique parfaite au niveau du thriller, je suppose que c’est complexe de trouver la bonne fin.
C’est compliqué ! (il sourit)
La particularité du manga japonais, c’est sa parution sous forme de séries. Pour des mangas comme Monster et 20th Century Boys, cela a pu durer jusqu'à sept ans. Au bout d’un moment, mon œuvre devient celle du public, elle se fabrique à deux. Chaque lecteur s’imagine sa propre fin. Quand je donne ma version, les lecteurs se disent que ce n’est pas la fin qu’ils voulaient. Je ne fais que donner une des réponses possibles, finalement. Chacun peut débattre, il y a plusieurs manières de voir la fin de l’histoire. C’est pour cela que la conclusion de mes histoires n'est pas unique, je laisse une ouverture afin que chacun puisse trouver sa propre réponse à sa propre question.
Dans vos œuvres, on peut également remarquer au fil des ans que vous instaurez en filigrane un dialogue avec Osamu Tezuka, surtout dans les œuvres de maturité. Tenter de comprendre la pensée de ce mangaka, et essayer de la retranscrire dans un manga comme Pluto, c’est quelque chose qui vous habite depuis votre enfance. Jusqu’où allez-vous aller dans ce dialogue ?
Est-ce vraiment un dialogue ? Je ne m’estime pas être à la même hauteur qu’Osamu Tezuka pour pouvoir « dialoguer » avec lui. Je le vois comme une montagne. Et pour atteindre le sommet, il y a plusieurs chemins à emprunter : un chemin un peu facile, un chemin très difficile… On peut aborder le sommet de différentes manières.
La fin de Pluto est particulièrement juste et frappante. Étant donné les préjugés qui courent souvent chez les non-connaisseurs du manga, sur la violence notamment, on peut dire que vous avez bien choisi de traiter l’humanisme de Tezuka et sa philosophie pacifiste.
L’œuvre de Tezuka dont je m’inspire (le chapitre « Le Robot le plus fort du monde », disponible dans le cinquième volume d'Astro Boy disponible chez Kana, ndlr), est parue quand j’avais quatre-cinq ans. Les gens de cette génération disent que c’est cette œuvre qu’ils aiment le plus, de tout leur cœur. Je me suis demandé pourquoi cette génération a été autant touchée par cette œuvre. La plupart des œuvres de l’époque présentaient un gentil qui affrontait un méchant, et le gentil sortait toujours vainqueur. Mais cette histoire a la particularité d’être plus complexe. Rien que la guerre en elle-même est quelque chose qui créé un vide dans le cœur, je pense que c’est cela qui fait qu’il a réussi à capter le cœur de cette génération, rien qu’à quatre-cinq ans.
J’ai toujours traîné ce sentiment après l’avoir lu à l’âge de quatre ans, et arrivé à l’âge de quarante ans, j’ai reproduit ce sentiment que j’avais perçu étant petit. C’est cela qui a donné Pluto. Cette œuvre a évolué en moi en quarante ans. En relisant l’œuvre originale quarante ans plus tard, je me suis aperçu que beaucoup de scènes qui étaient dans ma tête n’existaient pas dans l’œuvre originale !
Pour conclure, nous parlions tout à l’heure de votre ouverture sur le monde, ce qui est important au Japon puisque certains auteurs créent dans leur bulle. Malgré tout, vous êtes un observateur souvent critique du Japon contemporain, comme on peut le voir lorsque que vous évoquez l’exposition universelle d’Osaka. En lisant vos œuvres, on chemine à travers l’histoire du Japon. Le profane apprend ainsi des choses sur votre pays, et en même temps avec une certaine distance. Comment appréhendez-vous cet aspect de votre travail ? Avez-vous un dessein particulier par rapport à cela ?
Je n’ai pas l’impression qu’il y ait vraiment une critique de la société japonaise dans mes mangas…
Pas même avec une certaine distance ?
C’est peut-être une particularité du peuple japonais. Même si l’on a souvent l’air euphorique, il y a toujours un côté posé, neutre en nous.
C’est l’âme japonaise qui transparaît dans vos œuvres alors ?
Dans la culture du comique, au Japon, il y a ce qu’on appelle le Rakugo. C’est une histoire racontée par une personne faisant plusieurs personnages. C’est assez cynique comme manière d’aborder une histoire. Mon approche scénaristique est assez influencée par ces histoires. Dans mon baladeur, j’ai beaucoup d’histoires Rakugo. Quand je vais me coucher, je le mets en shuffle, et j’espère tomber sur l’histoire que je souhaite ! J’écoute beaucoup ce genre d’histoires.
Nous terminons donc cette séance, nous avons été enchantés de vous rencontrer et nous vous remercions de votre présence.
Remerciements à Naoki Urasawa ainsi qu'à son interprète.
De 23, le 12 Octobre 2012 à 19h12
Tellement content de l'avoir rencontré aux dédicaces et d'avoir eu des photos avec lui sur scène *_*
Cet homme est un mastodonte du manga!!
En effet, rien de nouveau mais toujours un plaisir de voir ce que maître Urasawa a à nous dire =P
Il faudrait voir à lire ses interviews ou remarques notamment dans son recueuil de nouvelles pour éviter de poser des questions dont on connaît déjà les réponses >_>
Enfin bref, on va pas cracher sur le peu qu'on a!
Merci pour cette interview =)
De BigFire [898 Pts], le 20 Août 2012 à 20h25
Et bien les questions n'étaient pas super intéressantes, donc je ne regrette pas d'être allé à ce simulacre d'interview.
De Fred [4223 Pts], le 20 Août 2012 à 11h18
triste de ne pas avoir vu cet auteur que j'apprécie beaucoup
De BUNSHICHIyNEL [114 Pts], le 19 Août 2012 à 18h12
Je comprends mieux pour les fins de Monster et 20th century boys. Chacun la fin qu'il veut !!!
De BUNSHICHIyNEL [114 Pts], le 19 Août 2012 à 18h11
"Chaque lecteur s’imagine sa propre fin. Quand je donne ma version, les lecteurs se disent que ce n’est pas la fin qu’ils voulaient. Je ne fais que donner une des réponses possibles, finalement. Chacun peut débattre, il y a plusieurs manières de voir la fin de l’histoire. C’est pour cela que la conclusion de mes histoires n'est pas unique, je laisse une ouverture afin que chacun puisse trouver sa propre réponse à sa propre question."
De Kaori17 [3034 Pts], le 18 Août 2012 à 14h17
Pas eu sa dédicace ! Tant pis j'ai pu le voir en conférence et au concert ! Sympa cette interview même s'il est vrai qu'on 'y apprend rien de nouveau !
De motoko83 [2061 Pts], le 18 Août 2012 à 07h14
Pas beaucoup de scoop dans cette interview quelque peu fadasse... Enfin, c'est déjà tellement rare qu'on va pas se plaindre ;)
De Alixa90 [584 Pts], le 17 Août 2012 à 18h27
Hey jai eu sa dedicace ^^
De TheSpy22 [2036 Pts], le 17 Août 2012 à 17h59
Je suis vachement déçu, je n'ai pas pu avoir un autographe a cause de problème de train... Pourquoi faut qu'il fasse les dedicasse aussi tôt!
Sinon super auteur je suis en train de lire monster et j'ai du mal a m'arrêté de lire.