Ciné-Asie A Better Tomorrow - Sortie & Critique

C'est aujourd'hui que sort en DVD et BR le film A Better Tomorrow, remake coréen du film de John Woo.

Pour célébrer cette sortie, nous vous proposons de lire dès maintenant l'analyse du film par notre spécialiste en la matière: Rogue Aerith !




Hyuk et Chul sont frères et vivaient en Corée du Nord. Durant leur enfance, Hyuk est parvenu à s'échapper, laissant Chul et sa mère derrière lui. Devenu adulte et vivant en Corée du Sud, Hyuk est membre de la mafia, oeuvrant dans le trafic d’armes. Il a pour ami Young-Chun, flambeur mais loyal. Mais Hyuk est rongé par la culpabilité. Il ne cesse de rechercher son frère dans les arrivées de clandestins par bateaux. Un jour, il retrouve Chul. Comment va évoluer la relation entre les deux frères ?

Réalisé par Song Hae-Sung (déjà à l'origine de « Failan », avec Choi Min-Sik et Cecilia Cheung, sorti en 2001), A better tomorrow est censé être un remake du film hongkongais culte « Le syndicat du crime », réalisé par John Woo, avec Chow Yun-fat et Leslie Cheung. Pourquoi « censé » ? Parce qu'au final, A better tomorrow, en-dehors de quelques références imagées à son mentor, sur lesquelles on s'attardera, n'a pas grand chose à voir avec lui. Et peu importe qu'on ressente ou pas cette « remake touch », car le film de Song Hae-Sung n'est de toute façon pas bon.

Le premier quart d'heure met en place une découverte des personnages, le temps d'identifier le rôle de chacun. Ce début n'est pas désagréable à suivre, et on distingue un certain potentiel... qui ne sera jamais exploité ! Car passées des retrouvailles entre frères qui ne transpirent pas la joie compte tenu de ce que l'un a fait à l'autre, puis un piège mettant le personnage principal en fâcheuse posture, le film nous entraîne 3 ans plus tard. A partir de là, il faudra supporter plus d'une heure et demie tous les poncifs du film de gangster. On se demandait si de nos jours, des réalisateurs osaient encore les clichés à outrance. La réponse est oui ! A better tomorrow est d'une banalité affligeante. Il n'y a aucune idée nouvelle, et ce, dans tous les aspects qui font un film. Le sentiment de réchauffé, de déjà vu, est permanent. Et le film fait quand même deux heures !

La mise en scène ? Complètement lisse. La fin est, en ce sens, représentative de tous les pics d'intensité survenant pendant le film : ridicule tant elle est atrocement mélo. Jusqu'au bout, on avait l'espoir que le réalisateur fasse autre chose mais non. Les personnages s'écroulent avec plus de trente balles dans le corps et trouvent encore le moyen de parler. Un frère tombe dans les bras de l'autre, les larmes pointent sur les visages, ils se pardonnent. Les répliques et la psychologie des personnages sont évidemment, comme vous pouvez vous en douter, particulièrement originales et travaillées (c'est ironique). Et si encore, cette banalité ne touchait que les scènes d'émotion... Les gunfights sont si communs qu'ils ne produisent aucun effet sur le rythme de la narration, les effets spéciaux sont prévisibles. Je retiens tout particulièrement des explosions très ordinaires et un accident de voiture qu'on voit venir, grâce aux angles de caméras peu inspirés, au moins 10 secondes avant.

Les personnages ? Que de clichés ! Le leader charismatique devient un cul-de-jatte qui conserve, malgré tout, son talent et son aura. L'ancien bizuté complètement inhibé devient le boss. Les deux frères changent de point de vue l'un sur l'autre au fur et à mesure. A better tomorrow ne sert à rien d'autre qu'à exposer les émotions (ah, ça, il y en a) de trois frères : deux de sang, le dernier par loyauté. Et ça pétarade de temps à autre pour masquer le vide sidéral du scénario. On note par ailleurs l'absence totale de personnage féminin marquant, A better tomorrow reprenant à son compte la tendance très misogyne des films de gangsters. Tous ces personnages sont évidemment joués par de beaux princes, belles gueules parmi les belles gueules, les acteurs étant au moins, le contraire serait étonnant, des stars de pop ou de dramas dans leur pays.

La musique ? Des mélodies mélo, au piano. Ciel que cet instrument peut être divin quand il est utilisé à bon escient... et qu'il peut être énervant lorsque c'est le contraire ! Franchement, tous les fonds sonores pianotés, intervenant dans des moments-clefs pour nous indiquer quand on doit être ému, c'est juste insupportable ! Et ne parlons pas du générique de fin avec sa pop coréenne qui contraste totalement avec la dernière scène, grave et sanglante.

Des points positifs ? En cherchant bien, on se dit que l'intrigue qui gravite autour de plusieurs personnages n'est pas maladroite, ce qui est plus ou moins normal puisque le réalisateur tente désespérément de copier « Le syndicat du crime ». Les acteurs ne sont pas mauvais : on espère juste pouvoir les voir dans des rôles plus originaux un jour, ce qui ne sera pas difficile. Les scènes d'action sont propres... mais sans une once d'inventivité. Notons que quelques clins d'oeil sont faits au « Syndicat du crime », puisque Song Hae-Sung a repris certaines scènes... en les copiant et en changeant les acteurs tout simplement. Les références faites manquent d'impact, de charme, et jamais le réalisateur coréen n'ose transcender les scènes originales en apportant un regard neuf. Bref, ces points ne sont jamais totalement positifs, puisque contrebalancés par des défauts évidents.

L'édition DVD est irrégulière. L'éditeur nous gratifie de pas moins de 5 versions : française Dolby digital, française DTS, française Audio-3D, VOSTFR Dolby, et soulignons l'effort d'avoir proposé une version pour sourds et malentendants, ce qui est bien trop rare ! Mais s'agissant des bonus, c'est tout de suite moins reluisant. « Le défi de l'adaptation » n'est en rien un documentaire permettant de saisir les enjeux d'un remake du « Syndicat du crime » : il s'agit ni plus ni moins que d'un clip promotionnel de 2 minutes avec le réalisateur s'autocongratulant et un John Woo vieillissant qui recommande le film avec un sourire dissimulant une conviction feinte. Le making-of ne fait que 4 minutes : autant vous dire qu'on n'y apprend rien, si ce n'est que le réalisateur a voulu transposer « Le syndicat du crime » à la mentalité coréenne... Aucune ambition, aucune idée, ne se dégagent des quelques paroles concédées. Même durée de 4 minutes pour la présentation des personnages par leurs acteurs. Le plus insupportable demeure le fond sonore de chacun de ces bonus : une musique hollywoodienne ampoulée.

La jaquette précise bien qu'A better tomorrow est un remake du « Syndicat du crime ». Cela a tout du coup marketing foireux, puisqu'en plus d'être un remake clairement pas à la hauteur de ses ambitions, on tient là un film trop moyen. Ne faites pas l'erreur de croire que parce que c'est coréen, c'est forcément différent. A better tomorrow n'est qu'un énième film d'action sans âme ni saveur. N'ayant rien à envier à n'importe quelle série B américaine, il devrait être projeté à tous les jeunes réalisateurs sud-coréens, afin qu'ils prennent conscience de toute la belle brochette de ce qui est à éviter dans un film d'action, pour s'écarter des sentiers battus et proposer quelque chose d'innovant.

Après le blockbuster « Frères de sang » il y a quelques années, excessivement niais et mélo, les films sur les rapports entre frères ne réussissent décidément pas à la Corée du Sud. Et on se demande bien ce qu'est venu faire John Woo, executive producer sur ce film, dans ce pseudo-remake de son oeuvre culte.