Critique - The Man from Nowhere- Actus manga
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Ciné-Asie Critique - The Man from Nowhere

Mercredi, 13 Juin 2012 à 10h20

Découvrez aujourd'hui notre critique de The Man from Nowhere, film d'action nerveux dans lequel un ancien agent spécial affronte des trafiquants de drogue...




Cha Tae-Sik (Won Bin) est prêteur sur gages. Malgré son caractère taciturne, il se lie d'amitié avec une petite fille, Jeong So-Mi (Kim Sae-Ron), dont la mère est une strip-teaseuse junkie qui la délaisse. Après avoir volé un sac à un membre d'une organisation criminelle, la mère de So-Mi confie l'objet au prêteur sur gages. Les trafiquants ne tarderont pas à se manifester, et rapidement, c'est So-Mi qui sera menacée. La fillette étant le seul lien rattachant Tae-Sik à la réalité, celui-ci va se lancer à sa recherche... et va révéler sa véritable nature. La police et les criminels craignent Tae-Sik, cet homme sorti de nulle part.

Thriller réalisé par Lee Jeong-Beom, The Man from Nowhere est sorti la même année en France que les excellents J’ai rencontré le diable et The Murderer. Devant la concurrence très relevée dans le genre thriller/« vigilante », ce film parvient-il à s'imposer ? Incontestablement, oui !

Pour tout vous dire, je suis pris depuis quelques mois d'un mal très particulier : la crainte de l'initié face au cinéma de genre. Explications : depuis que j'ai vu, la plupart du temps deux à trois fois (maximum), chaque représentant du vigilante (pour rappel, un « vigilante » est film de vengeance sud-coréen) et du polar noir en provenance du pays du Matin calme, je crains d'être peu surpris, voire déçu, à chaque nouveauté. Je suis devenu logiquement exigeant. Et de ce The Man from Nowhere, j'en attendais à la fois, paradoxalement, beaucoup et pas grand chose. J'avais lu quelques lignes, vite fait, pour me conforter dans mon achat, sans gâcher une éventuelle agréable surprise. Mais je restais dubitatif, trouvant que les réalisateurs sud-coréens tournent en rond (voir la fin de The Chaser par exemple), malgré des qualités indiscutables et un style inimitable (que les fans de Taken prennent connaissance de tous les chefs d'oeuvres coréens avant de vénérer la vendetta de Liam Neeson, vulgaire copie de ce qui se fait en Corée depuis plus de dix ans). Et bien il se trouve que The Man from Nowhere, dynamique et très maîtrisé, s'avère vraiment réussi.

Tout d'abord, même si le titre occidental est plutôt bien trouvé, on ne peut que regretter qu'il soit destiné à une exploitation commerciale... Le titre original est plus représentatif du film, mais peu vendeur (en coréen, le film se nomme tout simplement « Monsieur », en référence à So-Mi, qui n'appelle pas Tae-Sik par son nom).

Aucune longueur, une mise en scène claire et sans fioritures, des dialogues très travaillés (avec des passages étonnants à l'anglais pour pouvoir échanger avec un personnage mystérieux, mais hélas trop peu travaillé), une violence sans concessions, et un scénario tourné vers des trafics généralisés. Lee Jeong-Beom remplit le cahier des charges du vigilante. On retrouve d'ailleurs quelques similarités avec les ténors du genre. Etonnante ressemblance, par exemple, entre les personnages principaux de J'ai rencontré le diable et de The Man from Nowhere, dont on vous taira les détails pour ne pas spoiler. Cette ressemblance n'est pas vraiment gênante, mais les autres réalisateurs sont avertis : gare à ne pas reprendre ce genre de personnage de façon systématique dans leur prochain film, on a fait le tour.

Calibré pour faire exploser le box-office coréen (ce qu'il a fait, avec plus de 6 millions d'entrées), The Man from Nowhere ? Et bien vu le traitement qui est fait de la violence, pas tant que ça ! Car au-delà de remplir un cahier des charges plus ou moins officieux, le réalisateur surprend en nous plongeant dans l'esclavage infantile et le trafic d'organes, qu'on n'avait pas vu traité de façon aussi directe même chez Park Chan-Wook. Tout cela crée une ambiance toujours plus malsaine, et de la même façon qu'avec un J'ai rencontré le diable, on se demande jusqu'où les réalisateurs coréens peuvent aller. Pas aussi crasseux et noir qu'un The Murderer, pas aussi jusqu'au boutiste qu'un J'ai rencontré le diable, The Man from Nowhere possède pourtant son identité propre en soignant ses personnages, son ambiance et par le traitement du sujet. Et Lee Jeong-Beom, malgré la surenchère de violence et un voyeurisme certain concernant les trafics criminels, garde toujours en ligne de mire que la violence illustre la misère sociale, bien représentée par la petite So-Mi, rejetée par sa mère. La violence sert un propos, ce qui constitue une constante dans le cinéma coréen, vigilante ou pas. Et cela, la plupart des films occidentaux passent totalement à côté, souvent gratuits dans la violence, donc vulgaires.

Mais au-delà de l'illustration sociale de la violence, on peut aussi profiter dans The Man from Nowhere de scènes de combat brutales. Si les gunfights sont classiques, on apprécie particulièrement les séquences à mains nues, rappelant celles de la trilogie Jason Bourne (combats en milieu clos et techniques d'immobilisation). Comme Matt Damon, Won Bin n'a pas eu de doublure et a subi des heures d'entraînement, pour un résultat final vraiment convaincant.

The Man from Nowhere a pour lui d'éviter l'un des travers des films du genre. Ainsi, on apprécie de ne pas avoir à supporter une critique de la médiocrité des services de police (thème tenant à coeur à bon nombre de réalisateurs sud-coréens). Ici, a contrario, ils font à peu près leur boulot et sont dans le bon tempo (même s'ils sont toujours un cran derrière le héros...). Pourtant, le film de Lee Jeong-Beom s'enfonce hélas tête baissée dans un autre travers du genre. En effet, la seule, mais conséquente, grosse ombre au tableau, c'est la fin, naïve et mélo à souhait. Si celle de The Chaser était déjà assez maladroite, elle avait le mérite d'être ambiguë. Dans ce Man from Nowhere, non, c'est des grosses larmes, ou rien. Quel dommage.

Won Bin, connu pour sa belle gueule, est résolument à contre-emploi dans son rôle d'homme solitaire, au passé vague. Personne ne sera surpris qu'il soit très bon, semblant extrêmement adaptable selon le rôle confié (il était déjà à contre-emploi dans son rôle de débile léger dans « Mother » de Bong Joon-Ho). Quant à Kim Sae-Ron (l'orpheline bouleversante d'« Une vie toute neuve »), elle confirme tout son talent. Il était fondamental de réussir ce duo, et c'est chose faite ici, Won Bin avouant d'ailleurs dans le making-of que le jeu émouvant de la jeune Kim Sae-Ron lui a permis de trouver le ton juste pour son personnage. On regrette néanmoins le look beau gosse de Won Bin au début, qui se métamorphose en bad guy après une scène de rasage de crâne, pour redevenir celui qu'il a été jadis. Cela aurait été trop beau que le film échappe à tout cliché... Le look chevelu de Won Bin attire les demoiselles en Corée : or, les aléas du marketing contre les exigences du vrai cinéma ne jouent pas en la faveur de ce dernier ! On perçoit bien là les limites du cinéma coréen, qui peine à malmener esthétiquement et physiquement ses acteurs fétiches et stars, contrairement au cinéma occidental.

Côté bonus, c'est la déception avec un making-of du pauvre de 15 minutes.

The Man from Nowhere, plus qu'emprunter, recycler, et ajouter, s'approprie les codes du vigilante, en se démarquant juste assez pour acquérir une identité propre. Le film reste classique, mais a le mérite d'être un peu plus que simplement « efficace ». Toutefois, le final trop mélo, ce qui est finalement assez imprévisible au vu de la violence qui se dégage pendant tout le film, gâche quelque peu l'expérience.

Rogue Aerith
 
 

commentaires

Kimi

De Kimi [3394 Pts], le 17 Juin 2012 à 17h20

J'allais me le procurer, cette chronique tombe à pic. :) Merci Rogue. ;)

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 13 Juin 2012 à 10h44

Marrant, je l'ai justement acheté d'occaz la semaine dernière sans connaître, donc voir la chronique arriver maintenant tombe bien. Il faudra que je le regarde sous peu :-)

Hallyu

De Hallyu [146 Pts], le 13 Juin 2012 à 10h36

Je l'ai chez moi, il serait temps que je le regarde.

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