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Ciné-Asie Critique - Bodyguards & Assassins

Lundi, 11 Juin 2012 à 10h15

Du kung-fu pour commencer la semaine... il n'y a que ça de vrai ! Découvrez la chronique de Rogue Aerith portant sur le film Bodyguards & Assassins, réalisé par Teddy Chan.
 



A Hong Kong, en 1906, le leader nationaliste et républicain Sun Yat-Sen revient de son exil au Japon. Il désire se rendre dans la colonie britannique pour rencontrer les chefs révolutionnaires des différentes provinces chinoises. La cour impériale envoie un régiment d'assassins pour éliminer Sun Yat-Sen. Mais beaucoup de personnes à Hong Kong souhaitent renverser la dynastie Qing. Ils organisent donc la protection du leader révolutionnaire...

Sorti en 2009 à Hong Kong, « Bodyguards and Assassins » a été réalisé par Teddy Chen, réalisateur de Purple storm en 1999 et scénariste de Black mask. Commençons d'abord par un petit résumé, pour bien comprendre dans quelle catégorie se situe le film : budget énorme pour une reconstitution historique mêlant personnages réels et fictifs, gros succès au box-office chinois et nombre de récompenses abondant aux Hong Kong Film Awards. Tout cela est bien beau, mais que vaut vraiment ce « Bodyguards and Assassins » ?

Les cinq premières minutes donnent le ton : un professeur enseigne la signification du mot « démocratie » à ses nombreux élèves, avec étymologie grecque à l'appui et explications sur l'intérêt de cette forme de gouvernement. Au début du XX°s, l'instauration d'une République démocratique en Chine passait par la révolution. 100 ans plus tard, on est surpris que le régime de Pékin ait validé de tels dialogues (les nombreux spectateurs ont-ils eu au moins conscience de vivre dans un pays qui s'est écarté de l'idéal prôné dans ce début de film ? Pas sûr...). Mais on comprend vite. Le mot de « démocratie » est en fait utilisé à toutes les sauces, et tout au long du film, le terme s'approche toujours plus du précepte « pour être libre : la nation avant l'Homme » que « pour être libre, se gouverner soi-même ». Hypocrisie et interprétation habile ont donc permis aux autorités chinoises de s'en sortir sans peine. Sur ces premières minutes mues par une ambiguïté inégalable, on apprend doucement à apprivoiser ce qui apparaît comme un blockbuster, la reconstitution des décors étant plutôt impressionnante.

Et au fur et à mesure, on s'aperçoit que le titre du film est parfaitement choisi. Les « Bodyguards », ce sont les personnes recrutées pour défendre Sun Yat-Sen (dit Sun Wen), l'homme qui a conduit la révolution contre le régime impérial des Qing au début du XX°s. Celui-ci vient à Hong Kong pour rencontrer les représentants de toute les régions chinoises et les convaincre de se soulever contre le régime autocratique et conservateur de Pékin. Les « Assassins », ce sont les membres d'un régiment impérial détaché à Hong Kong, qui sont chargés de tuer Sun Wen pour maintenir le régime des Qing. A partir de là, le film se concentre, dans sa première heure, à identifier les personnages et à les caser dans chaque camp, puis dans sa seconde heure, à mettre en scène une bataille dans les rues de Hong Kong entre les deux factions.

Et de mise en scène, nous allons en parler... et pas en bien. « Bodyguards and assassins » souffre de gros défauts de jeunesse, d'un sentiment de déjà-vu, ou en tous cas de choses que l'on aimerait ne plus voir dans le cinéma d'action historique et d'arts martiaux hong kongais.
Le film de Teddy Chen n'a rien du film d'arts martiaux : il s'agit d'une fresque historique sur la venue de Sun Yat-Sen à Hong Kong. Le problème, hormis le fait que les historiens remettent en cause la réalité historique de ce voyage, c'est que le réalisateur a effectué des choix franchement discutables. En effet, il s'évertue à rester strictement dans le champ de la fresque historique, mais se permet de romancer l'ensemble à gros coups de pathos, de sacrifices, entremêlant personnages fictifs et réels. Or, quitte à romancer le tout, pourquoi n'avoir pas intégré davantage de scènes de combats ? En tout et pour tout, vous n'aurez droit qu'à une seule vraie séquence d'arts martiaux entre Donnie Yen et Cung Le (bien trop courte), plus 3-4 autres scènes à la durée dérisoire ! Et il faudra patienter jusqu'à la dernière demie-heure pour en profiter. Avant cela, attendez-vous à sacrément vous ennuyer. Vous l'aurez compris, à vouloir faire une fresque historique romancée, mais en ne poussant pas cet aspect en nous proposant davantage de scènes d'arts martiaux, on se retrouve avec une mise en scène d'une platitude absolue ! Le film est bien trop long et manque de panache. La première demie-heure perdra d'ailleurs complètement les personnes qui ne connaissent rien à l'histoire de la révolution chinoise : « Bodyguards and Assassins » n'a pas été conçu pour le public occidental, c'est au spectateur de s'adapter.

Hormis un rythme totalement à la ramasse, d'autres défauts majeurs de la mise en scène plombent le film. Il y a tout d'abord les musiques mielleuses, intervenant à chaque sacrifice pour la révolution, puis les scènes de ralentis mal-gérées venant souligner de façon lourdingue un comportement héroïque. Il y a aussi des mini-biographies renforçant inutilement le pathos et gages maladroits et inutiles de fidélité historique, ou encore ce que j'ose appeler des « scènes de blockbuster ». Ce sont ces fameuses séquences de cohues et d'émeutes laissant place au silence absolu lorsque des personnages importants entrent en jeu. Vingt, trente, cinquante personnes, qui matent en silence deux ou trois de leurs congénères, dont on croirait tant qu'ils sont supérieurs, tant on les regarde, on les écoute, on les redoute, ce n'est pas réaliste, pas crédible, et bien lourd ! Oui, ça fait beaucoup de défauts. Ceux-ci sont d'ailleurs tellement typiques des blockbusters chinois propagandistes qu'on en rirait presque... ou pas, car Teddy Chen se prend au sérieux, là où un Tsui Hark est beaucoup plus second degré.

Cependant, un des écueils qu'on pouvait le plus craindre est évité : contrairement aux « Il était une fois en Chine » de Tsui Hark et à « Ip Man 2 » de Wilson Yip, ce « Bodyguards and Assassins » ne se laisse pas aller à de l'anti-occidentalisme primaire. Les dialogues dénonçant la mainmise britannique sur Hong Kong restent softs. Seules deux répliques font taches d'huile dans tout le film, l'une dénonçant les moeurs viles des Occidentaux, l'autre appelant le peuple de Hong Kong à faire la révolution car la domination occidentale sur la colonie a empêché le progrès. Ces répliques sonnent plus justes que celles de beaucoup de films hongkongais qui se laissent aller à la facilité de la propagande de supériorité nationale, car, remises dans leur contexte historique, on y perçoit la mentalité d'une époque, représentant alors une majorité d'opinions du début du XX°s à Hong Kong. Ces répliques évitent donc la dérive en respectant finalement plutôt bien le cadre historique.

Heureusement, il y a quelques réussites, jamais entières, mais on fait avec ce qu'on a. Les décors par exemple sont franchement bons, mais on regrette que le même panorama sur la baie de Hong Kong, certes superbe, revienne trois fois dans le film (comme quoi, les moyens financiers considérables ne suffisent pas à éviter la redondance). Côté scénario, l'aspect mi-historique mi-fiction donne lieu à un mélange des genres souvent naïf mais pas si désagréable (amour, amitié, filiation, dignité), entremêlant les histoires (personnelles) à l'Histoire (de la révolution), même si Teddy Chen en fait beaucoup trop dans les scènes de sacrifices, à grands renforts de flashbacks et d'apparitions incongrues.
Le casting est cinq étoiles, plutôt efficace mais surtout étonnamment bien réparti. En effet, Donnie Yen n'a pas le premier rôle, mais celui le plus intéressant, qui devra choisir entre être bodyguard ou assassin, qui reste toujours au second plan mais a une influence certaine sur le cours des événements. Un petit peu une sorte de soldat inconnu... De plus, sa performance d'acteur est marquante, toute en cabotinage. Pour le reste, Tony Leung Ka-Fai surjoue quelque peu mais demeure très bon, Nicholas Tse est sur une bonne lancée, Simon Yam est efficace même si on ne le voit que très peu. Mais on apprécie surtout de voir qu'un acteur surclasse nettement les autres, et pas le plus connu : Wang Xueqi. Assez âgé, ce dernier étonne par sa justesse de ton. Du côté des personnages secondaires, c'est beaucoup plus irrégulier avec un Eric Tsang pas mis en valeur dans son rôle de chef de la police à la solde des britanniques, un gâchis monumental avec Leon Lai en mendiant cachant ses talents (le passé et la personnalité du personnage étant trop peu travaillés et caricaturaux), tandis que les guests stars sont assez agréables : l'ancien basketteur Mengke Bateer, impressionnant et amusant, et le kickboxer Cung Le, sauvage.

En termes de bonus, vous pourrez trouver quelques bande-annonces de l'éditeur HK Video, ainsi qu'une interview d'un petit quart d'heure du réalisateur Teddy Chen. Notons que le menu principal de l'interface DVD est très agréable à utiliser, puisqu'on n'a pas besoin de faire des allers-retours, les options apparaissant directement sur le menu principal dès qu'on navigue sur un sous-menu.

En dépit d'un manque indéniable de dynamisme, une absence cruelle de combats et finalement d'une mise en scène globalement totalement ratée, « Bodyguards and Assassins » demeure un film sympathique en étant immersif, grâce à de bons décors, une ambiance réaliste et une belle brochette d'acteurs qui se montrent à la hauteur.

commentaires

IchigoSan

De IchigoSan [998 Pts], le 17 Juin 2012 à 12h58

Merci pour la chronique ^^

Kimi

De Kimi [3391 Pts], le 11 Juin 2012 à 19h33

Encore un chronique très complète de ta part Rogue, bravo à toi. :)

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