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Ciné-Asie Chronique - Trois saisons

Lundi, 03 Octobre 2011 à 09h58

Inaugurons cette nouvelle semaine avec la chronique de Trois Saisons, un film choral touchant dans lequel Tony Bui nous livre un portrait intimiste du Viet Nam.
 

 
 
« Trois saisons » de Tony Bui appartient à ce qu’on pourrait appeler « la nouvelle vague » du cinéma vietnamien, à laquelle appartient aussi Tran Han Hung réalisateur de « l’odeur de la papaye verte » (1993) « Cyclo ’ » (1995) et à « La verticale de l’été » (2000) ; Citons aussi Nguyen VO-Nghiem-Minh et son film multi primé « Gardien de buffles ». Ces cinéastes qui vivent souvent entre plusieurs cultures et ont pour commun la volonté de revitaliser un cinéma en manque d’infrastructure et marqué par la censure, mais qui est néanmoins, très apprécié dans les festivals
de cinéma. Le nouveau cinéma vietnamien explore la problématique d’un pays entre modernisme et traditions qui s’achemine vers une mutation inéluctable ce qui génère des questions sociales.

Tony Bui est né à Saïgon et est arrivé à l’âge de deux ans aux États-Unis, il a étudié le cinéma à la Loyola Fairmount University. En 1994, à la suite de plusieurs voyages au Vietnam, il tourne son premier court-métrage « Yellow Lotus » dans lequel figure Don Duong, un des acteurs de « Trois saisons ».

« Trois saisons » est considéré comme le premier film tourné par une équipe américano-vietnamienne depuis la fin de la guerre. Tony Bui définit son film comme un pont entre les deux pays mais aussi une parabole sur l’évolution du Vietnam.

Tony Bui n’a pas choisi le genre du film choral par hasard, chaque personnage permet de présenter une facette du Vietnam tout en lui permettant d’aborder une multitude de thèmes en dehors de la problématique du Vietnam entre modernisme et tradition à savoir ceux de la rédemption et la guérison, la solitude, l’espoir, le désir.

À l’instar des autres films cités plus haut, « trois saisons » comporte des traits communs inhérents au cinéma vietnamien : une certaine « lenteur » narrative volontaire qui imprime un rythme particulier -opposition quasi constante entre le calme de la campagne et le bouillonnement de la ville- les dialogues sont peu nombreux mais significatifs. Les silences et non dits permettent aux acteurs d’explorer leur potentiel expressif -il faut noter que pour « trois saisons » Harvey Keitel s’est mis au diapason de ce type de jeu -.

« Trois saisons » s’inscrit dans la continuité du court-métrage de Tony Bui, il repose sur un travail visuel très poussé qui rappelle au spectateur l’importance du directeur de la photographie ici Lisa Rinzler. le réalisateur a aussi travaillé sur le montage pour donner un ensemble fluide.

La force de « trois saisons » est de proposer des histoires touchantes mais en le faisant de manière symbolique et métaphorique. Tony Bui confie qu’au départ, la narration devait être linéaire mais c’est au cours du tournage qu’il a opté pour la forme chorale et a restructuré chaque histoire pour qu’elle corresponde à une saison sur le plan narratif et visuel, ce qui demande au spectateur d’être attentif aux détails, et ce parti pris est annoncé dès le générique.

- L’histoire de Hai le cyclo et Lan la prostituée correspond à la saison sèche, les tons jaunes et rouges (pour la scène finale) symbolise la passion et l’amour. Cette histoire est aussi la métaphore du Vietnam écartelé entre tradition (le cyclo, qui lutte pour conserver son outil de travail, qui est aussi l’image de marque du pays) et le modernisme (Lan est attirée par le luxe et l’argent symbolisés par les touristes) , les hôtels et la frénésie des constructions tout en étant bien consciente que cela entraîne une
perte collective et individuelle.

Si cette histoire a pour thème l’évolution du Vietnam face à la mondialisation, elle n’est pas pour autant passéiste – comme cela le lui a été reproché mais basée sur un constat.

- L’histoire de Woody l’enfant des rues a été tournée lors de la saison des pluies – qui est le leitmotiv de l’histoire ainsi que les scènes de nuit- les tons sont gris et froids. Outre l’aspect social , l’histoire de Woody est la métaphore à la fois de la solitude et celle d’une quête ( la boîte-objet
symbole).

Celle du vétéran James Hagger, qui est à la recherche de sa fille amérasienne mais aussi en quête de rédemption comme il le dit à Woody.

Il faut noter que cette histoire prend racine dans chacune des saisons traitées en établissant une sorte de lien, Tony Bui a voulu évoquer la guerre du Vietnam non sur le plan politique, mais comme une métaphore. Réconciliation matérialisée à la fois par le regard plein de tendresse échangé avec une petite fille, et le repas partagé avec des Vietnamiens– qui donne lieu à des scènes les plus émouvantes du film- Tony Bui a évité le pathos et discours en éloignant la caméra par pudeur quand ils font plus amplement connaissance.

L’histoire de Maître Dao et de la cueilleuse de lotus Kien An représente la saison de la renaissance. Elle représente aussi la métaphore du Vietnam traditionnel, sa littérature, sa tradition orale.

Dans cette histoire, le réalisateur a voulu mettre en lumière l’opposition entre le calme et la spiritualité de la ferme de lotus et le bouillonnement de Saigon. Le lotus lui-même devient une métaphore de l’identité culturelle en danger, fleur millénaire sera telle supplantée par un lotus en plastique comme le suggérera une séquence du film. La chanson chantée par Kien An donne son rythme au film y compris dés le générique de début.

Tony Bui a privilégié les plans d’ensemble et de demi ensemble surtout en ce qui concerne les scènes de cueillette de lotus, les gros plans sur les regards créent l’émotion, sans pour autant alourdir le propos. Les travelling et caméra à l’épaule sont utilisés pour les scènes de rue. La contreplongée est utilisée pour filmer les hôtels et immeubles en construction pour signifier la frénésie et l’écrasement « chaque immeuble qui sort de terre, c’est une ombre de plus sur nous » dit Lan.

En choisissant le genre « Choral » Tony Bui livre des portraits et des histoires qui constituent sa vision personnelle du Vietnam, un pays qu’il appris à connaître rétroactivement– sa démarche pourrait être comparée à celle de Ang Lee pour « Salé, Sucré »-.
« Trois saisons » est aussi une histoire de famille : Tony Bui a écrit son scénario avec son frère Timothy qui est aussi co-producteur du film, il a confié à sa soeur Zoé, le rôle de Lan et à son oncle celui d’Haï. Il livre un regard intimiste sur ce qui constitue le Vietnam, son histoire et ses traditions mais aussi un constat sur son évolution face à la mondialisation.
 
 
Ladymusaraki.

commentaires

Koiwai

De Koiwai [12681 Pts], le 03 Octobre 2011 à 19h40

Une chronique riche en informations sur un film que, j'avoue, je ne connaissais pas du tout. Tout ceci me plaît bien, j'y jetterai un oeil à l'occasion car ça m'a l'air de valoir le coup ^^

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