March comes in like a lion Vol.1 - Actualité manga
March comes in like a lion Vol.1 - Manga

March comes in like a lion Vol.1 : Critiques

Sangatsu no Lion

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 16 Février 2017

Déjà connue en France pour l'excellent Honey & Clover ou encore pour le character design original de l'animé Eden of the East, la talentueuse Chica Umino effectue, avec March comes in like a Lion, un retour longtemps attendu en France. En effet, l'oeuvre est en cours de parution au Japon depuis 2007, et c'est donc 10 ans après ses débuts, et huit ans et demi après la fin de Honey & Clover dans notre pays, que Kana nous propose enfin de la découvrir en langue française, non sans profiter de la diffusion actuellement de la très belle adaptation animée sur Wakanim. Timing parfait !
Trustant régulièrement les tops des ventes au Japon, la série, de son nom original Sangatsu no Lion, est une oeuvre multi-récompensée dans son pays : nomination aux mangas Taishô Awards en 2009, lauréat de ce même prix en 2011, vainqueur du Prix du manga Kôdansha catégorie générale en cette même année 2011, lauréat du Prix Culturel Osamu Tezuka en 2014... autant dire que l'on en attend beaucoup, et que l'éditeur semble désireux de bien la lancer en lui ayant offert une jolie bande-annonce et en ayant l'attention d'offrir en librairie des recettes évoquées dans le manga.

Après le shôjo Honey & Clover, Umino change ici de catégorie (et d'éditeur japonais, passant de Shûeisha à Hakusensha) pour offrir une histoire plus mûre, celle de Rei Kiriyama, un jeune garçon de 17 ans en qui on ressent un profond renfermement dès les premières pages : celles-ci, en dehors des bruits de la ville, sont silencieuses, faisant bien ressortir la solitude du personnage. Dès le départ, on constate qu'il ne se sent à sa place nulle part, on devine un personnage éteint, qui sourit sans lueur et est persuadé que personne ne s'inquiète pour lui, la faute à un passé particulièrement dramatique. A défaut, le jeune garçon pratique depuis plusieurs années le shôgi, semble s'y jeter sans forcément en être vraiment passionné, comme pour tenter d'effacer le passé, de l'oublier, et cela même si ses talents en ont déjà fait un joueur de shôgi professionnel, et même s'il s'est trouvé des adversaires de taille, à commencer par Harunobu Nikaidô qui s'est autoproclamé son plus grand rival et son meilleur ami. Longtemps déscolarisé, Rei a récemment réintégré le système scolaire à la fin du printemps, mais y affiche la même solitude, malgré l'attention du professeur Hayashida. Et sa situation ne semble pas forcément vouée à s'arranger puisque, depuis peu, il y a choisi de vivre seul dans un studio perdu dans un quartier composé d'entreprises et d'entrepôts.

Et pourtant, depuis quelque temps, il y a du nouveau dans sa vie : une rencontre avec les trois soeurs Kawamoto et leur grand-père. La plus jeune, Momo, est encore toute petite et découvre le monde avec sa bouille adorable. Hinata, elle, est une collégienne hyper énergique et enjouée, qui a un don pour se préparer en retard le matin pour aller à l'école. Quant à la plus âgée, Akari, elle est une jeune adulte gérant la demeure familiale avec calme et bienveillance, et c'est cette bienveillance qui l'a poussée un soir à recueillir Rei alors qu'il était ivre. Depuis, le jeune garçon est resté en contact avec elles, non seulement parce que les trois soeurs l'invitent souvent à venir manger chez elles, mais aussi parce que dès sa première intrusion dans cette vieille bâtisse en bois, il s'est senti bien tout de suite, a eu le sentiment d'être enfin le bienvenu quelque part. Dès les premières apparitions de ces trois frangines, le contraste avec le sentiment de solitude des premières pages est saisissant : ça grouille de vie, elles sont énergiques, positives et chaleureuses, les chats font les pitres, le dîner fait envie, les blablas sont nombreux, elles partent aider volontiers leur grand-père à la boutique de gâteaux familiale... Rei ne sait pourtant pas encore à quel point les trois miss vont recolorer son existence et le faire réfléchir sur son passé, sur les gens qui l'entourent, et sur lui-même.

March comes in like a lion est le récit d'une reconstruction, celle d'un adolescent qui a perdu toute passion depuis des années et s'est renfermé face à une vie qui ne lui a pas fait de cadeaux. Son passé, c'est petit à petit qu'on va le cerner, essentiellement au travers de la présence des soeurs Kawamoto qui vont le pousser peu à peu à revenir sur ce qu'il a vécu. La déception amoureuse adolescente de Hinata lui évoque brièvement certaines choses, la présence de la petite Momo sur qui il faut veiller ne manque pas de rappeler à sa mémoire sa propre petite soeur, etc... c'est donc par petites touches que se dévoile tout le drame qui a conditionné Rei, entre la disparition brutale de ses proches, le sentiment d'être de trop dans la famille de celui qui l'a recueilli... Le procédé narratif est fin, intelligent, humain, tant il permet d'éclairer le plus naturellement du monde le personnage. Mais Rei n'est sans doute pas le seul à souffrir, ainsi cerne-t-on certains problèmes de santé chez le très fun Nikaidô, ou, surtout, à travers l'attachante Hinata, des douleurs familiales que les Kawamoto ont elles aussi connues...

Pour autant, le récit ne se veut jamais exagérément dramatique. Il y a beaucoup de mélancolie, beaucoup de doutes chez les principaux personnages, mais il y a surtout un certain optimisme quant à la reconstruction et à la re-sociabilisation de Rei auprès des soeurs, dans un cadre de vie mouvementé au quotidien, avec son lot d'humour, de petits événements journaliers, de repas conviviaux, de chaleur humaine. En tout cela, on retrouve l'atmosphère si particulière qu'Umino avait déjà peaufinée dans Honey & Clover.

March comes in like a lion est également un manga marqué par le shôgi, sport cérébral asiatique qui reste relativement méconnu en France par rapport à son "cousin" le go, malgré quelques oeuvres qui s'y sont un peu intéressées (on peut par exemple citer le manga Kings of Shogi, paru il y a quelques années chez Pika). Pour l'instant, Umino ne nous propose aucun long affrontement de shôgi, et il reste à voir si ce sera le cas par la suite. La mangaka préfère nous présenter l'univers professionnel de ce sport, et bien que l'on regrettera l'absence de réelles explications sur les règles, on appréciera tout de même, entre certains chapitres, des explications conçues par Manabu Senzaki, joueur professionnel chargé de superviser la partie shôgi du manga. Pour le reste, Umino amène pas mal de petites informations mal connues sur ce milieu : un joueur pro de shôgi fait 30 à 40 rencontres par an et les meilleurs entre 70 et 80, il est payé au mois, participe au tournoi de classement (meijin), mais aussi à d'autres rencontres avec des titres prestigieux, quand il n'est pas en rencontre il s'entraîne assidument pour tester des stratégies... Ces informations sont bien disséminées, n'apparaissent jamais trop lourdes ni trop présentes.

Visuellement, retrouver la patte d'Umino est un régal. L'artiste n'a rien perdu de sa sensibilité, surtout dans les visages de ses personnages, et elle a conservé ses petites fantaisies plutôt mignonnes, comme les yeux parfois très pétillants ou certaines cases délimitées par des trames.
Son style est doux sur le design des personnages, mais également réaliste dans les décors et dans l'atmosphère. Le fait que Rei aime errer en ville en longeant les fleuves donne lieu à quelques découvertes de recoins presque intimes dans la capitale, on retrouve cette même intimité saupoudrée de chaleur dans le soin apporté au design de la vieille maison des Kawamoto. Et on appréciera simplement le soin accordé aux bâtiments, aux ponts, aux vues sur la ville.
On se sent facilement immergé dans ces recoins plus calmes de Tokyo, encore plus au vu du grand soin qu'Umino accorde aux fonds sonores animant la ville, par le biais de ses onomatopées. Par ailleurs, l'ambiance sonore a toujours une grande importance de façon générale chez cette artiste, que ce soit dans les éléments descriptifs des textes, dans les tout petits blablas hors bulles parfois même animaliers (Umino aime bien "traduire" les cris des animaux), ou via les onomatopées soulignant le comportement des personnages (comme le "fff fff fff" de Nikaidô).
Impossible, également, de ne pas apprécier l'utilisation souvent intelligente des bulles, omniprésentes pour rendre des scènes plus vivantes, ou bien découpées de façon à faire ressortir et à souligner la façon de parler et les émotions des personnages (comme pour Hinata qui pleure à la fin du chapitre 6, où les bulles font ressortir le côté saccadé de sa phrase, parce qu'elle parle tout en pleurant).
En guise de petite friandise, observez aussi les pages d'ouverture des chapitres, qui se suivent et racontent de jolies petites scènes de tranche de vie.

Pour son entrée en matière si longtemps attendue en France, March comes in like a lion ne déçoit aucunement et est servi dans une édition très soignée. Misato Raillard délivre une traduction vivante, fluide, collant bien aux personnages, et ponctuée de nombreuses petites notes de traduction bien utiles (notamment sur la nourriture et sur le shogi). On notera le changement de jaquette par rapport à l'édition japonaise : les illustrations sont les mêmes, mais Kana a fait le choix de les présenter dans des cadres, un peu comme des moments de vie pris sur l'instant. On pourra regretter que cela réduise la grandeur des illustrations, mais il faut avouer que cela offre au livre un certain cachet, une atmosphère collant plutôt bien à l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs