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Poison City - Manga

Poison City : Critiques

Critique de la série manga

Publiée le Mardi, 29 Décembre 2015

Tetsuya Tsutsui et Ki-oon...voilà une collaboration plus que fructueuse !
Déjà auteur de plusieurs titres de qualités chez l'éditeur, passant par un partenariat privilégié, l'auteur nous offre ici la possibilité de découvrir un titre court de seulement deux tomes qui va quelque peu nous sortir de son cadre habituel et va s'avérer beaucoup plus personnel !
Dans un futur très proche, à savoir l'aube des Jeux olympiques de Tokyo en 2020, nous suivons le parcours de Mikio Hibino, un jeune mangaka qui tente de faire publier sa nouvelle série, un titre horrifique surfant sur la mode des zombies. Le problème est qu'avec l'arrivée prochaine des fameux Jeux olympiques au Japon, un comité de censure met tout en œuvre pour annihiler toute polémique pour lisser l'image du pays, en supprimant les œuvres controversées, y compris des œuvres d'art connus du monde entier… Et sa série « Dark Walker » déclenche une réaction démesurée…  Mikio sera alors la cible des censeurs qui veulent faire de lui un exemple. Malgré le soutien de son éditeur, il ira en chercher auprès d'autres auteurs, japonais comme Américain, et il va découvrir des choses dramatiques sur les heures les plus sombres de la censure, tout comme il découvrira comment sont classées les œuvres de manière quasi arbitraire…


Anticipation ou science-fiction ?


Mais avant de plonger dans la polémique l'auteur va nous prendre contre pied : la couverture laisse présager une série dans la même veine que Manhole, avec ce gros plan sur ce visage caché derrière un masque à gaz. Le titre même, « Poison City » laisse supposer une épidémie quelconque. Et surtout les premières pages s'ouvrent sur un individu en train d'en dévorer un autre évoquant justement cette fameuse épidémie qu'on s'attend à trouver...et puis retour à la réalité : tout ceci n'est que l'introduction de la nouvelle série de Mikio Hibino, le personnage principal du titre…
L'histoire du récit de Tsutsui n'a donc rien à voir avec des zombies, mais pour autant elle traite bien d'un fléau qui menace la société !

Il s'agit donc bel et bien d'une œuvre très personnelle pour l'auteur qui a lui-même connu des problèmes (et c'est encore d'actualité) avec un de ses premiers titres au Japon : Manhole a été considéré comme œuvre nocive et a été supprimé des librairies d'une région entière sans que lui-même ou son éditeur ne soit au courant. Le combat qu'il mène pour que l'interdiction soit levée est encore d'actualité, donc forcément Poison City a un arrière-goût de croisade!
D'ailleurs il faut féliciter Ki-oon pour son engagement auprès de l'auteur en nous permettant non seulement de découvrir ses œuvres, mais aussi en fournissant des explications détaillées sur le cas précis.


Au travers de l'histoire de Mikio, c'est sa propre histoire que Tsutsui nous raconte, ce qu'il dépeint comme le premier pas vers un état fascisant ! Et c'est ce malaise de la société qu'il va tenter de nous exposer, avec une certaine maladresse et une évidente colère.
Autant il faut reconnaître à l'auteur sa sincérité et son engagement autant il faut admettre qu'il manque parfois de subtilité, tout dans son récit se présente comme un témoignage à charge. Mikio est présenté comme une victime d'un système qu'il ne comprend pas, les politiciens et les membres du comité de censure sont diabolisés et présentés comme des êtres froids et quasiment inhumains, l'auteur nous présentant une commission opposant Mikio aux censeurs qui ne s'avère être qu'une mascarade, et au travers de cela on pourrait presque ressentir l'impuissance, le désespoir et la colère de Tsutsui, on l'imagine vivre lui même ce genre de situation et on devine que c'est ce qu'il a tenté d'exprimer.
Jusqu'à la conclusion du titre qui se montre véritablement dérangeante et renvoie directement à des titres elles aussi malsaines et controversés comme Orange Mécanique.

Ainsi tout au long de la série on ressent un véritable malaise, il se dégage une ambiance véritablement malsaine et dérangeante, et pour cela nul besoin de meurtres, de zombies ou de drames… on ressent un basculement de la société vers un état totalitaire et répressif.
Le message de l'auteur est ici très fort et se présente comme une mise en garde, mais une nouvelle fois il faut tout de même rappeler que Tsutsui manque de subtilité et semble dirigé par la colère, ce qui se ressent davantage encore dans le second et dernier tome.


Cela ne nous empêche pas d'avoir droit à un point culture passionnant nous renvoyant aux Etats Unis à une époque où les comics ont été diabolisés et ont dû modifier leurs lignes éditoriales.
A côté de ça, Tsutsui vient aussi nous raconter la pression que les auteurs et les éditeurs peuvent subir au Japon, mais également à travers le monde puisqu'il intègre un éditeur étranger venant sauver la mise à son personnage (on s'étonne que ce dernier ne soit pas Français, le parallèle étant évident). L'auteur porte ainsi un regard bienveillant sur les éditeurs qu'il présente comme étant des soutiens précieux et animés par une volonté artistique réelle. C'est presque surprenant et à la limite de la démagogie ; on le sait, le mieux étant l'ennemi du bien. Ici, ceux qui représentent un danger pour la liberté des auteurs sont les têtes pensantes, les décideurs, se plaçant au-dessus de la population et affirmant savoir mieux que les autres ce qui est bon pour la majorité, et peu importe si personne n'est d'accord avec eux !

La meilleure idée de l'auteur qu'il ne poursuit malheureusement pas dans le second tome c'est de faire le parallèle entre la série de Mikio, « Dark Walker » et ce que lui raconte dans son titre, traitant ainsi deux histoires en une, et en faisant constamment des parallèles entre les deux, comme notamment la prise de conscience des personnages principaux (réel et fictif) du changement dramatique que leur monde est en train de vivre et qu'ils n'ont pas vu venir.

Le parti pris de Tsutsui est donc évident, et quelque part lui ici impose « sa vérité » en tentant de prendre le lecteur en otage, en lui disant « voilà ce qui est condamnable » !
Mais on peut aussi lire Poison City comme une œuvre de fiction sans message particulier et on y prendra autant de plaisir, car qu'on partage son point de vue ou non, qu'on soit sensible à sa mise en garde ou pas, Tsutsui n'en demeure pas moins un excellent conteur capable de mettre en scène de remarquables histoires !

Un titre affirmé, se voulant porteur de message et donc forcément qui divise, mais un titre qui ne laisse pas indifférent !

Chroniqueur: Erkael

Note de la rédaction
Note des lecteurs
14.5/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

14.00,17.00,12.00

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