Last Quarter - Actualité manga

Last Quarter : Critiques

Kagen no Tsuki

Critique de la série manga

Publiée le Lundi, 01 Juillet 2013

Alors que son œuvre maîtresse Nana atteint les 21 volumes, il est temps de se pencher sur un manga moins connu mais essentiel de Ai Yazawa. En effet, derrière les belles et envoûtantes couvertures de Last Quarter, se cache une histoire sérieuse, sombre et pivot dans la carrière et le style de notre mangaka préférée.

Ai Yazawa le répète à plusieurs reprises en notes, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas écrit une histoire sérieuse, un genre par lequel elle a commencé et qu’elle affectionne particulièrement. Si cela peut paraître étrange aux lecteurs et lectrices de Nana, il faut savoir que la mangaka favorite des Japonais a fait sa réputation avec des séries romantiques et comiques comme Je ne suis pas un ange et Gokinjo, une vie de quartier. Pendant presque 10 ans, elle a ainsi croqué le quotidien de personnages, ou plutôt de lycéens, attachants, émouvants et parfois délirants. Que cela soit un bureau des élèves ou une école de mode, Ai Yazawa n’a en effet pas son pareil pour rendre compte des premiers émois, des premières larmes et finalement des premiers pas dans la vie. En 1998, si elle décide d’écrire un manga sérieux pour quelques volumes, elle n’abandonne pas pour autant ses bonnes habitudes. Last Quarter peut même apparaître comme une œuvre pivot, celle du passage de l’enfance à l’âge adulte, de l‘insouciance à la maturité, comme elle a pu le faire avec Paradise Kiss commencé presque en même temps. Il ne fait aucun doute que cette mélancolique et crépusculaire histoire prépare la claque que sera Nana.

Au clair de lune

Les premières pages pourraient d’ailleurs parfaitement s’y intercaler, à plus forte raison dans le premier tome bicéphale. Car la jeune lycéenne Mizuki rappelle les deux Nana. Dans un parc, elle tombe sous le charme d’une triste mélodie puis de son interprète, le guitariste et chanteur anglais Adam. Elle passe alors les deux semaines suivantes avec lui, enfermé dan une grande maison vide et isolée. Elle ne va plus au lycée, ne rentre plus chez elle. Puis un jour, Adam disparaît, il doit rentrer et est prêt à l’emmener avec lui en Angleterre si elle le retrouve à un point de rendez-vous à Shibuya. Pas le temps de réfléchir, à peine plus pour dire adieu à sa famille et la voilà en pleine nuit en train de se précipiter pour le rejoindre de l’autre côté de la rue. Mais le feu est  rouge et c’est l’accident. Planches plongées dans l’obscurité, ville et nuit baignées par la lumière de la lune, personnages androgynes et diaphanes, narration et mise en page éclatées… pas de doute possible, il s’agit bien là de la quintessence du style de la mangaka, celui des pages les sombres et les plus mélancoliques de Nana. Mais la tragédie qui frappe Mizuki n’est que le point de départ de Last Quarter. En effet, lorsqu’elle se réveille, Mizuki a perdu la mémoire et est dans lieu inconnu, blanc immaculé, piégée derrière une grande et infinie barrière. Elle y croise une enfant à la recherche de son chat. C’est alors cette petite fille, Hotaru, qui se réveille à l’hôpital à la suite d’un accident de la route lorsqu’elle était partie en pleine nuit chercher de son chat Loulou. Mais cette fille, cette musique, était-ce un rêve ?

Qu’est-ce que l’âme-our ?

Ces questions trouvent une réponse lorsqu’elle suit un chat, sosie de Loulou, dans une maison abandonnée et tombe sur Mizuki en train de jouer au piano le morceau « Last Quarter » du groupe d’Adam, Evil Eye. Mais pourquoi l’amie de Hotaru, Sae, ne peut voir Mizuki et pourquoi celle-ci ne peut-elle pas sortir de la maison ? Aidés par leurs camarades de classe et potentiels petits copains Testsu et Masaki, Horatu et Sae vont mener l’enquête pour savoir qui est celle qu’ils ont nommé Eve, d’où vient-elle et pourquoi est-elle devenue un fantôme. Plus jeunes que ses héros habituels et a priori en primaire, ces quatre complices sont la première grande réussite du manga et de son auteur. Très à l’aise avec leur jeune âge et leurs préoccupations, elle dresse un portrait de groupe aussi juste que touchant. Suivre leurs pérégrinations entre la responsable Sae, l’émotive Hotaru, le mature Masaki et l’amusant Tetsu, est ainsi un enchantement. Ce qui ne veut pas dire que leur quête est une partie de plaisir. En effet, après un premier volume limpide et à la lecture fascinante, il était sûr que chez Ai Yazawa, les choses ne pouvaient être aussi simples. Ainsi après avoir découvert que le corps de Eve et donc Mizuki était dans le coma à l’hôpital suite à l’accident le même soir que celui de Hotaru, ils retrouvent la trace d’Adam mais dans le passé, il y a 19 ans. Et qu’elle est la signification de ses souvenirs qui assaillent Eve ? Autant dire que le manga devient dès lors plus nébuleux, parfois répétitif mais toujours captivant. Avec cette histoire de réincarnation et d’âme-our, la mangaka devient par moments très sérieuse, presque grave. Ainsi, le dernier volume comprend beaucoup de réflexions sur l’adolescence, le destin et les choix de vie. Des pages entières sont ainsi noircies comme s’il s’agissait d’un journal intime.

Kagen no tsuki

S’il y a bien une œuvre de Ai Yazawa qui sur le papier réunit déjà tous les éléments pour une adaptation cinéma, c’est bien Last Quarter. En effet, le manga développe une esthétique bien spécifique, proche d’une rêverie au clair de lune, à l’image des magnifiques couvertures déclinés sur trois couleurs : bleu nuit, orange crépusculaire et rose écarlate. Ainsi, en 2004 soit un an avant la déconvenue des films Nana (mais était-ce vraiment possible de satisfaire les attentes ?), Last Quarter de son titre original Kagen no tsuki est adapté pour le grand écran par Ken Nikai, un réalisateur de clips dont c’est le deuxième et dernier film à ce jour. Au casting, on retrouve rien de moins que Chiaki Kuriyama, très connu pour ses rôles dans Battle Royale et Kill Bill, qui prête ses traits à Mizuki et surtout Hideto Takarai alias HYDE le chanteur du groupe L'Arc~en~Ciel pour Adam. En plus d’eux, le film se focalise sur la quête de Hotaru, Masaki et le petit ami de Mizuki, Tomoki. Mais si le récit et les personnages sont simplifiés, le film se rattrape avec une mise en scène originale, mélangeant les genres (romance, conte de fée, gothique) et utilisant les effets numériques avec talent. Etrange, beau et mélancolique comme le manga.


Hoagie


Note de la rédaction
Note des lecteurs
17.5/20

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

16.00,16.00,16.00,16.00

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