Livre des sorcières (le)

20/20

J'adore l'époque où l'histoire a lieu, à savoir la Renaissance.

D'ailleurs, le personnage d'Agrippa est un vrai symbole de cette époque, il suffit de remarquer l'attachement qu'il tient au savoir et à l'expérience, et à ses réticences vis-à-vis de l'approbation de l'inconnu. Ou encore, Jean Wier, personnage historique, médecin et opposant à la chasse aux sorcières.

Être médecin à l'époque, ou ne sais-je, et s'opposer à la pensée ecclésiastique était considéré comme une offense, une hérésie, aux yeux de la société. Mais c'est précisément grâce aux personnages comme Jean Wier, ou pourquoi pas mentionner à Martin Luther, et leurs idées révolutionnaires, que le monde a commencé à se cultiver, et à ceser de croire aux superstitions banales comme le fait que les sorcières étaient des êtres maudites agissant de leur plein gré alors qu'elles n'étaient que des personnes perturbées mentalement et qui avaient besoin de traitement (médicale, bien sûr; la psychothérapie et d'autres pratiques psychologiques n'existaient toujours pas).
N'empêche que le traitement médical pour une maladie psychique pose aujourd'hui des problèmes, notamment sur la question de dépendance. Une dépendance chronique du patient à l'égard des médicaments semblable à la dépendance d'un toxicomane. D'ailleurs, nous pouvons très bien remarquer cela dans le comportement d'Edel. Lorsqu'on exagère la dose d'un médicament celui-ci peut jouer en notre désavantage. Mais bon, j'ai voulu lire cette histoire en tenant compte du période historique, au risque de rater un récit bien élaboré.

Les thèmes abordés dans cette histoire sont la raison de mon attachement pour ce manga (croyance irraisonnée fondée sur la crainte, ignorance, vengeance, cupidité, et bien d'autres thèmes), sans oublier l'excellente narration et, encore une fois, la période historique (important !)

En bref, ce manga est un pur chef d'œuvre, qui retrace le parcours de Jean Wier, un médecin qui s'oppose à la chasse aux sorcières, et qui cherche à prouver que leurs comportements n'est pas le résultat d'un pacte effectué avec le diable, mais bien, celui des troubles mentaux.
Cela peut paraître ridicule, mais à l'époque cette démonstration était un acte audacieux, car il s'agissait de mettre de dos la doctrine religieuse (à cette époque, tout ce que dictait l'église ne devait être contesté sous aucun prétexte) et donc de risquer d'être poursuit pas les autorités en quête des hérétiques. Pour faire simple, il fallait penser comme tout le monde au risque d'être envoyer au bûcher. Et c'est sous cette contrainte que notre docteur agit.

Ce qui est impressionnant, sont les controverses que l'on rencontre entre les idées des différents personnages. Comme, par exemple, entre Jean Wier et le juge Borst, ou encore, entre Agrippa et les juges d'instruction.

J'ai apprécié cette aventure réaliste qui m'a transporté au XVIème siècle et m'a fait voir de plus près l'incroyable lutte des savants pour expliquer les choses de manière rationnelle, tout en s'éloignant des conventions.
Cependant, malgré leur lutte effrénée, et les ouvrages publiés, les accusations et les indignations se poursuivaient à travers les factums. Voici un extrait de ce que pensait le juge Bodin du livre publié par Jean Wier intitulé "De Praestigiis Daemonum et Incantationibus ac Venificiis". Je cite: "Quel est ce livre ?! Les sorcières seraient de simples malades ?! Elles seraient pénalement irresponsables et il ne faudrait accorder aucune valeur à leurs confessions car ces dernières seraient le résultat de délires maladifs dus à leur état de santé ?! L'auteur est allé jusqu'à écrire que les juges qui condamnent les sorcières sont aussi leurs bourreaux ! Quel manque de respect ! Il s'agit d'un ouvrage hérétique ! Vous savez que son Auteur n'est autre que ce Jean Wier?! De connivence avec les sorcières, ce disciple d'Agrappa, le plus grand sorcier de son époque, essaie par tous les moyens de tromper son monde, cela ne fait aucun doute ! Ce livre est dangereux pour que nous restions sans rien faire ! C'est en premier lieu un blasphème contre Dieu, mais aussi contre le clergé et contre nous". Comme vous pouvez le constater, tout le monde n'était pas partant pour considérer les sorcières comme des malades. Heureusement, aujourd'hui nous savons que cette lutte d'idées a porté ses fruits.

Je pourrais dire davantage des choses. Mais ils s'agit d'un avis concis (sans être très abrégé) et non d'une dissertation. Je pense que j'ai fait comprendre mon ressenti à travers cet texte. Cela étant dit, je me retire avec une citation du grand mage Agrippa qui m'a fortement ébranlé.

"Les gens, eux, ont peur parce qu'ils ne voient pas. Ils ont peur car ils ne savent pas. Quand bien même il s'agirait du diable tu ne dois jamais hésiter à apprendre".

Le livre des sorcières est un manga historique retraçant une partie de la vie de Jean Wier, médecin connu pour avoir écrit et lutté contre la chasse aux sorcières durant le 16ième siècle. .

On sent clairement que Ebishi Maki s'est documenté en dessinant ce manga. Si certaines parties du propos témoignent d'une vraie rigueur historique, l'autrice n'a pas forcément collé à la réalité ce que j'ai trouvé intéressant. D'ailleurs, ce manga viens du magasine shojo Nemuki+, un bimensuel à la ligne éditoriale plutôt horrifique et fantastique.

Si ce manga me tentait beaucoup, mes attentes étaient un peu à côté de la plaque. Je m'attendais à un manga traitant de la chasse au sorcière avec un personnage féminin hors le propos de l'autrice n'est pas là. Ma légère déception passée, j'ai pu me plonger dans ce passionnant manga et je dois d'ailleurs préciser d'amblée que je trouve son propos important et très juste.

On ne sait pas trop où l'on va durant le premier tome. On y suis un Jean Wier encore très jeune, influençable et hésitant. La chasse aux sorcières bat son plein en Europe, la religion est partout, contrôle tout et des épidémies comme la peste déciment la population. C'est la peur et l'incompréhension qui règne et notre héros semble assez perdu. Il va avoir la chance de devenir le disciple de Agrippa, un médecin de renon qui lui permis de trouver une voix et d'avoir accès à la connaissance. On voit dans un premier temps Agrippa via les yeux de Jean Wier, cet homme qui lutte contre la peste, les croyances occultes comme les nymphes ou les loups garous au point de se mettre l'église à dos.

Ce qui est intéressant dans ce manga est la manière avec laquelle l'autrice fait évoluer son personnage principal et ses lecteurs dans la découverte de ce moyen-âge terrifiant ou tout ce qui est effrayant devient vite diabolique au yeux de l'église et donc des gens. On peut rapidement devenir sorcier/sorcière ou loup garou si nos actes sont incompris d'autrui ou si l'on souffre d'une maladie. C'est une époque où la peur règne en maitre et où les connaissances comme la philosophie ou la médecine ne sont pas forcément vue comme juste et digne de confiance. Ainsi, Ebishi Maki joue avec son lecteur qui s'est identifié à Jean Wier et qui voit ce personnage se défaire peu à peu de ses peurs et croyances pour s'instruire, s'affirmer et enfin lutter en essayant de sauver des personnes innocentes. Cette lente évolution appuie bien le propos de cette oeuvre et se montre assez habile dans sa narration progressive (et donne des envies de relecture).

Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une pointe de déception lorsque j'ai ouvert le premier tome. En effet le dessin est bien moins beau et marquant que ne le laissait présager les sublimes couvertures. Je me suis cependant rapidement habitué au dessin qui manque parfois un peu d'impact mais reste efficace allié à une narration simple et peu inventive mais efficace. J'ai trouvé que l'autrice arrivait à rendre ses pages plus belles et marquantes au fil des pages mais ce n'est clairement pas pour son dessin que j'ai apprécié ce manga.

Si le livre des sorcières n'est pas le récit ouvertement féministe auquel je m'attendais, il a facilement réussi à m'emporter, à me questionner et à me passionner pour cette période tristement célèbre de la chasse aux sorcières. Je pense que ce manga devrait être dans les CDI des lycées tant il décrit avec brio la peur de l'incompréhensible, les mécanismes de la rumeur collective, du coupable rassurant et de l'obscurantisme généralisé.

Je conseil bien évidement ce manga et m'en vais lire La couleur de l'eau, le second manga de Ebishi Maki a être traduit en français.

Clairement un must read, sur les fonctionnements de la peur, la rumeur, l'hystérie collective, l'obscurantisme. L'histoire se situe au 16e siècle, début de la Renaissance, qui connut l'apogée de la chasse aux sorcières, et suit l'histoire vraie de Jean Wier, disciple de Cornelius Agrippa, un des plus grands savants ésotériste de son époque.