Intrus (les) - Actualité manga
Manga - Intrus (les)
Age conseillé

Résumé

Temps présent et adversité sont les angles immuables des histoires d’Adrian Tomine, qui laissent le sentiment que rien ne changera jamais. Depuis ses débuts, cet Américain d’origine japonaise décline dans sa série Optic Nerve des parenthèses de vie contemporaine, traversées par des hommes et des femmes harassés par leur quotidien. La manière soudaine et presque arbitraire dont s’ouvrent et s’interrompent ces chroniques laisse le plus souvent abasourdi, et concourt à identifier son style si particulier. Car si Tomine décrit des personnages dont la vie se sclérose peu à peu autour d’un quotidien banal, il ne cesse de réinventer son style, faisant évoluer sa grammaire à l’aide d’expériences formelles, comme pour conjurer par l’art un destin qu’il semble redouter pour lui-même.
 
Ce nouveau recueil confirme ainsi son intérêt récent pour la couleur, accompagnant une forme de nostalgie pour la bande dessinée classique et un goût pour les constructions graphiques. Le lecteur passe ainsi d’un récit introspectif à la première personne, illustré par des cartes postales dépeuplées, à un gaufrier extrêmement dense de cinq bandes dans lequel la répétition devient rythmique.
 
Avec l’âge, le cynisme des débuts a cédé la place à une forme d’empathie empreinte d’ironie. Adrian Tomine rejoint ici son influence majeure, Yoshihiro Tatsumi, ce maître de la bande dessinée japonaise qui lui a permis de conjuguer ses deux cultures, le Japon et L’Amérique, le Gekiga et le Comics underground, pour se forger un langage à son image. Un langage qui, loin des effets faciles, déploit les moyens de la bande dessinée pour se consacrer à la peinture la plus juste possible de la condition humaine moderne.

Derniers commentaires

nolhane

De nolhane [6594 Pts], le 14 Février 2021 à 00h41

18/20

Certain(e)s auteur(e)s ont une telle maîtrise de leur art qu'ils arrivent à expérimenter tout en alliant le beau, l’intéressant et la pertinence. Avec « Les intrus », Adrian Tomine nous emporte dans une peinture douce-amer de personnages perdues dans la société occidentale. Au fil de 6 histoires n'ayant au premier regard pas de lien entre elles, Les intrus dresse un portrait drôle, cassant et fascinant de l'homme « moderne ». (Le recueil porte en français le titre de la dernière histoire « Les intrus »).

 

Les histoires n'ont pas de lien entre elles au niveau du scénario, des lieux où des personnages. Pourtant, la question de la reconnaissance des autres est présente tout le long de la lecture. La recherche de la reconnaissance des pairs ce décline sous différents moyens selon les histoires : la création artistique, l'assurance qu'on est unique, l'amour, la parentalité, ou encore l'humour. Cette reconnaissance n'est jamais celle que l'on souhaite et s'accompagne souvent par un sentiment de solitude lié au fait que nous sommes des êtres incompris.

Les personnages donnent l'impression de ne pas arriver à communiquer avec les autres, même et surtout au sein d'une famille. Une solitude remplie de détresse se dégage des personnages. On pourrait penser que « Les intrus » du titre français fait référence à la manière dont nous sommes tous des intrus pour les autres, même nos proches.

 

Malgré des thématiques communes, chaque histoire est bien distincte des autres. Un des gros point fort de l'auteur est de réussir à créer rapidement des personnages via des dialogues fins et réalistes mais aussi grâce à la précision de son trait quand il s'agit de rendre ses personnages expressifs.

On pourrait craindre que les histoires ne soient pas assez marquante au vu de leur faible longueur.. pourtant ce n'est pas le cas, le contexte est composé en quelques cases, tout est fluides jusqu'à un final aussi surprenant qu'évident. Adrian Tomine est passé maître dans l'art de créer des minis mondes/histoires qui sont immédiatement prenant et marquant tout en laissant vivre et grandir ses personnages une fois l'histoire finie.

 

Si visuellement, on pense beaucoup au travail de Chris Ware et Daniel Clowes pour les pages en couleur, le dessin de Tomine est reconnaissable au premiers coup d’œil tant son trait fin et aéré possède une finesse du regard et de l’expression assez unique. La mise en page se renouvelle constamment dans ce livre. On peux passer du noir et blanc à la couleur au sein d'une histoire ( Hortisculpture). La colorisation ou le noir et blanc change entre chaque histoire tout comme le rythme et le nombre de cases par pages. Une histoire est même raconté par une narration sous forme de « carte postale ». Le fait que Adrian Tomine expérimente beaucoup dans cette BD ne l'a rends pas pour autant indigeste et brouillonne. Il arrive à transformer cet éclectisme en force en adaptant continuellement la narration au propos. Chaque histoire dégage une ambiance unique, où le fonds et la forme se marient avec soin.

 

Adrian Tomine repousse les possibilités de la bande dessinée tout en gardant un ton propre à lui. Les intrus est une lecture forte qui ne m'a pas laisser indifférent. Je suis définitivement conquis par ce grand portraitiste contemporain.

Voir tous les commentaires

Les volumes de la série

Voir tous les volumes du manga