Crusher Joe

Le livre est un manga de 4 histoires indépendantes qui s’inscrivent à des points divers du déroulé de la trame de Crusher Joe (ce qui implique de voir soit les OAV, soit le film ou les wikis qui aident aussi un peu, laissez tomber les romans car ils n’ont jamais été traduits), pour ~210 pages avec en plus 11 pages d’illustrations couleurs de Yoshikazu Yasuhiko, dit aussi Yas, ainsi qu’un artbook en noir et blanc d’au moins 50 pages à vue de nez qui semble relatif au film de 2h avec assez peu de notes (les rares qu’il y’a sont surtout en japonais peut être qu’un smartphone pourrait le traduire avec google lens ?). C’est un beau pavé satisfaisant.

Il faut savoir qu’à la base il s’agit de romans de Haruka Takachiho qui voulait faire un Albator qui soit plus hard SF que fantasy, depuis l’origine l’auteur travaille avec Yoshikazu Yasuhiko (au début pour ses couvertures de romans puis pour le film et les oav dont il a fait les chara designs et l’atmosphère graphique générale de Crusher Joe), on peut voir une nette proximité avec Venus Wars de Yas que Crusher Joe a probablement alimenté. Ici Fujihiko Hosono a été très fidèle au style de Yoshikazu Yasuhiko, ce qui fait qu’on a une sorte de manga de Yas un peu secret. J’aime aussi considérer Crusher Joe comme une sorte de suite plus loin dans le futur de Venus Wars tellement ça semble être compatible par la DA et le manque d’infos sur le passé de Crusher Joe qui autorise Venus Wars à s’y situer quand la Terre commence à coloniser le système solaire mais n’a pas encore découvert les voyages à distorsion, un peu comme les gens qui analysent que les univers de Blade Runner et de Total Recall sont compatibles en étant à des époques différentes.

Niveau DA c’est du Yas, avec un peu le style Hosono qui n’utilise pas l’aquarelle comme le faisait Yas, le style de design se veut être un mélange vraisemblable et réaliste en se basant sur des designs technologiques connus (chasseurs américains, navette discovery,…) ou parfois tirés de la pop culture comme les vaisseaux impériaux de Star Wars IV (vu l’époque à laquelle ça a été fait il y’a probablement des réfs qui seront moins perceptibles), les costumes ont un mélange curieux allant du contemporain, de la hard sf et du moyen âge futurisé en vogue à ce qui se faisait un peu partout dans les années 60/70/80. Globalement il n’y a rien à en dire c’est beau comme du Venus Wars et de l’Albator, la mise en scène est claire, je n’ai pas noté de problème de compréhension du dessin.

Niveau histoire c’est un peu opaque dû à la nature de nouvelles s’implantant à des intervalles différentes des romans (des nouvelles qui d'ailleurs proviennent de magazines fait à des époques différentes donc ce n'est même pas pensé pour), je n’ai pour le moment vu que les wikis (qu’il faut avoir au moins en tête sinon on ne comprendra pas tout, il n’y a pas grand-chose mais ça suffit) donc j’ai compris certaines logiques comme le monstre de Frankenstein qui illustre le fait que le mec est ultra cyborgisé, sa relation avec le gosse ingénieur, la relation de la navigatrice qui dans le manga sert plutôt d’adjointe avec le capitaine qui dans le futur finira en mariage ce qu’on ne voit pas dans le manga. Pourquoi un mec de 19 ans est capitaine, la nature intégrale des Crushers qui sont une sorte de travailleurs généralistes allant de l’ouvrier démolisseur spatial au mercenaire suivant les missions d’intérim qu’ils choppent. A savoir que l’histoire vieillie c’est-à-dire qu’il n’y a pas de permanence temporelle, donc le temps passe, ainsi si la navigatrice a 16 ans au début de Crusher Joe (même si on sait pas trop quand commence le manga) elle finira au bout d’un moment à devenir majeure, ce qui permet aussi de comprendre que le gars du haut de ses 19 ans ne finira pas par faire un enfant avec une mineure de 16 ans (tout ça n’est pas abordé dans ce manga mais comme c’est dans les wikis sans précision chronologique faut le comprendre, la meuf le travaille depuis des années).

Je trouve même si globalement c’est sympa que l’histoire a vieillie sur certains points (on n’est pas dans un The Expanse comme l’aurait aimé l’auteur d’après son wiki) dans le sens où on nous présente les protagonistes comme des gens qui semblent avoir une morale héroïque et certaines choses posent des questions, peut être que certaines choses s’expliquent dans les romans mais ici et dans ce que j’ai vu vite fait du film en zappant dedans c’est compliqué.

Personnellement et par exemple mais on pourrait écrire pas mal de trucs sur ces 4 histoires, j’ai dû mal à voir comment quelqu’un peut être un héros quand on balance des grenades incendiaires sur des gens, qu’on sait nous qu’ils sont des pirates mais que le héros ne le sait pas au moment où il les jette qu’ils le sont, au moment où il jette ses grenades les mecs ont juste fait exploser une porte d’une salle où le héros est prisonnier (donc d’un côté il pourrait même les voir comme des libérateurs voire que ce sont ses deux autres collègues). Aussi (mais ça c’est plus à cause du cahier des charges des éditeurs et des producteurs qui amène à des trucs wtf) sur le fait de faire travailler des enfants comme enfants soldats dès l’âge de 10 ans et sans qu’ils ne suivent de formation scolaire (qui semble pourtant exister d’après la première nouvelle), le capitaine Joe a commencé à être crusher dès 10 ans (ce qu’on voit dans un flash back dans l’une des nouvelles) et doit sa position en partie par népotisme, et son « ingénieur » a été embauché à 13 mais est déjà maître ingénieur (c’est quasi le sketch sur les enfants asiatiques capables de monter des iphones dès la crèche). Les IA semblent aussi être extrêmement compétentes, elles sont peu visibles dans le manga mais leur niveau est très haut, peut être que ça expliquerait que des gosses puissent avoir un niveau suffisant pour travailler vu qu’elles font vraisemblablement le gros du boulot (dans The Expanse par exemple c’est tellement automatisé que même une journaliste peut s’improviser artilleuse), c’est dommage que l’histoire ne vienne jamais en parler. Le héros bute également un président démocratiquement élu qui veut se faire une corporation qui a la corruption facile à un niveau endémique très large (corpo dont le héros travaille à protéger le pdg), on nous présente le choix du héros comme juste mais je ne peux m’empêcher d’être team président. Puis y’a aussi le gout japonais à considérer des mineurs comme majeures ce qui est un problème quand il y’a des scènes de torture même si celle-ci ne dure pas vraiment pour voire quelque chose et qu’il y’a un twist sur la nature de la fille (encore que de nos jours on considère la chose de ce twist comme étant des humains sentients voire que ça pose un problème de création d’habitude déviante et que donc il devrait y avoir une loi interdisant ça), d’une manière générale je me dis pourquoi pas que des terros fassent ça, mais vu qu’ils font un récit tourné jeunesse façon Black & Mortimer, ça m’a pas trop l’air de coller à la cible visée (d’après le film le robot se prend aussi pour Jacky Chan dans sa vraie vie et lit outrageusement des magazines pour adultes), franchement ça m’a surpris, donc si vous lisez Crusher Joe voyez plus cette franchise comme un mix entre Metal Hurlant et Venus War que comme un Albator de TF1.

Conclusion, j'ai eu un bon divertissement, il vaut mieux avoir quelques éléments d’histoire pour le lire afin de comprendre correctement les histoires, je vais poursuivre vers les OAV et le Film qui ne semblent n’être qu’en VOSTFR, l’histoire a vieillie sur certains points et on se pose des questions sur les choix scénaristiques et la justesse du choix de la cible. Il y’a également un autre manga en cours d’édition, Crusher Joe Rebirth, mais qui n’est pas encore adapté en France, si un jour il l’était, ce manga fonctionnerait bien je pense avec ce nouveau manga car le nouveau semble apporter une origine aux personnages donc apporter une présentation d’univers que ce manga ne fait pas, et cet ancien manga pourrait apporter à ce nouveau des histoires complémentaires sans à avoir à voir les films ou les OAV.

One-shot un peu bizarre, constitué de quatre nouvelles signées Hoshino ainsi que d'illustrations et de croquis de l'anime (avec des persos absents du manga...) signés notamment "Yas".

Les fans de l'anime y trouveront peut-être leur compte. Ceux qui, comme moi, ne l'ont pas vu seront un peu perdus. Les persos et l'univers ne sont quasiment pas présentés et les histoires sont classiques et parfois confuses. Ce n'est pas désagréable pour autant car Hosono ne démérite pas graphiquement mais tout cela reste anecdotique...